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Le président français, Emmanuel Macron, qui avait fait de son combat pour relocaliser les productions de paracétamol sur le sol français une priorité (pendant les pénuries de celles-ci), se voit aujourd’hui questionné sur ses intentions concernant ce potentiel rachat. Il a déclaré lors du salon de l’auto le 14/10 : « On s’est battu pour que le Doliprane soit reproduit en France et qu’on reproduise des molécules et des médicaments qui sont indispensables. » Il a ensuite ajouté : « Et ensuite il y a la propriété capitalistique. Et là, le gouvernement a les moyens de garantir que la France soit protégée. »
Si les négociations arrivent à leur terme et concluent à un accord avec CD&R, le fond américain mettra la main sur une société française qui rayonne à travers le monde et qui emploie près de 11 000 personnes. Sanofi justifie cette vente en assurant vouloir se concentrer davantage sur la recherche et le développement de médicaments innovants. Un but purement lucratif, donc, et qui résonne dans notre société comme un nouvel aveu d’impuissance face à l’ogre américain qui dévore tout sur son passage. Ce qui nous fait resurgir des souvenirs de 2015 avec la vente d’Alstom à General Electric.
Le cas Alstom
Pour remettre dans le contexte, Alstom, fleuron de l’industrie française, spécialisée notamment dans la fabrication de turbines destinées aux centrales nucléaires, fut rachetée par une entreprise américaine (General Electric). Cette vente provoqua un emballement médiatique et alimenta les débats sur la souveraineté de notre pays en matière énergétique. La dépendance à un pays tiers en matière d’énergie peut paraître risquée, si ce pays stoppe son approvisionnement. De nombreux scandales éclatèrent, notamment l’arrestation (par le FBI) en 2013 de Frédéric Pierucci, ancien président de la filiale chaudière d’Alstom et personnalité importante du groupe. Il fut une victime collatérale de la guerre économique entre les États-Unis et le reste du monde. Suite à son retour sur le sol français, il analysa le calvaire judiciaire qu’il a subi pendant 24 mois : « L’objectif des États-Unis est de mettre le monde entier sous juridiction américaine (…) la justice américaine mène une guerre économique contre les grandes entreprises européennes. » Selon lui, la procédure enclenchée à son encontre avait pour but de faciliter la vente d’Alstom à son concurrent (General Electric).
Nous vivons dans une culture façonnée par la culture étasunienne, il est donc compliqué pour des individus de comprendre les enjeux complexes de l’ordre mondial établi. À cette époque, déjà en 2015, des personnalités comme Arnaud Montebourg (ministre de l’économie sous François Hollande, 2012-2014) se dressèrent contre cette décision. Contrairement à un nom maintenant très bien connu, qui lui succéda au ministère de l’économie en 2014 et qui aurait selon ses dires (de Arnaud Montebourg) facilité cette vente-ci : monsieur Macron. Les enjeux autour de cette question de passage sous pavillon étranger sont très complexes et voient certains libéraux s’affronter et défendre bec et ongles le droit d’une société privée à disposer comme elle l’entend de son capital, allant parfois jusqu’à nuire aux intérêts nationaux.
Guerre économique ?
Il faut ancrer cette volonté de rachat d’Opella dans une stratégie américaine beaucoup plus large. Le terme « Guerre Économique » pourrait sembler excessif, mais les faits nous le confirment : les États-Unis affaiblissent des entreprises stratégiques européennes avec comme objectif de mieux se positionner sur les marchés mondiaux. Une loi est au cœur de tout ce système, elle est la source de grandes inquiétudes de la part des groupes internationaux, « lawfare », la loi anti-corruption (entrée en vigueur en 1977). Le périmètre de cette loi est très large et peut intervenir contre n’importe quelle entreprise dans le monde, dès lors que, par exemple, elle a effectué une transaction en dollar ; des échanges d’e-mails et l’hébergement de données sur des serveurs basés aux États-Unis. Les Américains ont donc la possibilité d’imposer de lourdes contraintes financières aux entreprises européennes, l’un des exemples les plus marquants étant l’affaire BNP Paribas. La banque française fut accusée outre-Atlantique d’avoir contourné l’embargo promulgué contre Cuba, l’Iran et le Soudan (levé ou assoupli par la suite), et dut payer 9 milliards de dollars. Ce qui surprend dans cette affaire, c’est son caractère juridique : comment des sanctions émanant d’un seul pays peuvent-elles contraindre les entreprises du monde entier à les appliquer ? En se dressant comme le gendarme du monde, les États-Unis exercent une pression constante et dangereuse, mais qui est à géométrie variable entre leurs entreprises et les autres… Une note de la DGSI rendue publique dans un documentaire ARTE (affaire Airbus) nomme le caractère de « stratégie de conquête » de la politique américaine dans les secteurs de la santé, de l’aéronautique, de la recherche et de l'énergie.
Cette stratégie montre encore une fois que la France et plus globalement l’Europe ne sont pas convenablement armées pour répondre à ces attaques. Dans un monde incertain, dû notamment à l’élection américaine, la guerre en Ukraine, le conflit israélo-palestinien, la forte montée des populistes… À l’heure où leur souveraineté est chahutée, il serait temps que, Français et Européens, arrêtent d’être les idiots utiles du capitalisme et de la mondialisation. Les discours européistes subissent des turbulences et il serait enfin temps, de nous affirmer sur la scène internationale, si ce projet d’une Europe forte est toujours viable. Nous devrions alors, dans ce cas, tant les Américains affectent nos politiques de nos jours, arrêter de regarder l’arrivée de Trump avec crainte et de faire en sorte que cette Europe rêvée, devienne enfin.