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Billet de blog 13 mai 2020

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Pollution déconfinée, logique déconfite

Saturation chaotique. Telle est, aux premiers jours du plan gouvernemental de déconfinement, la réalité des décisions ministérielles dans les villes et à leur abord.

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

       Encore déserts et relativement oxygénés hier, les ponts, les carrefours, les boulevards et les couloirs du métro sont aujourd'hui recolonisés jusqu'à l'asphyxie. A l'instar des voies de transport, le paysage visuel et le paysage sonore sont de nouveau saturés d'êtres humains. Lundi, les rames du métro parisien ont atteint, à l'heure où les moins riches partent travailler, un taux de remplissage digne de la branche dionysienne de la ligne 13 aux soirs des matchs internationaux disputés au Stade de France. L'aurore ne s'éveille plus au sourd grondement des rivières, ni sous la mélopée retrouvée des mésanges charbonnières, mais se voit tirée du lit par les larsens de la circulation automobile. Cela relève de la brusquerie. Cela relève de l'engorgement. Tout cela tient au gavage, par la violence faite au gavé, c'est-à-dire la faune et la flore qui nous entourent. Tout cela tient au gavage, aussi, par la pression exercée sur le matériau de gavage, à savoir les travailleuses et les travailleurs de ce pays. En pleine période de pandémie et d'insuffisances hospitalières, alors que de nombreux médecins alertent sur l'imminence catastrophique d'une seconde vague épidémique, le retour massif et contraint des Français au travail fait l'effet d'une boule coincée dans l’œsophage de la logique et de notre dignité – amas qui, doublement, subit la pression et réalise l'étouffement, car il est le moyen de l'asphyxie de notre environnement sous le piston du Capital.

       Cet effet de saturation se double d'un effet de chaos qui résulte directement de l'impréparation et de l'illogisme de l'Exécutif. En voici trois exemples.

  • Premier exemple : le retour à l'école. La reprise des écoliers de la maternelle et du primaire est officiellement maintenue par l'Exécutif, alors même que de nombreux maires se sont opposés, à l'échelle municipale, à la réouverture des établissements scolaires. La reprise est présentée comme une nécessité pédagogique par Jean-Michel Blanquer, ministre de l'Éducation Nationale, alors même qu'elle constitue un danger sanitaire pour toute la population, ainsi qu'une source inédite d'inquiétude et d'indécision pour les parents.

  • Deuxième exemple : le retour au travail dans la Fonction Publique. Dans la ville de Limoges, 130 000 habitants, on assiste à une différence de traitement incompréhensible. Un même agent comptable de l'Administration Territoriale, s'il travaille pour la Mairie, peut demeurer chez lui et télé-travailler ; s'il travaille pour l'Agglomération, doit revenir physiquement sur son lieu de travail. Qui est responsable de ce manque abyssal de cohérence ? Le seul qui puisse être garant de la cohérence des injonctions administratives à l'échelle nationale : l'État sous sa forme exécutive, c'est-à-dire le Gouvernement.

  • Troisième exemple : les transports urbains. Le gouvernement demande à nos concitoyens de respecter la distanciation physique dans les transports parisiens. Pour qui a pris le métro une seule fois dans sa vie, cette injonction apparaît comme elle est : tout à fait irréalisable et absurdement grotesque. Est-ce de l'impréparation ? Oui, au sens où les faiseurs-d'injonctions semblent manquer de la plus élémentaire expérience de la vie quotidienne. Est-ce de l'illogisme ? Oui, au sens où, dans une ville marquée par la surpopulation, il est incompatible à la fois de demander aux gens de revenir massivement travailler et d'exiger d'eux qu'ils ne se retrouvent pas massivement dans les transports en commun à l'heure où l'on part travailler.

       À être ainsi « déconfinés » dans l'illogisme et les gaz d'échappement, prenons garde de ne pas nous laisser totalement déconfire.

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