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Billet de blog 21 décembre 2025

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Elon Musk ou l'art de déguiser une cupidité sans fond en héroïsme interplanétaire

Elon Musk vient de remporter une victoire juridique lui permettant de récupérer un plan de rémunération indécent. Mais ne vous avisez surtout pas de le traiter d'avide. Dans son esprit, cette accumulation obscène de richesses n'est pas de la cupidité mais une croisade morale. 

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Il a suffi d'un simple coup de maillet dans un tribunal américain pour qu'Elon Musk se rapproche encore un peu plus du statut de premier trilliardaire de l'histoire. Il vient de remporter une victoire juridique lui permettant de récupérer un plan de rémunération indécent. Mais ne vous avisez surtout pas de le traiter d'avide. Dans son esprit, cette accumulation obscène de richesses n'est pas de la cupidité mais une croisade morale. Depuis des années, il s'est enveloppé dans une excuse aussi chaude que confortable pour justifier sa soif d'argent. Il ne s'enrichit pas pour lui, mais pour sauver la conscience humaine.

La fable qu'il nous vend est simple, la Terre est une ressource finie, condamnée à court ou long terme. Pour éviter l'extinction totale de la vie, l'humanité doit impérativement devenir multi-planétaire. Il lui faut donc amasser le plus d'argent possible pour financer le voyage vers Mars. Si vous plissez les yeux assez fort pour ignorer la réalité, son avidité devient soudainement héroïque. Elon Musk ne serait pas un capitaliste rapace, mais notre sauveur désigné. Sauf que ce récit ne tient pas debout. Le patron de Tesla reste, selon toute norme raisonnable, un homme riche cherchant à justifier son empire.

L'idée que notre planète soit en route vers une destruction imminente qui nécessiterait une évacuation d'urgence est fallacieuse. Le changement climatique est une réalité brutale qui rendra la vie plus dure, certes, mais il n'entraînera pas l'extinction de notre espèce. La vérité, moins glamour que la science-fiction, est qu'il n'y a pas d'échappatoire facile. Nous sommes condamnés à rester ici, à endurer les désastres et à tenter de réparer les dégâts sur plusieurs générations.

L'humanité est bien plus résiliente qu'il ne veut l'admettre pour servir son narratif. Nous avons survécu aux prédateurs, aux glaciations et aux famines. Nous sommes bâtis pour la survie. L'idée d'envoyer des tubes de carburant vers la planète la plus proche est un plan de sauvetage franchement ridicule. Il n'y a aucune urgence à fuir la Terre pour aller s'irradier sur Mars, un caillou stérile où le sol est toxique et où rien ne pousse. Elon Musk a accès aux mêmes informations que nous, il sait pertinemment que la planète rouge est un enfer.

Mais il sait aussi que ses fantasmes lui échappent. L'horloge biologique tourne, même pour les milliardaires. Il approche de la soixantaine et ses prédictions sur la colonisation martienne ne cessent de glisser dans le temps. Il sera probablement un vieillard avant même qu'une cité autonome ne soit envisageable. Ses projets récents, comme graver une encyclopédie sur la pierre pour l'espace, ressemblent à l'agitation d'un homme qui réalise qu'il ne verra jamais sa Terre Promise. Au mieux, s'il se dépêche, il parviendra à échouer quelques cadavres sur la roche rouge avant de s'effondrer lui-même au sommet de sa montagne de cash.

L'humanité continuera sans lui. Cette ère d'inégalité caricaturale prendra fin et notre espèce survivra aux aléas de notre monde imparfait. Peut-être qu'un jour, dans un futur lointain, des colons spatiaux liront un livre d'histoire mentionnant son nom dans une liste de riches excentriques, quelque part entre Crésus et Mansa Musa, à une époque révolue où les oligarques existaient encore. En attendant, Elon Musk vient de récupérer un paquet d'actions Tesla valorisé aujourd'hui à 139 milliards de dollars. Grand bien lui fasse. Il a réussi à sécuriser son trésor, mais il ne trompe personne. Ce n'est pas l'humanité qu'il sauve, c'est son compte en banque.

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