Hier, Roger a découvert le concept de “journée mondiale de l’hypersensibilité”.
Roger aurait été dans la peau de son ancêtre Roger 1er, (alias Papy Roger), il aurait appris la chose dans le journal du matin, devant son café et ses tartines de camembert. Il aurait ronchonné très fort, et peut-être pris le temps d’envoyer un mot rageur au courrier du journal pour leur dire que raconter des sornettes n’a jamais soigné personne, avec variantes sur le thème: “On n’est plus à l’ère du charlatanisme à la mode Far Ouest”.
Mais Roger vit en 2025, et Mediapart verse rarement dans l’actualité scientifique, et plus encore pseudo-scientifique. Mais Roger suit également un peu trop de comptes sur la santé mentale sur LinkedIn, et c’est ainsi qu’il découvrit l’usurpation en cours du 13 janvier.
Et Roger, ça l’a bien foutu en rogne. Il adore savoir qu’il existe une journée mondiale sans pantalon.
“ Mais pourquoi donc, Roger tu serais pas un peu hypersensible à l’hypersensibilité” ? raillera un interlocuteur taquin.
Alors, techniquement, oui, c’est pas complètement faux, mais c’est pas ce que vous croyez non plus.
La métaphore préférée de Roger ira plus vite pour vous expliquer le problème, la voici.
Cherchez le point commun entre les éléments suivants (vous pouvez vous mettre un petit chrono ou passer directement à la solution):
- La Lune,
- Une chaussure lancée sur un président américain pendant une conférence de presse,
- Une mouche se cognant à une fenêtre,
- Un albatros dans le ciel,
- Spoutnik,
- Un aéroglisseur,
- Le bison volant dans la série animée: Avatar, le dernier maître de l'air,
- Gaston Lagaffe sur un bâton sauteur,
- Un A380.
Solution: tout ces éléments ont en commun, à un moment donné, de plus toucher le sol.
Fallait pas chercher loin.
Maintenant, pour chaque éléments de cette liste: sont-ils entrain de voler, de planer, de tomber indéfiniment, d’être projeté, de léviter, autre préciser ?
Si la réponse vous intéresse vraiment, contactez le prof de physique ou l’ingénieur en aéronautique le plus proche de chez vous.
En résumé, si vous associez le mauvais mot à un élément, c’est qu’il faut admettre que la physique élémentaire vous dépasse. Et Roger espère très fort qu’on ne vous demandera jamais sérieusement, au grand jamais, de réparer un avion en panne.
Ben l’hypersensibilité, voyez-vous, c’est tout pareil.
Reprenons: la sensibilité, selon le Robert, c’est “Propriété (d'un être vivant, d'un organe) de réagir d'une façon adéquate aux modifications du milieu.”
Jusque là, tout va bien. Vous êtes sensible des yeux si vous arrivez à lire cet article.
Seconde définition “Propriété de l'être humain sensible (traditionnellement distinguée de l'intelligence et de la volonté), cf affectivité, coeur.”
C’est un peu plus flou, mais c’est finalement une façon plus élaborée de réagir à son environnement.
Et donc, certaines personnes seraient “hypersensibles” ? Ah bah, tout le monde n’est pas fatigué à la même vitesse par les hurlements d’une cours de récré de maternelle, les néons au supermarché, ou aux bêtises new-age de certains contenus sur Internet. Donc oui, il y a des sensibilités différentes, et certaines atteignent des points handicapants: c’est un ticket pour le burn-out et divers problèmes du même acabit.
Premier point:
Ce n’est pas en niant un ressenti qu’on fait bouger la choucroute alsacienne.
Ou que vous allez vous éviter le sujet avec la personne qui vous a fait cette confidence qui vous a poussé à cliquer sur cet article. Si quelqu’un vous dit qu’il est “hypersensible”, cette personne a un problème gênant. Ce n’est pas la peine de l’engueuler pour nier ce qu’elle vous rapporte.
Second point:
L’hypersensibilité n’est pas un “diagnostic” au sens où le concept serait reconnu par la communauté scientifique mondiale. Comme le champagne et la boulette d’Avesnes, ce sont des choses qu’on ne trouve qu’en France, ou en tant que produits d’export à l’étranger qui feront se gausser les autochtones.
