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Billet de blog 7 décembre 2015

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Ça pue

Ça pue. C’est la première chose qui me vient à l’esprit. Pourtant j’ai l’habitude, je ne crois pas me souvenir de soirée électorale heureuse. Et je peux pas dire que j’étais pas prévenu à coup de sondages, à coup de UNES de journaux matraquant le FN.

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Ça pue. C’est la première chose qui me vient à l’esprit. Pourtant j’ai l’habitude, je ne crois pas me souvenir de soirée électorale heureuse. Et je peux pas dire que j’étais pas prévenu à coup de sondages, à coup de UNES de journaux matraquant le FN.

Tout ça pue, oui, mais on s’est habitué à l’odeur. Non, ce qui me donne la gerbe, c’est autre chose, un truc nouveau, pour moi du moins. C’est le couloir sombre de l’avenir. Ça pue parce que je vois pas de fenêtres, de portes de secours, de chemins de traverse auxquels se raccrocher pour y croire encore. Je n'ai même pas à en proposer ici, conscient aussi de l'utilité médiocre de ce que j'écris, au delà du soulagement d'avoir couché ça sur un écran.

Ça pue parce malgré tous nos efforts, je ne crois plus que les corps intermédiaires qui composent notre gauche soient à la hauteur. Je dis ça sans en accabler les militants qui ont tenu leur tranchée. Mais il y a un bilan évident à tirer : le Front de Gauche et Europe Ecologie ont été mauvais ensemble, et minables séparément. Globalement illisibles sur le champ politique. Quand ils vont en avoir l’opportunité, ils vont rejoindre les listes du gouvernement, prendre des exécutifs, souvent. Les listes du gouvernement, quant à elles, vont se désister pour la droite dure, quand les circonstances l’y obligeront, cette même droite celle qui fait sauter les digues. Bref, une grande confusion politique à laquelle s’oppose une seule voix audible et claire : le FN.

Ça pue parce que j’aimerais croire que j’ai des débuts de solutions. Mais j’en suis de moins en moins convaincu. J’aimerais croire qu’un miracle nous permettrait de mettre de côté toutes les vieilles habitudes nombrilistes pour prendre l’arme nucléaire. J’aimerais espérer qu’on redevienne iconoclastes, qu’on casse les murs, qu’on bouscule les cadres qu’on soit les fouteurs de merde qui obligent à s’interroger… J’aimerais croire à une remise en cause des apparatchiks à une prise de conscience que l’urgence politique commande des sacrifices. J’aimerais croire que même avec ça, on ne se prendra pas quand même un bouillon.

Ça pue parce qu’à l’évidence le PS et LR savent s’arranger contre le FN, et que nous n’en tirons pas la première conclusion qui me vient à l’esprit : ils n’ont pas besoin de nous, alors maintenons-nous quand c’est possible, ne fusionnons pas, et menons la bataille des idées. Mettons ainsi les bases de la construction d’un mouvement crédible.

Ça pue parce que même nos projets concrets, aussi, ont l’air de David contre Goliath. Parce que les luttes s’épuisent, ou entretiennent sciemment leur marginalité.

Ça pue parce je ne vois pas se profiler autre chose qu’un an et demi de boucles médiatiques sur Le Pen. De UNES alarmantes et moralistes, de sondages, d’éditoriaux expliquant qu’elle peut gagner ou qu’elle va gagner si tout le monde ne file pas droit. Un an et demi d’événements qui « profitent au FN », qu’ils soient dramatiques ou anecdotiques. De courses à ses idées, comme c’est le cas depuis des années de la part du PS ou de LR.

Ça pue parce qu’à la sortie de tout ça, on verra soit sa tronche à 20h le dimanche, soit celle de ceux qui lui ont fait la courte échelle. On verra, peut-être, comme hier soir et aujourd’hui des indignations moralistes, des phrases toutes faites, des anathèmes insensés qui empêchent toute réflexion. Et peut-être même que ce texte en fait partie.

Ça pue parce qu’aujourd’hui, je n’arrive pas à trouver de raison de croire que tout ça n’est pas une question de temps.


« Romain, il y a bien des choses qui ne puent pas ? » Comme toujours, et il faut bien une note d’optimisme : l’énergie de ceux qui résistent, leur fraternité, leur enthousiasme à essayer de faire. La chaleur de leurs étreintes face à l’adversité. Leur solidarité, leur regard plein d’amour,…

Il y a ce fond qu’on touche et dont on espère qu’il sera un point d’appui pour remonter. Cette défiance lucide envers nos institutions, même quand elle s’exprime mal.

Il y a cet œillet au milieu de la déchetterie dont l’odeur est couverte mais qui nous fait dire que tout n’est pas perdu.

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