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Billet de blog 22 mai 2025

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Le “Golden Dome”

La dernière lubie dangereuse d’Elon Musk et SpaceX pour siphonner l’argent public américain.

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

C’est officiel, Elon Musk est sur les rangs pour décrocher un nouveau jackpot public. Cette fois, il s’agit d’un projet militaire pharaonique baptisé « Golden Dome », proposé par l’administration Trump, qui promet une protection quasi-miraculeuse contre des missiles ennemis, même s’ils sont tirés de l’autre bout du globe. Ce bouclier spatial, annoncé avec fracas par Donald Trump et son ministre de la Défense Pete Hegseth, devrait coûter la bagatelle de 175 milliards de dollars pour une réalisation express en seulement trois ans. Évidemment, la réalité est tout autre, le bureau du budget du Congrès américain estime plutôt une facture astronomique de 524 milliards et un délai bien plus réaliste de vingt ans.

Soyons sérieux, l’intérêt principal du projet semble moins lié à la sécurité nationale qu’à l’enrichissement personnel d’Elon Musk et d’une poignée de milliardaires adeptes de contrats juteux. SpaceX, son entreprise spatiale, n’a pas perdu une minute avant de s’aligner sur la grille de départ, aux côtés de Palantir (fondée par Peter Thiel) et Anduril (fondée par Palmer Luckey), toutes deux notoirement proches de Trump. On est presque tenté d’applaudir l’audace avec laquelle ces titans du secteur technologique américain jouent à faire de la sécurité nationale leur terrain de jeu privé.

Une coalition de démocrates du Congrès, fort heureusement vigilants, a déjà tiré la sonnette d’alarme. Dans un courrier adressé au Pentagone, 42 élus exigent une enquête approfondie sur le processus de sélection, évoquant de sérieux conflits d’intérêt. En clair, ils craignent à juste titre que le Golden Dome ne soit qu’un prétexte pour offrir au PDG de SpaceX un levier dangereux, voire monopolistique, sur la sécurité nationale américaine. On les comprend aisément quand on sait que l’entreprise entend gérer ce bouclier spatial via une formule d’abonnement. Oui, vous avez bien lu, un abonnement à la sécurité, laissant potentiellement à Elon Musk le pouvoir discrétionnaire de couper les services critiques à son bon vouloir. Un scénario qui rappelle dangereusement ses controverses passées où SpaceX a été accusé d’avoir décidé arbitrairement des accès à Starlink pour l’armée ukrainienne. Si ce n’est pas inquiétant, c’est au minimum irresponsable.

Rappelons que le milliardaire n’est pas seulement un entrepreneur agité. C’est aussi un personnage central de l’administration Trump, grâce à des dons colossaux (plus de 250 millions de dollars à sa campagne) qui lui ont valu des positions officielles privilégiées, dont un rôle hautement ambigu au sein du Department of Government Efficiency (DOGE), une institution aussi obscure que son intitulé est ironique. Mais ce qui rend le projet encore plus dérangeant, c’est son ambition démesurée. Jamais aucun pays n’a mis en orbite un tel réseau militaire. Il est question de déployer un millier de satellites de détection et de suivi, accompagnés de deux cents autres offensifs, armés de missiles ou de lasers. On imagine aisément les risques techniques et éthiques colossaux que présente une telle infrastructure. Outre les risques évidents de militarisation accrue de l’espace dénoncés par la Chine, la Russie et de nombreux observateurs internationaux, il y a de sérieux doutes sur sa faisabilité technique réelle dans les délais annoncés.

Certes, SpaceX a l’expérience des lancements de satellites en masse avec son réseau commercial Starlink, mais la complexité technologique et sécuritaire d’un tel bouclier militaire spatial dépasse largement les prouesses accomplies jusqu’ici. Même si Elon Musk brandit l’argument fallacieux de ses fusées réutilisables censées réduire les coûts, la réalité d’un dépassement budgétaire quasi inévitable rend cette promesse ridicule. Et ce n’est certainement pas le contribuable américain qui y gagnera. En vérité, il s’engage ici dans un pari typiquement trumpien: vendre un rêve irréaliste, empocher des milliards d’argent public, et laisser les problèmes à venir aux générations futures. À l’heure où la guerre commerciale et spatiale atteint des sommets critiques, il est inquiétant de voir un projet aussi irresponsable avancé sérieusement par une administration plus intéressée par le spectacle que par la sécurité réelle.

Le fait même que Musk puisse détenir une forme de monopole technologique sur un système aussi sensible devrait être un signal d’alarme majeur. Que se passera-t-il le jour où ce dernier décidera d’utiliser ce levier pour influencer une décision politique majeure ? La question est loin d’être théorique, au vu de ses antécédents. Derrière le projet Golden Dome, se cache une réalité bien sombre. Ce n’est ni plus ni moins qu’un détournement massif de fonds publics pour enrichir un cercle restreint d’amis du président américain, avec Elon Musk en tête. Un énième projet délirant, porté par des intérêts privés et nourri par un mélange toxique d’ambition démesurée et d’irresponsabilité politique. On ne parle plus de stratégie de défense ici, mais d’une ruée vers l’or orchestrée par un milliardaire d’extrême droite et ses complices. Les décideurs politiques américains feraient bien d’y réfléchir à deux fois avant d’offrir à SpaceX les clés d’un enjeu aussi important. Sinon, le réveil pourrait être particulièrement brutal.

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