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Billet de blog 31 janvier 2014

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La voie de la démocratie "réellement existante"

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Reprenons le cours de Pierre Bourdieu au collège de France sur la révolution symbolique réussie qu’a représenté la peinture de Manet à la fin du XIXème.

« Si les révolutions symboliques sont particulièrement difficiles à comprendre, surtout lorsqu’elles sont réussies, c’est parce que le plus difficile est de comprendre ce qui semble aller de soi, dans la mesure où la révolution symbolique produit les structures à travers lesquelles nous la percevons. Autrement dit, à la façon  des grandes révolutions religieuses, une révolution symbolique bouleverse des structures cognitives et parfois, dans une certaine mesure, des structures sociales. Elle impose, dès lors que ‘elle réussit, de nouvelles structures cognitives qui, du fait qu’elles se généralisent, qu’elles se diffusent, qu’elles habitent l’ensemble des sujets percevants  d’un univers social, deviennent imperceptibles »[1].

Maintenant si nous pensons à l’économie contemporaine, aux richesses produites dans le monde, devons-nous tous rester enfermés dans ce carcan de la pensée qui consiste à répéter ad nauseam que tout problème social (la qualité de vie des individus et ce qui fait société entre eux) sera résolu grâce à la croissance. Tout problème social, en particulier le chômage.

De quoi sont faites nos sociétés ? Est-ce de l’idée que la croissance est le totem indéboulonnable qu’il faut adorer et implorer telle une divinité en déposant toujours et encore à ses pieds des sacrifices d’autant plus énormes que celle-ci se dérobe ? Ou bien allons nous réussir à nous demander ce qui fait la qualité de nos vies, le bien-vivre, les ressources nécessaires et utiles pour se nourrir, se loger, se soigner, se cultiver, échanger, respirer, être dans un environnement vivant, convivial respectant la nature, respectant notre planète ?

L’homme est devenu homo oeconomicus. Il a perdu la raison, par la même occasion.

De toute façon, si on s’en tient au critère de la croissance du buen vivir, alors force est de constater qu’avec l’augmentation du chômage, (pas seulement en France mais dans le monde), le creusement vertigineux des inégalités (financières), le fait qu’au dernier recensement disponible, en 2008, il était estimé que 2,5 Milliards de personnes (43% de la population) vivait avec moins de 2 dollars par jour[2]  - chiffre dont on peut raisonnablement penser qu’il ne s’est pas amélioré depuis -, l’enfer vécu par les migrants (pour ceux qui survivent) cherchant à atteindre l’Europe, enfin la pression insidieuse exercée sur les quelques rares (comparativement) actifs, coupables de bénéficier de richesses qui par définition (celle de l’inégalité) manquent à d’autres , force est constater donc que cette croissance , est, comme on dit dans le domaine économique, négative, largement négative, depuis longtemps.

Toutes ces souffrances d’une large part de la population planétaire, condamnée à vivre dans l’indignité est une insulte faite à l’humanité. Il y a bien croissance, positive celle-là, de richesses, une croissance vertigineuse mais pour si peu de bénéficiaires. Tout cela est un constat, qui nous conduit à un autre : L’idéologie qui consiste à penser qu’il faut de la croissance, que les fruits de celle-ci ne reviennent principalement qu’à ceux détenant le pouvoir et les mieux lotis déjà, que la précarité des autres n’est due qu’à leur faiblesse, leur absence de volonté de rentrer dans le jeu de la compétition mondialisée, féroce, et bien il faut bien constater que cette idéologie néolibérale, de droite n’est pas l’avenir de la planète.

Ce constat étant fait, l’autre voie qu’on pourrait qualifier de gauche n’est pas facile (ce qui me fait penser au titre du livre d’André Gorz, le socialisme difficile) et sans doute n’a jamais encore été concrètement mise en pratique (le communisme soviétique d’après la révolution bolchévique de 1917, le stalinisme ne sont bien évidemment pas un modèle même s’il ne faut pas rejeter en bloc l’héritage historique politique de Lénine et des bolchéviques, qu’il faut au contraire réétudier pour en comprendre les succès et les écueils).

Quelle est donc cette voie ? Ce n’est pas, ce n’est plus le marxisme seul, ni le socialisme « réellement existant » seul, ni l’écologie seule,  peut-être un peu tout cela mais une chose est sûre, elle passera par un véritable processus démocratique rigoureux et sans faille de sorte qu’aucune dérive de concentration du pouvoir ne puisse le mettre en danger.

Si révolution, il doit y avoir, une révolution réussie, elle ne peut plus passer par la nième prise de pouvoir d’un parti à la structure hiérarchique verticale classique, radical dans l’opposition puis cédant immanquablement sous le poids (certes écrasant) du système ensuite.

Voilà où réside la difficulté et si l’on veut sortir du constat partagé par un nombre de plus en plus important (une révolution symbolique en passe de réussir ?), il semble (raréfaction des ressources naturelles, dégradation continue des conditions de vie, fonctionnement d’une société de plus en plus tendue et déshumanisée oblige) qu’il faille d’ors et déjà mettre en débat démocratique les questions essentielles : quelle nourriture ? Quelles énergies ? Quel environnement ? Quels logements pour demain ? Par quels moyens les produire (nourriture, énergies, logements) ?  Via quelle organisation ? A quel échelon géographique ?

Pour pouvoir débattre, nous tous, de ces questions (et qu’elles ne nous soient pas extorquées par les professionnels de la politique et les experts), il nous faut un processus démocratique infaillible. C’est la question première, largement déjà travaillée entre autres par le blogueur Etienne Chouard[3] à travers la question de la constituante, certes essentielle mais qui ne résout pas tout.


[1] In Pierre Bourdieu, Manet, Une révolution symbolique, Cours au Collège de France (1998-2000), suivis d’un manuscrit inachevé de Pierre et Marie-Claire Bourdieu. (Seuil – Raisons d’Agir).

[2] http://inegalites.fr/spip.php?article381&id_mot=116

[3] http://etienne.chouard.free.fr/Europe/forum/

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