Par contre, savez-vous où atterrissent fréquemment les gens “hypersensibles” ? Dans les cabinets de psy. C’est normal, puisqu’ils passent assez régulièrement par des phases où ils ne vont pas bien.
En dépit du fait que les études de psychologies ont lieu souvent dans des facs de lettres et non des facs de science, les psychologues sont souvent mal à l’aise face à l’anglais. Et en plus, comme ils viennent de fac de lettres, ils souffrent aussi d’une hypersensibilité aux chiffres marquées. Not all psychologists of course, mais tomber sur quelqu'un de compétent par hasard sans avoir fait un pré-diagnostic tout seul avant d'aller ensuite voir un spécialiste reste un coup de bol. C’est probablement lié à la grande prévalence de la psychanalyse dans l’enseignement français de ce qui touche aux esprits: les jeux de mots sont rarement traduisibles en anglais, ou d’autres langues d’ailleurs, et si nos voisins non-francophones ont l’air par moment vaguement civilisé, c’est un des rares malentendu sans aucun rapport avec une cause refoulée admis par la discipline.
Bref. Le concept d’hypersensibilité n’est pas un diagnostic, ou une condition médicale. Donc le problème, c’est qu’une fois la chose avancée, il n’est pas… possible d’en faire quoique ce soit. A part venir vous en parler, mais en suite ? Faut faire quoi ? Nul ne le sait.
En revanche, le concept est lié depuis longtemps à un autre: le HPI.
Ça c’est plus facile, le haut potentiel intellectuel existe et est mesurable. Sauf que, ben les gens intelligents claquent rarement plusieurs centaines d’euro ou deux ans d’attente en CHU pour connaître leur Q.I.: c’est même à ça qu’on reconnaît qu’ils sont intelligents.
Sauf si, évidemment, si et seulement si ils ont un problème. Là, ils iront évidemment en cabinet. Mais alors leur problème n’est pas l’intelligence, mais autre chose. Sauf que si on ne cherche que le Q.I. ou qu’on se contente de constater qu’ils pleurent pour un pot de confiture cassé, ça ne va pas les aider non plus. Avoir un HPI n’a rien d’un diagnostic, c’est ballot.
Par contre, ces personnes, qui ne vont pas très très bien, atterrissent en cabinet psy et peuvent y rester longtemps. Si ça vous semble redondant avec ce qui est marqué plus haut, c’est normal.
Des gens écrivent ensuite des bouquins pour expliquer que les gens intelligents ne sont pas heureux. (Alors qu’en fait c’est souvent les gens malheureux qui vont chez les psy. C’est plutôt ça le facteur commun. La psychiatre que voit Roger est enchantée qu’il vienne la voir car il pète la forme et que ça doit lui changer les idées, mais c’est un cas particulier).
Sauf que, ben, parfois, des gens mettent une heure à se remettre d’un passage dans le métro parisien, et ils exagèrent même pas, ils font des tests de QI qui révèlent… Qu’ils n’ont pas de haut quotient intellectuel.
Il a fallu donc inventer un “lot de consolation”, pour éviter au “spécialiste” de dire qu’il ne sait pas… faire son boulot: avoir l’humilité de reconnaître qu’on ignore quelque chose n’a rien de honteux. Se renseigner encore moins.
Donc, comment faire pour que le 13 janvier redevienne la journée mondiale sans pantalon, qu’on en finisse, que votre proche cesse de vous casser les gonades avec son hypersensibilité et que vous puissiez retourner à une vie normale ?
Il va falloir lui dire gentiment et sans le vexer si possible… Qu’il doit retourner chercher un vrai diagnostic.
Mais quelqu’un a fait une très jolie liste pour l’aider à y voir plus clair, avec une chaîne youtube/podcast qui aidera certainement aussi à y voir plus clair, en prime.
https://intensementpodcast.com/2980-2/
PS: en journalisme scientifique équivalent à Mediapart, Roger recommande la revue de l’Association Française pour l’Information Scientifique: https://www.afis.org/. Excellentes munitions ou idées cadeaux pour vos anniversaires, repas de Noël, fêtes de Ramadan et Bar-mitsvah à installer discrètement dans les cabinets, séjours, tables de nuit de vos proches avant qu’ils ne finissent tous par vous rendre hypersensible à la pseudoscience. Pour Roger c’est déjà trop tard.
Bon weekend à tous,
Roger