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C’est un spectacle fascinant, presque shakespearien s’il n’était pas joué par des clowns numériques, qui se déroule actuellement entre la commission européenne et ce qu’il reste de Twitter. Vendredi dernier, l’Union Européenne a frappé fort avec une amende de 120 millions d’euros pour violation du Digital Services Act. La raison ? Des pratiques trompeuses, un manque de transparence crasse et, surtout, ce fameux système de certification payant qui permet à n’importe quel escroc d’acheter une crédibilité autrefois réservée aux comptes vérifiés.
Mais au lieu de faire profil bas, d’analyser ses erreurs ou même de prétendre s’améliorer, X a décidé de réagir avec la maturité d’un adolescent privé de sa console de jeu. La plateforme a contre-attaqué en bannissant le compte publicitaire de la commission européenne. Le motif invoqué ? Une supposée tromperie. L’ironie est telle qu’elle en deviendrait presque étouffante.
Une vengeance aussi mesquine qu’inutile
Commençons par le cœur de cette blague cosmique. Samedi, Nikita Bier, le responsable produit chez X (un poste qui doit nécessiter une consommation industrielle d’aspirine), a annoncé triomphalement avoir banni le compte publicitaire de la commission. Selon lui, l’institution aurait violé les règles de la plateforme.
Le problème ? Cette dernière ne dépense plus un centime en publicité sur X depuis 2023. C’est là toute la beauté de la stratégie d’Elon Musk. Pour punir une entité qui vient de vous coller une amende de 120 millions d’euros, vous décidez de lui interdire d’acheter des publicités… qu’elle n’achetait déjà plus.
Un porte-parole de la commission a d’ailleurs confirmé l’absurdité de la situation, rappelant que leur politique de non-publicité sur la plateforme est en place depuis plus d’un an, en raison précisément des inquiétudes liées à la désinformation. La suspension imposée par X est donc aussi effrayante qu’un pistolet à eau face à un incendie de forêt.
L’accusation de la faille imaginaire
Pour justifier cette décision grotesque, X a dû inventer une narration où la victime devient le bourreau. Nikita Bier accuse la commission d’avoir utilisé un « exploit » (une faille) dans l’outil de composition publicitaire de X. Selon lui, l’UE s’est connectée à un compte publicitaire dormant pour poster un lien déguisé en vidéo afin d’augmenter artificiellement sa portée.
En d’autres termes, X reproche à ses utilisateurs d’utiliser son interface telle qu’elle a été codée par ses ingénieurs. Si le compositeur de posts permet de créer des liens qui ressemblent à des vidéos, ce n’est pas un piratage de haut vol. C’est simplement la preuve que l’interface utilisateur du réseau social est une usine à gaz mal conçue.
L’hôpital qui se moque de la charité numérique
L’hypocrisie atteint ici des sommets stratosphériques. Rappelons le contexte, X vient d’être condamné pour tromperie. Pourquoi ? Parce que son système de coches bleues, autrefois gage d’authenticité, est devenu un simple reçu de paiement. L’UE a jugé que cela trompait les utilisateurs en leur faisant croire à la légitimité de comptes qui ne sont pas vérifiés. Et quelle est la défense de la plateforme ? Accuser l’UE à son tour de tromperie parce qu’un bouton de lecture vidéo fonctionne bizarrement sur mobile.
C’est exact, sur la version bureau, le bouton « play » du post de la commission lance la vidéo. Sur mobile, il semble rediriger vers le communiqué de presse annonçant l’amende. X appelle cela une manipulation malveillante. Le reste du monde appelle cela un bug d’interface sur une plateforme en déclin technique. Ce comportement erratique des vidéos est d’ailleurs monnaie courante sur X. Mais quand il s’agit de l’UE, soudainement, c’est un complot machiavélique.
Musk – La diplomatie du « Bullshit »
Pendant que ses lieutenants s’activaient à inventer des excuses techniques, le grand patron, Elon Musk, a brillé par son éloquence habituelle. Sa réponse à l’amende historique et aux critiques détaillées de l’Union Européenne ? Un tweet lapidaire: « Bullshit ». Suivi d’une question rhétorique tout aussi nuancée: « Combien de temps avant que l’UE ne disparaisse ? #AbolishTheEU ». C’est la réaction d’un homme qui n’a plus d’arguments. Face à un cadre législatif rigoureux comme le DSA, les mèmes et les insultes ne suffisent pas. L’UE demande des comptes sur la transparence, la protection des données et la véracité de l’information. Le milliardaire répond par des slogans populistes et des représailles techniques inefficaces.
Bullshit
— Elon Musk (@elonmusk) December 5, 2025
La réalité va frapper fort
Cette petite guéguerre sur l’interdiction du compte publicitaire ne changera strictement rien à la réalité financière et juridique qui attend X. L’entreprise a 60 jours pour répondre aux préoccupations concernant les coches bleues et 90 jours pour régler ses problèmes de transparence publicitaire. Si elle échoue, les pénalités pourraient s’aggraver. La plateforme peut bien bannir tous les comptes administratifs qu’elle souhaite, cela n’effacera pas l’ardoise. Prétendre que la commission a piraté l’algorithme en utilisant les outils officiels est une défense qui fera rire n’importe quel tribunal.
En fin de compte, cet épisode illustre parfaitement l’état actuel de X, une plateforme techniquement défaillante, dirigée par l’impulsivité, qui préfère accuser ses régulateurs de tricherie plutôt que de réparer son propre code ou de respecter la loi. L’UE a demandé de la clarté et de l’honnêteté. En réponse, elle a eu droit à une crise de colère. Si c’était ça leur stratégie de défense pour prouver qu’ils sont une entreprise sérieuse et non trompeuse, c’est un échec spectaculaire. Mais au moins, c’est divertissant.