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Billet de blog 30 mars 2012

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Meetings de campagne : des spectacles participatifs.

Entre 1975 et 2007, du Cuirassé Potemkine à Jean Paul II en passant par Danton et Robespierre, Jésus, Marie Antoinette, De Gaulle , Bonaparte et Ben Hur l’acteur-réalisateur Robert Hossein a produit des grands spectacles historiques pour des milliers voire des dizaines de milliers de spectateurs. Quelquefois le public était sollicité et pouvait influer sur le déroulement ou sur la fin du spectacle. La plus emblématique de ces manifestations culturelles de masse fut « Je m’appelais Marie-Antoinette » ; le public était invité à jouer les jurés à la fin du spectacle en votant pour ou contre la mort de la Reine. Les meetings de campagne et particulièrement celui de la Bastille semblent relever de la même logique participative …

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Entre 1975 et 2007, du Cuirassé Potemkine à Jean Paul II en passant par Danton et Robespierre, Jésus, Marie Antoinette, De Gaulle , Bonaparte et Ben Hur l’acteur-réalisateur Robert Hossein a produit des grands spectacles historiques pour des milliers voire des dizaines de milliers de spectateurs. Quelquefois le public était sollicité et pouvait influer sur le déroulement ou sur la fin du spectacle. La plus emblématique de ces manifestations culturelles de masse fut « Je m’appelais Marie-Antoinette » ; le public était invité à jouer les jurés à la fin du spectacle en votant pour ou contre la mort de la Reine. Les meetings de campagne et particulièrement celui de la Bastille semblent relever de la même logique participative …

Des signes pour des effets calculés

C’est devenu la règle. Dans toute équipe de campagne un staff de communicants réunissant spin-doctors et professionnels de la mise en scène prend en main de A à Z la conception et la réalisation des meetings des candidats. Les produits audiovisuels sont ensuite offerts aux medias qui n’ont pas d’autre choix mais qui y trouvent cependant leur compte. Invariablement la salle est constituée de façon planifiée : devant l’estrade le carré des VIP, des rangées de jeunes en tee-shirts blancs ornés du logo et d’images du candidat, des drapeaux divers préalablement distribués et disposés selon un zonage très précis avec accumulation face à la scène. Ils sont agités selon des séquences commandées par les temps forts du discours signalés par les intonations de l’orateur et ponctués de clameurs enthousiastes. Des gros plans sur des visages chaleureux et extatiques de tous âges et de tous types ethniques choisis de façon à reconstituer sur la durée un échantillon peu ou prou représentatif du corps électoral afin de maximiser les processus d’identification. Le scénario est immuable et sans surprise : chauffage de salle par des seconds couteaux, entrée du candidat selon le protocole classique  de la haie d’honneur émaillée d’embrassades et de serrements de mains, longue ovation à son arrivée devant le pupitre, son salut bras levés avec rotations du corps, scansion du « X président » prolongée à l’extrême reprise dans les temps les plus forts associés à ses thèmes les plus porteurs, un fond de groupes de jeunes divers et variés vient signifier l’avenir derrière le candidat et pour clôturer tout le monde entonne une Marseillaise martiale. Il arrive qu’à un certain moment la séquence soit pimentée par une célébrité qui vient dire tout le bien qu’il pense du candidat.

Le militantisme spectaculaire

Qu’elles en soient conscientes ou non les personnes présentes sont au premier chef les acteurs d’une dramaturgie bien réglée. Il est probable que certains sont préparés au gros plan qui va les exposer comme éléments représentatifs d’un type social ; échantillons de la « diversité ethnique bien sûr, mais aussi sociale : ouvriers avec leurs casques, jeunes cadres en costume trois pièces, papys et mamys exultant, ménagères radieuses pas du tout désespérées, figureront entre autres dans un récit iconique d’une France représentée unanime à chanter les mérites du candidat. Dans cet univers captif tout fonctionne à 100% dans ces quelques heures de magnification calculée, distillée et … tarifée. Au terme de ce meeting c’est un pays réconcilié avec lui-même autour du candidat qui restera présent dans les esprits, au moins un temps … car le quotidien se chargera rapidement de dissiper la magie artificielle des images et des mots.

Le spectacle de la politique c’est la politique du spectacle … et réciproquement

Il faudrait être bien naïf pour croire que les effets attendus seront au rendez-vous. Dans le processus d’interprétation il y a certes le vécu immédiat, le décodage in vivo, les émotions premières, le temps où l’ici et maintenant émotionnel pilote les ingrédients de la pensée. Mais ensuite vient le temps où ce qui fait signe c’est à la fois le vécu « brut » mais aussi ses effets sur le contenu de la pensée avec le sentiment d’une connexion très étroite entre les deux. C’est ce couple qui est véritablement pris en compte. C’est alors qu’apparaît le caractère artificiel de la construction spectaculaire initiale. Dés cet instant elle est perçue comme étant calculée à produire les effets qu’elle a effectivement produits. Les ficelles sont grosses, elles se voient et les interrogations sur les finalités du dispositif sont tellement fortes que le résultat final sera nul dans le meilleur des cas, contre-productif dans le pire. Le sentiment « qu’il y a un truc » est toujours présent.

Le 22 avril 2012, à l’instar des spectateurs qui ont voté ou pas la mort d’une reine dont la tête étainet tranchée avant qu’ils naissent,  les électeurs-spectateurs feront-ils autre chose que se mettre en accord leur vote avec une claire conscience de leur situation et de leur devenir que de toute façon ils auraient manifestée ?

Si tel était le  cas nous pourrions dire : « Tout ça pour ça ! »

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