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Billet de blog 22 septembre 2010

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J - 592 : Lejaby et toutes ces boîtes qui partent ailleurs alors qu'elles marchent

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Premier billet : Il en faut un et je ne sais par où commencer...

Réagir à l'actualité ou parler du fond ?

Les deux m'interessent. C'est donc ici que je posterais mes billets d'humeurs. Comme tout bloggueur qui démarre, j'essaierai de poster régulièrement, en vous parlant des sujets qui me viennent à l'esprit. Tentons quotidiennement (mais je n'y crois pas vraiment), raisonablement hebdomadairement (et réellement mensuellement ?)... on verra bien ma motivation...

Je vous propose de vous parler des discutions non personnelles que je peux avoir autour de mon café avec mes collègues.... en prenant comme point d'arrivée ce qui me motive à créer ce blog, l'élection présidentielle... voila pourquoi ce J-592 ... le 6/05/2012, nous saurons qui est élu Président de la République pour 5 ans.

J'ai pu remarquer que le café est l'occasion de discuter de choses et d'autres. Il en ressort souvent une problématique qui nous touche tous.

Je sors de cette pause café pour vous écrire ces quelques lignes...

Sujet du jour : Lejaby et toutes ces boîtes qui partent ailleurs alors qu'elles marchent

Très (trop) souvent, nous entendons parler d'entreprises et d'usines ici et là, grandes ou petites, qui sont délocalisées, alors qu'elles sont rentables voire profitables.

Dans le milieu dans lequel j'évolue, l'informatique, nous nous sommes longtemps tous crus à l'abri de la délocalisation. Pourtant, ces dernières années, de nombreuses sociétés ont délocalisé leur production informatique. Cela a commencé par les centres informatiques et donc par les cableurs et autres installateurs de matériel. Puis est venu le temps du pilotage (la surveillance 24/7 du fonctionnement des systèmes informatiques par des opérateurs de premier niveau), du développement et de l'accueil téléphonique. Puis on a délocalisé l'expertise. Le management se croyait aussi à l'abri jusqu'à ce que les propositions de délocalisation de leur propre emploi apparaissent. Il est juste de se poser la question : Un manager slovaque serait-il moins bon qu'un manager français si tout le personnel qu'il encadre est slovaque? Il est même incompréhensible que le management de toutes ces sociétés, qui a bien souvent accompagné la délocalisation en courbant l'échine voire avec complicité, se soit cru à l'abri en voyant sa base d'ingénieurs être délocalisée chaque jour un peu plus. De la même manière que pour les ouvriers, ingénieurs/experts et cadres de management de premier niveau et au dessus se voient désormais proposer une déménagement. Tous se disent que finalement aller dans un pays exotique n'est pas si mal. La Slovaquie, l'Espagne, la Roumanie, la Turquie, l'Inde, le Brésil ou plus récemment le Viet Nam (le nouvel El dorado de la délocalisation de l'informatique française), ça laisse assez rêveur... Seulement, il y a un hic. On ne parle plus d'expatriation, c'est bien trop couteux pour l'entreprise, cela reviendrait à annuler les gains de la délocalisation. En général, l'entreprise a pris le soin de créer une autre société dans le pays dans lequel elle se délocalise, de sorte qu'il faille impérativement démissionner de la première et se faire embaucher dans la société locale. Rien de choquant si tout le monde est d'accord. Mais qui veut bosser pour un salaire divisé par deux ou trois, sans avantages sociaux (santé, retraite, préavis, chomage), sans assurance que le conjoint trouve un emploi, avec des enfants à mettre dans une école française ? Bien sûr, l'entreprise aide bien souvent à déménager, trouver un logement, vous intégrer dans la communauté française locale, etc...Rien n'y fait, la plupart choisissent la porte. Et c'est bien compréhensible.

Pourquoi délocaliser ?

Au début, les délocalisations étaient souvent liées à la survie de l'entreprise. Une entreprise vend des biens et des services sur un marché. Lorsque ce marché est normalement concurrentiel, les entreprises vendant les biens et les services tirent les prix vers le bas afin d'augmenter ou de consolider leur part de marché.

Avant les années "Bourse", les enteprises avaient bien souvent des capitaux constitués d'investisseurs privés et particuliers, assez stables et souvent historiques. Réduire le coût de production revenait au début à réduire les bénéfices de ces investisseurs. Puis créer un procédé de production à faible coût si cela était possible, mais c'était souvent très couteux en investissement initial. Puis enfin, réduire les coûts de production, c'est à dire la masse salariale (réduction des salaires et des effectifs). Une fois que toutes ces "recettes"avaient été mises en oeuvre, il restait donc soit à fermer, soit à délocaliser la production dans un pays à bas coûts. Cette histoire s'est répétée inlassablement sur bon nombre de secteurs économiques, le textile, l'électronique, la production automobile etc.Tous les pans de l'industrie ont subi un à un les affres de la délocalisation dès lors que la production reposait sur une production manuelle ou pilotée manuellement. Pendant que l'industrie souffrait, les autres secteurs de l'économie, essentiellement le service lorsque l'on parle de la France, conservait leurs effectifs du fait d'un besoin d'une main d'oeuvre qualifiée ou très qualifiée qu'il était difficile de trouver dans les pays à bas coût.

