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Billet de blog 13 avril 2014

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Un bilan des élections municipales et de leurs suites différent de tous les autres

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Un bilan des élections municipales

et de leurs suites

différent de tous les autres

Le résultat de ces élections municipales a été entièrement déterminé par l’abstention massive du peuple travailleur, actifs et chômeurs, et de ses retraités. La victoire de la droite le prouve, avec des résultats positifs dans des villes traditionnellement de gauche.

Le PS de Hollande a payé là sa politique de droite, son incapacité à résister au patronat comme aux diktats de l’Europe et à la férocité du Capital. Cette incapacité découle moins des limites intellectuelles de Hollande que de la nature libérale de son parti, qui n’est plus de gauche depuis longtemps, et n’est plus maintenant que l’aile gauche de la droite. Son nom a longtemps trompé le monde du travail, tant qu’il pouvait encore faire quelques réformes positives (ainsi, par exemple, les 35 heures). Désormais sa soumission à l’Europe du Capital ne lui laisse pas la moindre marge de manœuvre. D’où que son aveuglement sur les causes de son désastre est moins le fait des illusions de l’homme Hollande en ses promesses sur la baisse du chômage et à l’égard de l’Europe que de son partage de la pensée unique libérale, aveugle à l’égard de la crise du Capital, dominé par le Capital financier, lui-même force aveugle dans son avidité. C’est cet aveuglement qui vient de conduire Hollande à tenter de corriger sa politique d’hier par un changement de premier ministre, lequel va accélérer sa course à l’abîme. Valls, le seul de ses ministres qui avait poursuivi la politique de Sarkozy sans la moindre différence, avait normalement été le seul à gagner des voix de droite dans les sondages. Mais Hollande ignore qu’il y a des classes. Dans trois ans, il ne sera pas au second tour, car il sera dépassé par Marine Le Pen.

Donc victoire de la droite ? Par pur effet de vide en face. Et sa modestie dans le triomphe s’explique par la compréhension qu’elle aurait conduit le même politique, en pire, si possible. Que reproche-t-elle en effet au PS ? De n’avoir pas avoir été assez à droite ! De ne pas avoir assez baissé les salaires en les bloquant, et en ne supprimant pas assez les dites « charges sociales » (nom donné au salaire différé des cotisations sociales). C’est eux que Hollande a entendu sur ce point, et son nouveau Premier ministre avec des trémolos dans la voix en direction de ceux qu’il va tondre. Il vont les supprimer toutes, ces « charges », et aussi celles que paient les travailleurs sur leurs salaires. Voilà les plus bas augmentés, par suppression de leur salaire différé, et qui pourront ainsi le dépenser en se privant un petit peu moins. Mais comme cela va du même coup faire s’effondrer les ressources de la Sécurité sociale, Valls se voit aussi obligé de s’attaquer à toutes les dépenses de Santé, du remboursement des soins et médicaments, et aux hôpitaux. Que les pauvres crèvent avec l’aumône accordée ! Après tout, cela diminuera le chômage, qui lui n’a pas droit à l’aumône, de même que les retraités du bas étage.

Et Marine Le Pen et son FN ? Elle aussi victorieuse ! En effet, elle est la seule véritablement victorieuse. Qui a voté pour elle ? Pour l’essentiel des ouvriers, surtout des chômeurs. Les chiffres le prouvent. Son progrès ne tient pas à une montée de l’extrême droite classique des crânes rasés et de leurs femelles, mais à la tactique, elle aussi classique, des organisations fascistes avant la prise du pouvoir : celle de s’approprier des revendications de gauche et même d’extrême gauche, associées au racisme élémentaire des couches les plus arriérées du peuple. La vraie gauche semble avoir oublié, dans sa lutte contre le FN, l’histoire des Chemises noires du « socialiste » Mussolini, et des SA de Hitler. Est-ce à dire, en évoquant ces précédents, que sa progression vers le pouvoir est irrésistible ?

Elle le sera si, comme dans les années vingt en Italie et dans les années trente en Allemagne, une vraie gauche, radicale, révolutionnaire, est absente ou fait faillite. En Italie, le Parti communiste était sorti trop tard des politiques de ses anciens dirigeants social-démocrates, et des gauchistes qui n’avaient pas compris la Maladie infantile du communisme de Lénine. En Allemagne, ce fut pire qu’un retard historique, l’ultra-gauchisme du KPD stalinien, qui après avoir voté avec les nazis dans un plébiscite « brun », pour l’occasion rebaptisé « rouge », refusa le front unique avec un Parti social-démocrate qui dirigeait encore une partie énorme de la classe ouvrière. Certes, nous n’en sommes pas encore dans une situation façon 1933. Marine Le Pen ne sera pas la première Présidente de la République en 2017. Mais au-delà ? Il nous faut bien observer la montée générale de l’extrême droite, en particulier dans l’Europe de l’Est, sur base d’anti-stalinisme vécu comme communisme, et ne pas oublier que le fascisme et le nazisme furent l’ultime solution de la bourgeoisie pour empêcher la révolution. Avec nos élections maintenant truquées, le fascisme n’a même plus besoin maintenant de faisceaux et de chemises colorées pour conquérir des majorités.

Et notre gauche de la gauche ? Avec son Front démantibulé, elle aussi a subi une défaite dans ces élections, qu’elle s’efforce de minimiser par quelques succès locaux. Elle qui avait eu la force, aux Présidentielles de 2012, à la fois de s’imposer pour la première fois depuis les élections de 1936 (alors que le prolétariat croyait encore la SFIO et surtout le PCF des partis radicaux) et en même temps d’accorder spontanément assez de voix à Hollande au second tour pour n’être pas battu par Sarkozy, comment expliquer que ces électeurs, en masse parmi les abstentionnistes, ne l’aient pas reconnue en 2014 comme l’opposition de gauche radicale au Parti Social-libéral ?

