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Les reproches fait par les agriculteurs à la grande distribution montrent une chose incontestable. L'agriculture dépend du modèle alimentaire dans lequel elle s'intègre. J'enfonce une porte ouverte en disant ça. Mais avec ce regard si on prend les choses dans leur globalité, la PAC est une forme de subvention cachée à la grande distribution puisqu'elle donne des primes qui rendent possible les prix imposés aux producteurs.
Il y a donc un enjeu politique à construire des infrastructures d'un système alimentaire qui ne dépende pas de cette grande distribution. Qui s'en protège pour des raisons économiques comme la rémunération des agriculteurs, pour des raisons écologiques comme la soutenabilité pour l'écosystème de la production agricole ou la distance parcourue par les produits, ou encore pour des raisons de santé à la fois pour les producteurs et les citoyens. Je dois rappeler que l'alimentation a un rôle clef dans la contraction de maladies cardio-vasculaire qui sont la première cause de mortalité dans le monde, et d'autant plus dans les sociétés occidentales. Ce phénomène s'ajoute également aux dégâts causés sur notre santé par les perturbateurs endocriniens liés aux pesticides.
Pour développer ce système alternatif il faut s'appuyer sur le local, à plusieurs échelle. Par exemple les Schémas de Cohérence Territoriaux (SCoT) intègrent maintenant des Projets Alimentaires de Territoire (PAT) à l'échelle intercommunale qui ont pour but de relocaliser l'agriculture et l'alimentation.
Ça tombe bien les besoins et les envies existent :
- Des cantines scolaires (ou de collectivité) bio et locales, décentralisant les cuisines et redonnant du sens aux métiers qu'on y exerce.
- Des cantines populaires pour permettre à toutes et tous de manger correctement
- Des épiceries paysannes et sociales
- Des distributions de paniers auprès des citoyen.ne.s les plus pauvres et précaires
On peut donc gérer une production agricole qui viendrait alimenter ces infrastructures. Il existe de multiples formes qui peuvent s'adapter aux situations particulières :
- Des régies agricoles publiques avec des agriculteurs salariés par la collectivité,
- Des Société Coopératives d'Intérêt Collectif (SCIC) intégrant les collectivités, les producteurs et des citoyens,
- Des conventions avec des agriculteurs avec un cahier des charges définit par les citoyens et/ou les élus
- Des jardins d'insertion, ou de formation pour les BPREA dont on a besoin d'urgence
- Des OACAS, sorte d'Emmaüs agricoles comme peut le faire Cédric Herrou dans la Roya.
Il y a aussi un travail culturel et éducatif à faire autour de l'alimentation ainsi qu'un besoin de mise en commun d'outils et ces infrastructures ont un rôle à y jouer :
- Avoir des cuisines collectives à disposition des écoles, des associations de quartier pour des événements, des jardins partagés pour de la transformation collective, et pour des cours de cuisine évidemment
- Avoir de quoi faire des conserves pour soit ou à plusieurs
- Être capable de produire en interne ce qui est nécessaire pour les réceptions, la restauration quand il y a des réunions publiques, des assemblées plénières qui durent plusieurs heures, etc...
Bref il y a tout un écosystème alimentaire, que je suis loin de citer dans son intégralité, à construire ou développer en local et qui pourrait servir d'alternative de plus en plus important au système conventionnel.
Pour permettre à tous les citoyen.ne.s de bien manger en local, il ne faut pas uniquement se centrer sur la production ou la distribution mais également sur la transformation pour maîtriser la chaîne d'un bout à l'autre. Je vais illustrer avec un exemple très concret. Une personne qui travaille jusqu'à 17H30, qui récupère ses enfants à 18h à l'école et doit les nourrir à 19h pour les coucher vers 20h. C'est un schéma extrêmement classique aujourd'hui, dans un contexte ou les différents temps de notre vie procèdent du temps imposé par le système productif. Si cette personne a eu des courges à l'AMAP même à prix modique, le problème du temps, voire de savoir faire n'est pas résolu. La grande distribution lui propose des barquettes de lasagne à mettre au four quand elle arrive à la maison et qui son prêtes 20 minutes plus tard et nourrissent toute la famille. Tant que nous n'avons pas repris, à une autre échelle, la maîtrise de notre temps, il faut être capable de proposer des barquettes de lasagnes, faites par la cantine populaire, à un prix qui correspond à la réalité sociale des habitants.
Alors évidemment on est déjà capables de faire ça : les compétences administratives existent, l'énergie populaire est disponible. Mais pour le pousser il faut des financements régionaux, nationaux et européens particulièrement ciblés pour construire ces systèmes alimentaires indépendants. Et ce sont des investissements profitables à tous les niveau (économiques, écologiques, culturels et sanitaires) qui peuvent également servir de base à l'expérimentation d'une sécurité sociale de l'alimentation.
Voilà une perspective enthousiasmante, je trouve. Maintenant faut se mettre au boulot pour y arriver !