Il est dit que c’est le confinement, provoqué par la pandémie de Covid 19, qui a aidé à la formation du groupe. Il fallait passer le temps, voir se le réapproprier de la manière la plus élégante qui soit. Comment mieux plier les strates du temps si ce n’est avec la musique ?
Ces quatre normands se sont amusés à revoir les théories de leur cordes.
Valentin a lâché la guitare pour se découvrir une intuition formidable à la batterie dont la sensibilité jazz est manifeste.
Ismael et Corentin, les deux guitaristes, maitrisent le registre des guitares noisy, qui ont façonné la grammaire poétique des My Bloody Valentine, Slowdive, et Pale Saints. Toutefois, il faut souligner que c’est ici une jeune génération qui fait là une lecture d’une scène qu’ils n’ont pas vécu, ce qui est d’autant plus salutaire, car nous devons entendre cette oreille neuve comme l’arrivée d’une relève, mais aussi d’une réinterrogation de notre environnement actuel avec cet héritage.
Enfin il faudra parler de la voix de Mathilde. Le trouble est dans le genre, il faut se remémorer que le registre grave est à la base des envoûtements connus d’une Nico, et des phrasés en retrait chez Hope Sandoval ou encore Victoria Legrand.
Dès le E.P. Shutdown, sorti en numérique et en K7 en janvier 2021, il est évident que ce quatuor s’écoute, et se parle musicalement sans bataille d’égo. Même si le choix du mixage réalisé à l'époque retient quelque peu l’amplitude de ce geste, il est saisissant de comprendre immédiatement à quel point ces compositions aux évolutions complexes attrapent si facilement le coeur avec le même tour de force mélancolique qui a fait les beaux jours d’un OK Computer.
Il était évident que la rencontre avec Laurent Collat allait faire des étincelles. Le « cinquième membre », le temps des sessions d’enregistrement au 106 de Rouen, va leur étendre leur champs des possibles. Le groupe va dévoiler son amour du large, du cinémascope, du son ample et puissant qu’il attendaient quelque part.
« Men Are Dead » transforme l’électronique en plomb brûlant qui vient enrober les riffs taillés sur des signatures de temps aux articulations jazz, un peu comme la collision entre les éléments Sonic Youth et Mars Volta dans un cyclotron.
« Statues » pétrifie sur place par sa beauté froide, sa brillance « soulagienne », et rappelle que le groupe a tout compris de la retenue dans la puissance également. Il faut se rappeler un « Fake Plastic Tree » de Radiohead ou encore un « History » de The Verve, pour se dire que oui, nous tenons ici un hymne symphonique au détachement, de ce niveau d’évidence, et que c’est certainement le meilleur morceau rock indépendant français de 2022.
Là encore la frontière entre électrique et électronique fusionne en plasma dans un tokamak qui serait supervisé par Martin Hammet.
La structure #Alt-Dsl, dont l’intelligence principale est d’être au service du son, comme le fût autrefois un Chris Blackwell chez Island par exemple, vient de réaliser l’un des plus beau deux titres de cette année.
#AltDsl 46 Fishtalk "Men Are Dead / Statues "
Bandcamp Fishtalk "Shutdown EP"
Fishtalk "Statues" (Youtube)