D’abord, et essentiellement, du fait de la trahison du Parti communiste. Elle était inévitable du fait que ce parti, dont le faux nez de « communiste », d’un côté est devenu négatif (d’où le succès des Le Pen dans ses anciens bastions), et de l’autre trompe de moins en moins la gauche radicale. Sans politique propre, ce parti n’est plus qu’une machine électorale, dont l’implantation municipale tenait à des gestions un peu meilleures que celle de la droite. D’où, dans ces dernières élections, ses combinaisons bassement politiciennes : tantôt seul quand il croyait bien tenir la majorité par les poubelles et les clubs de foot, tantôt avec le PS pour partager les sièges sur la base de la même politique locale, parfois avec le Front de gauche quand le PS le rejetait et qu’il n’avait pas d’autre solution, et surtout quand il pouvait en prendre la tête. Ce calcul misérable ne lui a pas porté chance. Il avait sous-estimé le rejet du PS, d’où son propre nouveau recul général. On ne saurait regretter le trop lent enterrement de ce cadavre politique survivant, empoisonnant la lutte de classe. Malheureusement sa trahison a en même temps entraîné le recul, lui infiniment regrettable, du Front de gauche.

Comme il était prévisible, pour qui n’était pas aveugle, la division de notre Front ne pouvait que laisser notre électorat dubitatif sur la radicalité de notre opposition au social-libéralisme, alors qu’il y aurait eu un nombre important des abstentionnistes qui auraient voté pour un Front de gauche uni dans l’opposition au PS. Là encore, les petits succès du Front parlent haut par leurs scores dans ces conditions d’autonomie radicale ou d’alliance à gauche, que cela ait été avec des écologistes conséquents, ou avec le NPA. Mais le Front de gauche (hors PCF et sa demi-GU n’existant que par lui) porte lui-même une lourde responsabilité de cette confusion. Au lieu d’une rupture nette de toutes ses composantes avec le PCF, dès l’annonce de son ralliement au PS à Paris, préparant les autres, qu’a-t-on vu pendant plusieurs mois ? Dans une incompréhension que ce PCF, aile droite du Front, était un boulet à ses pieds dont il fallait saisir l’occasion de se débarrasser, la peur de le perdre, alla, pour le rassemblement Ensemble, jusqu’à dénoncer publiquement Mélenchon dans la lutte qu’il avait ouverte avec force contre le PC. L’isolement où se trouva alors son Parti de gauche l’entraîna finalement lui-même à essayer de faire de ces élections municipales une simple parenthèse, dans la politique du Front.

La constitution du regroupement Ensemble, qui devait être un « troisième pilier » du Front, a abouti à transformer celui-ci, de riche regroupement de formations unies, offrant à notre électorat la diversité de leurs statuts et programmes, en un marais, rassemblé par le minimum le plus bas des positions diverses, et aboutissant à une neutralité myope et impuissante dans une lutte qui devait être décisive. Déplorer, pleurer, se demander maintenant comment cela a pu se faire, voire mettre en accusation le PG de l’isolement où on l’a mis, augure mal de la suite, qui tend à une fin du Front de gauche, remplacé par trois organisations, dont les rapports se joueront selon le rapport de forces, ce qui vient d’avoir lieu pour les élections européennes.

En fait de parenthèse, ces élections européennes ont élevé la donne ! Une ouverture a été offerte par Besancenot proposant une alliance du NPA au Front de gauche. C’était là la manifestation qu’au NPA on avait aussi tiré les leçons de ces élections municipales, où ce parti avait, lorsqu’il était en alliance avec l’une ou l’autre force du Front, passé la barre de 10 %, et était resté ultra minoritaire là où il se présentait seul (à quelques petites exceptions près).

Une véritable opposition de gauche visant la voie vers une opposition de gauche radicale européenne aurait consisté à imposer cette alliance au PCF sous peine de rupture, et d’oser cette rupture. C’était une seconde chance. Au contraire, Mélenchon a fini par capituler en rase campagne, et jusqu'à deux places accordés au groupuscule pseudopode GU du PCF, tenu ainsi comme composition du Front « équilibrant » Ensemble, ce qui donne certes 3 têtes de listes au PG comme au PCF, mais 16 deuxième et troisième places au PCF-1/2 GU, pour 8 au PG et une tête de liste à Ensemble, qui paie ainsi d’être devenu une organisation, alors qu’elle ne réussit pas à l’être.

À cet accord déséquilibré, le PCF, fort de ses moyens matériels, se place maintenant comme une gauche et une direction de la gauche de la gauche, votant contre la confiance à Valls (tout en partageant les postes de Paris avec le PS), et prenant les initiatives de préparations des élections européennes.

Comment notre électorat réagira-t-il à ce mélange de gauche et de demi gauche/demi social libéral ? Comme pour les législatives : en grande partie en s’abstenant !

Et à quoi cela aboutira-t-il en 2017 ? Même si le Front plus ou moins reconduit reste capable d’obtenir un score à deux chiffres, il sera inférieur à celui de Marine le Pen, passant devant le PS, comme démontré plus haut. La seule attitude possible devrait être alors d’appeler à un boycott du second tour. En aurons-nous encore la force ? Tout dépendra des trois pauvres années qui nous restent pour en finir avec la myopie politique de rampant, et mener une politique vraiment radicale.

Michel Lequenne

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