Depuis ces années "Bourse", pendant lesquelles tout un chacun s'est découvert une âme d'investisseur, les entreprises ont largement misé sur la capitalisation boursière pour lever des fonds. Ainsi, d'un capital historique, familial et stable, on est passé à un capital volatile, impersonnel et opportuniste. De petits comme de gros porteurs, construisent des bulles, éclatent des bulles, perdent ou gagnent des masses d'argent considérables. Pendant ce temps là, les pays émergeant, d'abord les dragons d'Asie puis l'Inde, le Brésil, la Chine et demain, l'Afrique, ont développé leurs savoir-faire grace, nottamment, aux délocalisations. La fin de la tension bipolaire aidant, des zones économiques libres sont créés ça et là pour favoriser les échanges. Même la Chine a mis en place des zones d'économie capitaliste. Par la pression des marchés, des entreprises profitables sans problème jusque là, se sont trouvées dans l'obligation de présenter des marges en croissance. Et que faire lorsque profitabilité et rentabilité sont au rendez-vous mais que cela ne suffit pas à lever des fonds pour conserver sa part de marché ? Il faut se faire plus beau que le voisin pour conserver ses investisseurs et en attirer de nouveaux. Au début, on se posait la question de l'augmentation d'un cours de bourse d'une entreprise alors qu'elle licenciait. Ce paradoxe en apparence n'était que le signe tout à fait cohérent de l'optimisation des coûts donnée en garantie au sacrosaint marché. "Voyez, j'optimise" sousentendu, "je licencie". Cette exigeance est sans fin, elle n'aura pas d'échapatoire...Tant que le système, même emballé, conserve des marges d'"amélioration", on continue. Dès lors, c'est la course au gain à court terme, la course à celui qui aura la marge la plus importante. On sabre le cours de bourse de l'entreprise même profitable parce qu'elle l'est moins que la voisine, même ingénieuse car on pourra racheter sa technologie une fois que l'entreprise ne vaudra plus rien. On mise à la hausse ou la baisse d'un cours comme on pose ses jetons au casino sur le 11, le noir, impair ou manque. Les entreprises prises à leur propre jeu sont désarmées devant le marché et n'ont d'autre recours que la délocalisation sans cesse vers le moins disant social. Cette mécanique peut aller hélas très loin, au mépris de la qualité, quitte à oublier, en toute extrêmité, les droits de l'homme en investissant en Chine.
Mais quand l'ingénieur en informatique, jeune cadre dynamique, ambitieux et compétent, se connecte sur boursorama à l'aide de son téléphone acheté 1€ à un voleur opérateur télécom, pour placer un put, - une mise à la baisse -, sur une action de l'entreprise française du CAC 40 qui fait eventuellement partie de ses clients, sait-il seulement qu'il scie la branche, que dit-je, le tronc de l'arbre sur lequel il est assis ?

Solutions ?

Lejaby délocalise alors qu'ils sont profitables et quelles solutions pour empêcher ce drame devenu ordinaire ?

La grève ? Aucune chance que cela marche... juste bon pour réclamer de bonnes indemnités de licenciement...

Faire le dos rond ? On regarde ailleurs ou pire, on en profite, comme la droite française, pour argumenter sur les charges trop lourdes et détricoter ce que des générations de français de droite comme de gauche ont construit depuis la révolution française.

Moraliser le capital ? Sarkozy nous sert la taxe Tobin, sans le dire. Mais est-ce en faisant payer un centime d'euros celui qui va en gagner cent qu'on le moralise ? C'est de la moralisation qui ressemble fort à de la bonne conscience... Est-ce cela qui permettra aux couturières de Lejaby de retrouver un boulot une fois débarquée à 53 ans ? Qui va y croire ?

Une loi sur l'interdiction de licencier pour une entreprise profitable ? Entre nous, on se disait que bien des entreprises trouveront la parade en créant subrepticement des conditions de non profit. En procédant par analogie avec les sociétés qui utilisent les paradis fiscaux pour ne pas payer d'impôts, on peut se dire que par des jeux d'écritures comptables et par la mise en place d'un groupe bien structuré, n'importe quelle entreprise serait capable de prouver qu'une usine n'est pas rentable. C'est très simple : on séparera distribution et production. La distribution achètera à la production mais sans couvrir totalement le coût de production puis revendra en faisant une marge énorme pour assurer des bénéfices au groupe tout entier. Au niveau du bilan, c'est bon pour le groupe. L'action se portera bien... En revanche, le bilan de l'entreprise qui produit sera catastrophique. Un audit comptable fera apparaitre des charges trop lourdes, des employés pas assez rapides et ces foutues 35 heures. On concluera l'audit en préconisant une délocalisation de la production en Chine.

Bref, pas de vraie solution... tout le monde n'est pas Joseph Stiglitz.

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