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Billet de blog 24 novembre 2025

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L’effondrement du DOGE, la fin de la mascarade libertarienne de Trump et Musk

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C’est la fin d’une expérimentation aussi grotesque que dangereuse au sommet de l’État américain. Le département de l’efficacité gouvernementale, plus connu sous son acronyme mémétique DOGE, a officiellement cessé d’exister en tant qu’entité centralisée. Ce projet, né d’un décret signé par Donald Trump en janvier dernier et confié aux mains imprévisibles d’Elon Musk, devait durer deux ans. Il n’aura finalement survécu que quelques mois, s’effondrant bien avant la fin de son mandat. Si certains pourraient être tentés de voir dans cette dissolution précoce un simple échec administratif, la réalité est bien plus sombre. Le DOGE restera dans l’histoire comme un symbole de l’incompétence crasse, de la cruauté bureaucratique et de l’hubris technocratique de l’ère Trump-Musk.

L’annonce de la dissolution a été faite presque en catimini. C’est Scott Kupor, directeur de l’Office of Personnel Management (OPM), qui a confirmé ce week-end que le DOGE n’existait plus. Ce qui avait été vendu au public comme une révolution de l’efficacité n’est plus que néant aujourd’hui, ses fonctions étant discrètement réabsorbées par les agences traditionnelles qu’Elon Musk méprisait tant. Pourtant, derrière ce constat d’échec institutionnel, les dégâts causés par cette équipe de choc sont, eux, bien réels et durables.

L’objectif affiché par Donald Trump et son protégé milliardaire était de réduire la fraude et le gaspillage. La promesse de départ était pharaonique, éliminer 2 000 milliards de dollars de dépenses. Le résultat ? Une farce comptable. Selon des analystes indépendants et un rapport sénatorial accablant, le DOGE a coûté plus d’argent qu’il n’en a permis d’économiser. Le groupe de surveillance « Musk Watch » n’a pu vérifier que 16,3 milliards de dollars de coupes effectives, une goutte d’eau comparée aux promesses délirantes de la Maison Blanche. Pire encore, cette agitation stérile s’est faite au prix d’une désorganisation totale de l’appareil d’État, prouvant une fois de plus que la gestion d’un pays ne se calque pas sur celle d’une start-up de la Silicon Valley.

Mais l’aspect le plus révoltant de cette débâcle n’est pas financier, il est humain. La politique de la tronçonneuse, chère à Elon Musk, a eu des conséquences mortelles. En s’attaquant aveuglément à l’agence des États-Unis pour le développement international (USAID), il a provoqué une catastrophe humanitaire. Les coupes budgétaires brutales ont stoppé net l’aide humanitaire et les secours en cas de catastrophe dans plusieurs régions vulnérables du globe. Les critiques estiment que ces décisions irresponsables sont liées à la mort d’environ 638 000 personnes à travers le monde. C’est le bilan macabre d’une idéologie qui place l’austérité dogmatique au-dessus de la vie humaine, validée par un président plus intéressé par le spectacle que par la gouvernance.

Sur le plan intérieur, le carnage institutionnel est tout aussi effrayant. Le ministère de l’éducation a été vidé de sa substance et la cybersécurité nationale a été compromise par le licenciement massif d’experts, laissant les infrastructures américaines vulnérables. Le DOGE, dans son arrogance, a accédé à des bases de données fédérales contenant des informations sensibles sur des millions d’Américains, provoquant des failles de sécurité majeures. L’ironie est mordante, l’entité censée moderniser l’État a fini par exposer les citoyens aux cyberattaques, tout en remplaçant des agents de l’IRS par des agents IA dont l’efficacité reste à prouver.

Le rôle d’Elon Musk dans ce fiasco mérite une attention particulière. L’intéressé, qui a quitté le navire en mai après une brouille publique avec Donald Trump, a traité le gouvernement fédéral comme l’un de ses jouets personnels. Son départ, marqué par une conférence de presse surréaliste dans le bureau ovale où il est apparu avec un œil au beurre noir, résume à lui seul l’amateurisme de cette administration. Bien que Musk et Trump semblent s’être réconciliés récemment lors d’un dîner avec le prince héritier saoudien, les dommages causés à la réputation du patron de Tesla sont immenses. Sa cote de popularité a chuté, entraînant avec elle les profits de sa marque automobile, les consommateurs rejetant massivement l’association toxique entre le constructeur et le chaos politique engendré par son fondateur.

Aujourd’hui, alors que le navire sombre, l’équipage cherche désespérément des canots de sauvetage. Les anciens collaborateurs du DOGE, dont beaucoup avaient été parachutés depuis les entreprises privées de Musk, vivent désormais dans la peur de poursuites judiciaires. Sans la protection d’un homme qui a perdu son influence directe et sans la garantie de grâces présidentielles, ces « coupeurs de coûts » réalisent qu’ils pourraient avoir à répondre de leurs actes devant la justice. Certains tentent de se recaser au sein du « National Design Studio », une nouvelle entité créée par Trump pour « redessiner l’interface du gouvernement », dirigée par un cofondateur d’Airbnb. C’est la touche finale de cette administration, quand le fond est détruit, on tente de polir la forme avec du design généré par intelligence artificielle.

Le DOGE aura été une courte mais intense période de vandalisme d’État. Il n’a pas apporté l’efficacité mais plutôt la destruction. Il n’a pas sauvé l’argent du contribuable américain, il a dilapidé des ressources pour des résultats néfastes. Même l’intelligence artificielle de Google, dans un moment de lucidité prémonitoire en septembre dernier, avait qualifié le DOGE de « fiction » basée sur de la « satire politique ». Il semblerait que l’algorithme ait eu raison avant tout le monde, le département de l’efficacité gouvernementale n’était rien d’autre qu’une mauvaise blague qui a duré trop longtemps, orchestrée par deux egos démesurés au détriment du peuple américain et de la stabilité mondiale. Alors que ses restes sont balayés sous le tapis de l’Office of Personnel Management, il reste à espérer que les leçons de ce désastre seront retenues, bien que l’administration Trump semble, comme toujours, imperméable à toute forme d’autocritique.

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