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Billet de blog 7 mars 2011

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Yvan COLONNA : LES AVEUX DE Me Lemaire

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

YvanCOLONNA

LESAVEUX DE Me LEMAIRE

MeLemaire est l'avocat de Madame Erignac. Il s'est exprimé le 4 marssur FR3 Corse à propos du mariage d'Yvan Colonna et de la décisionde transfert dans une prison corse de 3 des membres du commandoErignac. Il a notamment déclaré :

« Laproximité (du mariage avec) l'audience, c'est voulu (…). Il paraîtque ce mariage va le changer (…) ce n'est pas la peine de nousl'annoncer avec toute cette médiatisation qui est totalementdéplacée. »

Apropos des transferts : «Mme Erignac l'apprend par la télévisionsans avoir été ni consultée ni prévenue (…). Là, comme parhasard, au moment où (Yvan Colonna) se marie, la chancellerie trouvele moyen d'annoncer quelque chose qui est toujours gardé secret. (…)on a l'impression quand on voit ce déchaînement médiatique queseule compte l'apparente innocence d'Yvan Colonna et que MadameErignac (…) gênerait un peu. »

Ces propos surprenants appellent quelques remarques.

1- Sur la médiatisation . Me Lemaire préfèremanifestement les situations où c'est lui qui parade devant lescaméras. L'a-t-on assez vu, pendant des années, jouer à outrancel'instrumentalisation bruyante de la veuve du préfet assassiné.

Oui, pendant des années, Me Lemaire et quelques autresont joué les médias contre Yvan Colonna. Si aujourd'hui celui-ci nepeut battre un cil sans que la France entière en soit alertée, àqui la faute ? A force de cracher en l'air, cela finit par vousretomber sur le nez !

2 – Le mariage d'Yvan Colonna, ce serait de la com'pour influencer le procès à venir. Me Lemaire est orfèvre en lamatière. Quand il demande à Madame Erignac de faire, quelques joursavant le premier procès en appel, une déclaration pathétique danslaquelle elle demande à Yvan Colonna d'avouer son forfait s'il estun homme, qu'est-ce d'autre qu'une façon déplacée de jouerl'opinion et de faire pression sur les juges ?

D'ailleurs, avec une naïveté déconcertante, MeLemaire avoue que Madame Erignac a pris l'habitude d'influer sur lesdécisions de la chancellerie puisqu'elle se scandalise aujourd'huide ne pas avoir été « consultée » sur le transfert destrois seconds rôles de l'attentat qui a coûté la vie à son époux.Ce qui est révélé là à demi-mot passe l'entendement. Il y a prèsde 40 siècles que l'Etat s'est substitué à l'individu pour châtierceux qui lèsent autrui. Pourquoi l'a-t-il fait ? Parce que quandchacun prétend se faire justice lui-même, on multiplie les risquede l'erreur et de l'abus. L'individu ne sait que se venger là oùl'Etat rend la justice. Un Etat qui se ferait le bras armé d'uncitoyen, quelle qu'en soit la cause, ferait donc régresser lacivilisation à un stade primitif antérieur à la loi du talion.Ici, si on en croit Me Lemaire, l'Etat se serait mis au service de lavendetta : un comble !

Pour être équitable, la justice doit êtreindépendante de toutes les pressions. On vient de nous avouer quejusqu'ici, dans tout ce qui touche à l'assassinat du préfetErignac, il n'en a rien été.

3 – Yvan Colonna s'exprime. Pour Me Lemaire,non seulement il faudrait enterrer vivant un innocent mais ilfaudrait en plus que celui-ci se taise. Il faudrait bâillonner lesbouches qui protestent, couper les mains qui se tendent derrière lesbarreaux et agitent des mouchoirs.

Yvan Colonna s'est marié. Il a d'abord dit ainsipubliquement à quel point il aime cette femme, Stéphanie. Enl'épousant à deux mois du troisième procès, il a ajouté qu'ilentendait disposer du peu que la société lui a laissé s'agissantde la maîtrise de son calendrier. Ce faisant, il essaie de sauverce qu'il peut de la vie qui lui a été volée. Voilà un innocentqui n'accepte pas de passer son temps à battre sa coulpe pour uncrime qu'il n'a pas commis. Impardonnable, en effet !

