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Billet de blog 17 avril 2020

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Le coup du collier.

Car c’est le concours Lépine de la réglementation et de ses arrêtés. Qui pour donner la surenchère de imbécillité citoyenne ?

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

                                                                                 Le coup du collier.

  Les cloches l’on bien dit, cette année est inédite.  Ce dimanche de Pâques, les parcs sont fleuris, l’air est si pur, c’est oublier que c’est la guerre et que la délation devient civique. Pour échapper aux contrôles, d’irresponsables promeneurs se sont habillés en œuf de pâques. Cachés dans les buissons derrière les arbres ou sur les brins d’herbe, ils craignent d’être trouvés par la marée chaussée venue à la chasse aux œufs et aux étrennes.

 Car c’est le concours Lépine de la réglementation et de ses arrêtés. Qui pour donner la surenchère de l’imbécillité citoyenne ? De celui qui restreint l’accès de la boulangerie aux acheteurs d’au moins deux baguettes et à dix mètres au plus, la ballade journalière, à celui qui fait dévisser les bancs de la ville par non-respect des deux minutes autorisées pour s’y asseoir.  Absurdités dessinées par Mandrika dans les années soixante-dix, où les libellules, pour se poser sur les fleurs n’avaient le droit qu’à deux rebonds ! après, elles étaient punies. Ils l’on fait !

Et notre Sinistre de l’économie de placarder sur tous nos écrans son « Avis à tous les Français » :

                    " Travail, Investissement, Exemplarité » va désormais remplacer : « Travail-famille-patrie ».

 C’est à l’économie qu’il appartient maintenant de gérer la société française. L’opération Résilience, c’est ça. « Plus rien ne sera comme avant » disait-il. Il a fait ce qu’il avait dit, avec quoi il était d’accord.     

Une guerre peut en cacher une autre.  Le gouvernement appelle les Français à l’effort de guerre.                                                                                 « Gardez-vous des faux prophètes. Ils viennent à vous en vêtements de brebis, mais au dedans ce sont des loups ravisseurs. Vous les reconnaîtrez à leurs fruits. (Saint Mathieu) »                 

 Les généraux de la croissance ne craignent qu’une chose, que la machine grippée depuis si longtemps ne veuille plus repartir, que ses grognards regardent ailleurs, qu’ils ne veulent plus marcher !

Les « obligés » du PIB, eux, travaillent vite, ce n’est pas tant le virus qui les travaille que le fruit où il s’est installé. Qu’importe les milliers de morts au champ d’honneur, on n’en fait pas un deuil national, l’économie n’attend pas, il n’y a pas une minute de silence à perdre. Chaque semaine, chaque jour les « confinés à ne rien faire » aggravent les finances publiques. Il va falloir dé-confiner … et vite.                             

 Pour garder les enfants du travailleur essentiel, on rouvre les écoles. Le virus ne s’attaque pas aux héros de la reconstruction.

Comme le « patriot act », a suivi la fin world trade Center, les grandes catastrophes accouchent souvent d’enfants dont on préfère taire les noms, qu’on n’appelle pas : restrictions de libertés, d’opinion, d’aller et venir, de la Presse, du droit du travail, de manifester. Localisation, traçage d’opinion, tout est contrôlé, même la température.                                                                                                                                                        A l ’appui d’ordonnances pour remède de cheval, ce Covid-là peut être une aubaine.   

  Comme s’ils n’avaient déjà pas assez payé de leur personne, l’Etat invite les français à un bon « coup de collier », les actionnaires à renoncer à leurs étrennes, les chefs d’entreprise à bien investir les cent milliards de l’Etat ; car pour faire marcher l’économie, paradoxe de notre système, il faut d’abord y mettre des économies. En échange de sacrifices humains, les salariés pourront faire preuve de plus de souplesse dans l’étalement de leurs congés-confinés et ceux de leur congé maladie, puisqu’ils gardaient la chambre, prendre ceux d’été au mois de novembre et ceux de Pâques à la Trinité, privilégier la semaine des soixante heures à celle des trente-cinq ; Il faut rattraper le temps perdu !

Mais quel temps perdu ? qui décide de celui qui est perdu et à partir de quand est-il perdu ?   Comment les officiers de la croissance persuaderont-ils les « sans dents » de participer à cet effort de guerre, à rattraper les richesses qui n’ont pas été produites et qui n’auraient pas été partagées ?

 Faut-il n’avoir rien compris d’une année où le grognard haineux bivouaquait dans la gadoue autour d’un brasero de fortune, faisant le siège du rond-point de la ville.   Est-ce-ce la réhabilitation qu’on lui propose en échange de son soutien au projet de « restauration » du profit ?  Ceux qui ne sont rien adhéreront-ils au projet vers lequel on les pousse ?  

Comme si la seule croissance était un signe de bonne santé, on dit que la France est à l’arrêt. Quelle blague ! la France vit, réfléchit, pense, invente, elle fait sa retraite, c’est son congé sabbatique. Cette interruption est une grâce, on prie dans les alcôves Sainte Corona pour que plus rien ne soit comme avant, pour que ce collapsus ne marque pas le renouveau des nostalgiques de la croissance morbide, ceux tentés de reprendre les choses là où elles se sont arrêtées.   A toute chose, malheur est bon ; bénissons la providence d’avoir fait pour nous ce que nous n’aurions jamais osé faire : tout arrêter.

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