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Citoyen, résistant au capitalisme et productivisme

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Billet de blog 16 février 2014

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Alain Badiou, Travailler pour l'émergence d'une autre subjectivité contre la règle d'état

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Sur Mediapart, on peut voir ici un entretien animé par Aude Lancelin avec Alain Badiou et Aurélien Bernier, premier entretien d’une série intitulée « Contre-courant ».

Alain Badiou, certes pessimiste, ne croit pas en l’avènement d’une politique de gauche (nous ne parlons pas bien sûr de celle du PS) aux deux conditions nécessaires que sont la victoire par les urnes et la déclinaison concrète de mesures rompant avec le système oligarchique actuel. L’Etat et les institutions politiques sont tellement corsetés dans le cadre idéologique dominant que tout nouveau pouvoir cherchant à s’en extraire (même courageusement) sera rapidement muselé et contraint, si ce n’est pulvérisé.

L’Histoire, lorsqu’elle fouille les fondements politiques qui déterminent le destin des nations[1], sait apporter la preuve que les grands évènements depuis la révolution russe de 1917 ont été causés pour une large part par les intérêts capitalistes et son corollaire : la terreur qu’a inspiré et inspire toujours le bolchévisme.

L’optimisme de la volonté Gramscien ne suffit pas car le courage est aussi celui de la lucidité car si Alain Badiou parle d’ennemi, c’est donc bien que nous sommes en guerre et que dans une guerre, une offensive qui réussit (ou une résistance efficace) sait d’abord, en bon stratège, faire l’évaluation des forces en présence et des chances de gagner la bataille (et à terme la guerre).

Alain Badiou ainsi nous propose l’idée que la stratégie par infiltration, depuis l’intérieur des institutions, dans un cadre fixé par l’ennemi – depuis qu’il existe – ne fonctionne pas et qu’il ne reste comme seule solution que la bataille des idées, la conquête des consciences pour un soutien populaire large, voire international pour un monde plus universaliste et ayant évité le piège des replis identitaires nationalistes.

Cette proposition a le mérite d’être une solution possible (tout dépend des modalités de cette révolution qu’Alain Badiou nomme à peine comme telle) au piège du pouvoir « réellement » exercé et qui parce que les hommes sont (tous) faillibles ne peut que nous conduire à la déception de voir le héros (ou l’héroïne) incarnant l’alternative rapidement relativiser ses convictions et sa liberté de mettre en œuvre ce qu’il avait tant promis. Car il faut avoir des pouvoirs extraordinaires surhumains et à la mesure de ceux des super-héros de BD pour faire plier un système lui possédant bien des pouvoirs surhumains car très anciens, aux ramifications internationales et aux moyens (entre-autres) financiers gigantesques. Si nous ne croyons plus aux contes pour enfants, il nous faut bien emprunter une autre voie.

Le pouvoir ne s’exerce correctement en démocratie qu’équitablement réparti et certainement pas entre les mains d’un petit nombre quand bien même ils auraient été élus en tant que représentants, ou bien jouiraient du privilège de faire partie des plus cultivés et des plus sages.

Il faut noter à ce sujet dans le contexte des prochaines élections européennes, l’initiative démocratie réelle qui propose que les candidats présentés sous ce sigle soient de simples coursiers des décisions du peuple. Le principe proposé qui consiste à faire voter le peuple pour chaque proposition de loi et de transformer le résultat de ce vote en vote exprimé par l’élu a un certain nombre de vertus : 1. Permettre de nouveau la participation directe des citoyens débattant de chaque proposition de loi, 2. Expérimenter des moyens innovants permettant à ces mêmes citoyens d’exprimer leurs opinions sur ces lois, 3. Retirer tout pouvoir aux élus qui dans le système représentatif actuel ne font qu’exprimer leurs opinions personnelles (quand bien même ils revendiquent forger cette opinion à partir de l’écoute qu’ils déploient envers leur concitoyens). Cette initiative reste dans le principe intéressante mais dans la réalité devra démontrer qu’elle n’est pas en proie aux dérives déjà bien connues du système existant (pouvoir excessif exercé par l’élu, déconnection de l’élu de l’opinion populaire, soumissions aux influences d’intérêts privés, etc…). Hélas à supposer que des représentants soient effectivement élus sous cette bannière et que les dérives décrites ci-dessus soient maîtrisées, nous ne pourrions toujours pas dire qu’une démocratie réelle est en marche car elle a le défaut décrit par Alain Badiou de rester ancré dans le cadre des institutions actuelles : plus précisément, dans ce cas, le défaut consiste à ce que les lois soient à la seule initiative de la commission Européenne. Les débats et les décisions sont donc contraints par un cadre qui est fixé par des commissaires qui sont choisis sur la base d’arrangements entre les gouvernements. Ainsi comment dans toute association, petite ou grande, ceux qui ont le pouvoir sont ceux qui fixent l’agenda des réunions, et en particulier des assemblées générales.

Une démocratie directe et réelle ne peut se mettre en place qu’à partir du moment où l’ensemble des citoyens a le pouvoir (et les moyens) de demander à ce qu’un sujet qui touche la société, le bien commun, leur vie quotidienne, soit débattu et qu’un processus législatif soit enclenché sur la base de décisions majoritaires prises à l’issue des débats.

Là réside toute la difficulté d’une véritable démocratie dans laquelle aucun débat ne saurait être confisqué. Elle ne peut être directe qu’avec une méthode et des moyens appropriés, contrôlables et efficaces.


[1] Comme l’a fait avec talent L’historien Britannique Marxiste Eric J.Hobsbawm dans son livre « L’âge des extrêmes, Histoire du court XXe siècle ».

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