Dans une nouvelle démonstration de sa gloutonnerie extractive et de son mépris total pour la science, les populations locales et l’avenir de la planète, l’administration Trump vient de déclarer la guerre aux écosystèmes les plus fragiles et méconnus de notre monde. Elle a annoncé son intention d’étendre massivement ses ambitions de forage minier en haute mer, ciblant non seulement la région de la Fosse des Mariannes, mais aussi en doublant quasiment la mise autour des Samoa américaines. La zone proposée y passe de 7 à 13 millions d’hectares, une superficie immense, plus vaste que la Grèce tout entière, destinée à être raclée et pillée.
Cette décision n’est pas seulement une politique industrielle, c’est une agression. C’est une agression contre les peuples autochtones du Pacifique, qui voient leur souveraineté et leur survie bafouées. C’est une agression contre la science, qui nous hurle les dangers d’une telle entreprise. Et c’est une agression contre la logique même, sacrifiant des merveilles écologiques irremplaçables pour un profit à court terme, sous le prétexte fallacieux de la sécurité nationale.
Cette manœuvre particulièrement révoltante montre le mépris total affiché à l’égard des voix locales. Aux Samoa américaines, l’opposition à ce projet n’est pas mitigée, elle est unanime. Les leaders autochtones, gardiens de ces eaux depuis des générations, ont imposé un moratoire sur l’exploitation minière des fonds marins dès l’année dernière. Le gouverneur Pulaali’i Nikolao Pula a personnellement demandé à l’administration Trump de ne pas procéder sans le consentement du territoire. La réponse de Washington ? Une fin de non-recevoir. Le gouvernement américain prévoit d’aller de l’avant avec son examen environnemental, un processus qui, sous cette bannière faschiste, ressemble davantage à une simple formalité pour tamponner les permis.
Les mots de Nathan Ilaoa, directeur du département local des ressources marines et de la faune, résonnent avec une urgence tragique:
« Nos pêcheries sont essentielles pour la sécurité alimentaire, les loisirs et la perpétuation de notre culture samoane ».
Il ne s’agit pas d’un simple secteur économique mais d’une question d’identité et de survie. Le thon, qui constitue 99,5 % des exportations du territoire, est directement menacé par ce qui s’apprête à devenir un chantier de destruction sous-marin. Mais l’administration Trump n’a que faire des cultures locales ou de la sécurité alimentaire. La justification officielle, servie sans la moindre nuance par le directeur par intérim du bureau américain de gestion de l’énergie océanique (BOEM), Matt Giacona, est celle d’une nouvelle guerre froide. Ces minéraux, nous dit-on, sont essentiels pour l’industrie manufacturière et la défense des États-Unis. « Ces ressources sont la clé pour garantir que les États-Unis ne dépendent pas de la Chine et d’autres nations pour leurs besoins en minéraux critiques », a-t-il déclaré.
Voilà le chiffon rouge agité, la Chine. C’est le prétexte universel de ce gouvernement de pacotille pour justifier l’injustifiable. Peu importe si l’on transforme des écosystèmes uniques en déserts de boue, tant que l’on peut prétendre le faire pour devancer Pékin. C’est cette même logique qui l’a poussé, en avril dernier, à publier un décret pour accélérer l’exploitation minière offshore, balayant d’un revers de main l’opposition internationale et les inquiétudes généralisées des scientifiques sur notre ignorance quasi totale des grands fonds.
Et l’appétit du gros Trump est insatiable. Pour la première fois, il lorgne officiellement les eaux autour du Commonwealth des îles Mariannes du Nord. C’est la dernière d’au moins quatre zones du Pacifique qu’il cherche à ouvrir au forage depuis avril. L’ironie tragique est que cette dernière, s’étendant sur 13 millions d’hectares, se situe juste à l’ouest du monument national marin de la Fosse des Mariannes. Un monument dont le propre site web de la NOAA (l’Agence américaine d’observation océanique et atmosphérique) vante les mérites: « Ces récifs et ces eaux sont parmi les plus biologiquement diversifiés du Pacifique occidental et comprennent certaines des plus grandes diversités de vie des monts sous-marins et des évents hydrothermaux jamais découvertes ». L’administration américaine s’apprête donc à installer une mine à ciel ouvert juste à côté d’un sanctuaire qu’elle est censée protéger.
La prétendue consultation publique, ouverte jusqu’au 12 décembre, sonne comme une farce. Le BOEM s’empresse de préciser que cela ne constitue pas une décision de tenir une vente de baux, mais on ne s’y trompe pas. Pour les quelque 44 000 habitants du Commonwealth, y compris les peuples autochtones Chamorro et Carolinien, la menace est désormais concrète. Pendant que les bureaucrates de Washington dessinent des zones d’exploitation sur des cartes, la science, elle, tire la sonnette d’alarme. Il y a quelques jours à peine, des chercheurs de l’université d’Hawaï ont publié des conclusions terrifiantes. L’exploitation minière des grands fonds marins pourrait avoir des conséquences dévastatrices sur le zooplancton, ces créatures minuscules qui forment la base même de la chaîne alimentaire océanique. L’étude a révélé qu’un panache de sédiments massif, s’étendant sur des centaines de kilomètres et créé par les opérations minières, obscurcissait l’océan. Le zooplancton s’est alors nourri de particules de sédiments qui se sont avérées être 10 à 100 fois moins nutritives que leur nourriture habituelle.
Le résultat ? La famine. « Parce qu’il s’agit d’un réseau alimentaire communautaire si étroitement lié, cela aura des impacts ascendants où le zooplancton mourra de faim, puis le micronecton (qui le mange) fera de même et cette communauté pourrait s’effondrer », a déclaré Michael Dowd, l’auteur principal du rapport. Face à cette preuve scientifique accablante, la réaction de l’industrie est un cas d’école de l’arrogance. La « Metals Company », l’une des entreprises en lice pour ce pillage, a balayé les inquiétudes, les jugeant exagérées. Elle a simplement décidé de relâcher ses sédiments un peu plus profondément, à 2 000 pieds sous la surface, en partie parce que des données ont montré qu’il y avait moins de zooplancton là-bas. L’argument est aussi absurde que cynique. S’ils ne l’ont pas encore étudié, c’est que le problème n’existe pas. L’absence d’études à cette profondeur n’est en rien rassurante car ils ne savent vraiment pas à quoi ressemble cette communauté plus profonde .
C’est là que réside le cœur du problème. Poussée par une idéologie de la dérégulation et une alliance malsaine avec les intérêts industriels, l’administration Trump est prête à jouer à la roulette russe avec le dernier écosystème intact de la planète. Elle exploite même le désespoir économique, alors que dans les Mariannes du Nord, la chute du tourisme a provoqué une crise, rendant certains « intéressés » par cette manne potentielle, tout en étant « préoccupés ». C’est un pari diabolique, votre économie contre l’océan. Cette course effrénée vers le fond n’est pas une quête de minéraux critiques, c’est une crise de la responsabilité. C’est l’héritage toxique d’une administration qui, jusqu’à son dernier souffle, aura considéré le monde non pas comme un foyer à préserver, mais comme une ressource à liquider.