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Billet de blog 7 mars 2025

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Donald Trump et sa vérité alternative, redéfinissent la démocratie

En remportant un second mandat, Donald Trump a prouvé que sa vision politique, fondée sur la contestation des faits et la promotion de la vérité alternative, n’était pas un simple épisode de l’histoire américaine, mais une dynamique mondiale.

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Sa victoire électorale ne marque pas seulement son retour au pouvoir ; elle consacre l’hégémonie d’une nouvelle manière de concevoir la politique : une ère où la désinformation devient un outil de gouvernance et où les démocraties elles-mêmes vacillent face à la manipulation des faits.

Un second mandat sous le signe de la post-vérité

Dès son premier mandat, Trump avait imposé une rupture avec la politique traditionnelle en s’affranchissant des faits objectifs. Sa stratégie reposait sur une logique simple : nier l’évidence, discréditer toute autorité contradictoire et inonder l’espace public de récits parallèles jusqu’à ce que la confusion devienne la norme.

Son retour au pouvoir en 2025 confirme que cette méthode ne relève pas de l’accident politique mais d’un modèle désormais ancré dans le paysage démocratique. En niant les rapports scientifiques sur le climat, en qualifiant ses opposants de traîtres manipulés par une élite mondiale, en minimisant les scandales et en remodelant les institutions à son avantage, il a consolidé une vision du monde où la vérité est une variable ajustable au service du pouvoir.

Un effet domino sur les démocraties du monde entier

Ce triomphe de la vérité alternative ne concerne pas uniquement les États-Unis. En prouvant qu’il était possible de gouverner sur la base de faits contestables et d’un mépris assumé des règles démocratiques, Trump a ouvert la voie à une vague mondiale d’autoritarisme populiste.

Dans plusieurs pays, des dirigeants s’inspirent ouvertement de sa stratégie. En Europe, des gouvernements nationalistes reprennent ses méthodes : contestation des résultats électoraux, attaques systématiques contre la presse et mise en doute de la légitimité des institutions judiciaires. En Amérique latine et en Asie, des leaders populistes exploitent ce précédent pour réprimer l’opposition sous couvert de dénoncer un deep state international.

Le système international lui-même est ébranlé. Sous Trump, les États-Unis se sont retirés d’accords multilatéraux, ont attaqué les fondements des alliances historiques et ont contribué à rendre caducs les mécanismes de coopération internationale. L’ONU, l’OTAN et d’autres institutions subissent une crise existentielle, tandis que la Russie et la Chine exploitent ce vide pour redéfinir l’équilibre mondial selon leurs propres intérêts.

L’érosion du principe de vérité : un danger pour la démocratie

La réélection de Trump démontre que le modèle démocratique tel qu’on le concevait autrefois repose sur une illusion : celle d’un débat fondé sur des faits communément admis. Or, en brisant ce consensus, Trump et ses homologues populistes imposent une nouvelle règle du jeu : la politique devient un affrontement de narratifs, où la perception l’emporte sur la réalité.

Le danger est immense. Si la vérité devient une affaire d’opinion, alors les élections elles-mêmes perdent leur sens. Pourquoi accepter un résultat défavorable si l’on peut convaincre ses partisans qu’il est frauduleux ? Pourquoi respecter les institutions si elles sont perçues comme gangrenées par un complot élitiste ?

Les États-Unis ont déjà été témoins des conséquences de cette logique lors de l’assaut du Capitole en 2021. Mais aujourd’hui, ce modèle s’exporte : des foules contestent les résultats électoraux en Amérique du Sud, des gouvernements européens tentent d’imposer leur propre version des faits à coups de médias contrôlés, et les régimes autoritaires se sentent légitimés à écraser toute opposition sous prétexte de lutte contre la désinformation.

Résister à la post-vérité : un combat pour l’avenir

Face à ce tournant historique, la résistance ne peut être purement institutionnelle. Les médias traditionnels, déjà fragilisés par la défiance populaire, peinent à contrer l’influence des réseaux sociaux, où l’information est devenue un champ de bataille idéologique. Les vérificateurs de faits (fact-checkers) se heurtent à un mur : dans un monde où la vérité est perçue comme relative, contredire une fake news ne fait que renforcer la méfiance.

Il ne s’agit plus simplement de rétablir la vérité, mais de restaurer les conditions mêmes du débat démocratique. L’éducation à la pensée critique, le rétablissement de garde-fous institutionnels et la lutte contre les plateformes qui favorisent la désinformation deviennent des enjeux de survie politique.

La réélection de Donald Trump ne signifie pas seulement son retour au pouvoir ; elle symbolise la victoire d’une nouvelle ère politique où la vérité n’est plus un pilier du débat démocratique, mais un instrument malléable au service des ambitions populistes. Ce phénomène, désormais global, menace l’équilibre fragile des démocraties et transforme en profondeur le fonctionnement du système international.

Face à ce défi, la question reste ouverte : la démocratie peut-elle survivre dans un monde où la vérité n’a plus de valeur universelle ? La réponse dépendra de la capacité des sociétés à reconstruire un espace de dialogue fondé sur des faits partagés, à renforcer leurs institutions et à résister aux assauts d’une politique de l’illusion devenue réalité.

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.