Mais si, jusqu'ici, Yvan Colonna paraissait remparédans sa légitime colère, voici que quelqu'un parle pour lui. Unefemme. D'une voix douce mais ferme. Et si audible qu'elle sembleavoir secoué bien des certitudes médiatiques.

Que dit-elle cette voix ?

Elle ne remâche pas l'amertume des années gâchées :elle parle de l'avenir dont elle mesure lucidement les dangers. Elledit qu'elle épouse cet homme par amour. Il faut la croire : il n'estqu'un amour fort et passionné pour oser affronter une vie sidifficile. Elle dit aussi qu'elle est aimée autant qu'elle aime etque cet amour bouleverse leur vie à tous les deux, les rend heureuxmalgré l'épreuve. Ce mariage aide Yvan dans son combat pour lavérité. On comprend qu'il mette du fiel dans la bouche de MeLemaire.

Stéphanie – Stéfanina- parle de son époux. Elledit, elle qui le connaît, qu'il est un homme sincère, spontané,sensible, très entier et non-violent. Elle regrette que l'imagequ'on a de lui ne soit pas représentative de ce qu'il est vraiment.

Elle ajoute qu'elle est certaine que l'homme qu'elle aépousé n'est pas l'auteur du crime dont on l'accuse. L'assassinatdu préfet, elle le condamne, « bien sûr ». Mais, sielle comprend la douleur de Madame Erignac, si elle imagine que cequ'elle vit est « terrible », elle ajoute qu'elle n'estpas concernée par cette histoire.

Elle termine en disant qu'ils aimeraient vivre comme uncouple ordinaire, jouir de la forêt, de la plage et voyager... Ceschoses si simples qui leur sont pourtant interdites.

Les mots de Stéphanie respirent l'authenticitéabsolue. On comprend qu'ils fassent peur à Me Lemaire.

4 – Ce qui l'inquiète davantage encore, c'est laconcomitance des faits.

Yvan Colonna est autorisé à se marier deux mois avantle troisième procès. Dans le même temps, on nous annonce que troisdétenus du commando Erignac seront transférés dans une prisoncorse dans quelques mois et les autres plus tard. S'agirait-il designes que le pouvoir adresserait aux Corses pour tenter de regagneravant une échéance décisive, le terrain électoral perdu à causede l'affaire Colonna ? Dans cette manœuvre politicienne, MadameErignac « gênerait un peu ». Me Lemaire redoutemanifestement que l'exécutif laisse désormais la justicefonctionner de façon indépendante, c'est-à-dire équitablement.Elle pourrait ainsi revenir à des principes tout simples : c'est àl'accusation de démontrer la culpabilité du prévenu ; le doutedoit bénéficier à l'accusé. Si tel était le cas, alors, toutserait possible. Voilà l'angoisse de Me Lemaire : que la véritévienne au grand jour. Car, si Yvan Colonna était acquitté, celasignifierait que lui, l'avocat-conseil de la veuve a conduitobstinément celle-ci dans une impasse depuis douze ans. Lui quis'est opposé à ce que soient prises des décisions de justice (lareconstitution par exemple) qui auraient permis de vérifier s'iln'était pas urgent de chercher ailleurs les vrais coupables. Et plusle temps a passé et plus ceux-ci ont pu se mettre à l'abri. Des« erreurs » de ce niveau-là signent l'échec d'unecarrière.

5– L'ultime aveu.

Et donc, Me Lemaire perd son sang-froid. Il en vient àfaire un aveu tellement inattendu qu'on pourrait croire à un lapsus: « On a l'impression, dit-il, quand on voit un teldéchaînement médiatique que seule compte l'apparente innocenced'Yvan Colonna ». On a bien lu : « l'apparenteinnocence ». Jusqu'ici, Me Lemaire ne connaissait que « lespreuves accablantes » de la culpabilité d'Yvan Colonna (cf.mon billet : « Les cinq avocats d'Yvan Colonna »). Cespreuves accablantes ont fait long feu. La culpabilité n'est plusflagrante. Mesure-t-on bien la débandade du dossier de l'accusationque cela indique ? Yvan Colonna n'est plus le « présumécoupable ». Qu'on puisse lui rendre enfin son statut (celui quela loi prévoit) de « présumé innocent » met Me Lemairehors de lui. Encore un effort et Yvan passera du statut d'apparemment innocent à celui d'innocent tout court. C'est tout lemal qu'on souhaite au nouveau marié.

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