Le confinement s‘annonce pour durer des semaines et pour pallier à l’absence de cours le Ministère de l’Éducation Nationale a mobilisé ses enseignants pour mettre en place des cours via internet. Selon les professionnels les résultats sont très variables : de l’enseignant qui envoie la copie d’un livre, à celui qui fait suivre un power-point ou à d’autres qui organisent des cours interactifs via skype. Tout est possible, le meilleur comme le pire…
Sauf que, dans les domiciles où la pression commence déjà à monter, le Ministre semble avoir oublié que les parents ne sont pas des enseignants, pas plus que les familles d’accueil ou les éducateurs s’occupant des enfants placés. Être enseignant est un métier et mettre les parents (ou substituts parentaux) à la place des professeurs crée des confusions inévitables chez les enfants. Par ailleurs tous les parents n’ont pas la capacité de comprendre les consignes, certains ne savent pas lire, encore moins écrire et se retrouvent face à leur enfant dans un état d’impuissance total et disqualifiés face à leurs difficultés. Et il y a ceux qui sont en télétravail et qui ne peuvent pas se cloner et être à la fois disponibles pour leur travail et pour assurer les cours (ce qui est aussi valable pour les enseignants qui ont leurs propres enfants à la maison).
Nous constatons en plus une inflation des évaluations, sans doute mise en place pour permettre aux enseignants de s’assurer que les élèves travaillent bien, mais cela ne fait que renforcer les inégalités entre les élèves qui ont des parents pour les aider ou les plus grands qui sont motivés et savent s’organiser seuls, et tous les autres.
En période de confinement que des cours soient assurés pour permettre aux élèves de ne pas décrocher est fondamental, mais la pression mise au niveau des évaluations ne va pas être tenable et ce sont, encore une fois, les élèves les moins favorisés qui en paieront la note à la fin du confinement.
L’école pour tous, l’école « inclusive » censée s’adapter aux élèves (alors que dans l’école intégrative c’étaient aux élèves de s’adapter), a ici une opportunité inédite de montrer qu’elle peut faire preuve de souplesse et ne pas majorer les difficultés de certains élèves.
Les enseignants font leur maximum et eux aussi subissent la pression des évaluations de leur évaluation, ce qui devient totalement ingérable.
Il serait temps que le Ministère modifie son paradigme et s’adapte aussi à cette situation exceptionnelle. Les programmes ne pourront pas être tenus, il n’y aura pas de notation possible ce trimestre, c’est inévitable, mais est-ce la fin du monde face aux morts qui s’accumulent ? Est-ce bien là la priorité ?
Face aux situations de crise, il faut savoir lâcher prise sur certaines choses et pouvoir se recentrer sur les indispensables. Les élèves et leurs parents ont besoin d’être soutenus, rassurés, accompagnés et non évalués ; tout comme les enseignants ont besoin d’être soutenus, rassurés, accompagnés dans cette nouvelle façon d’enseigner. L’évaluation n’est certainement pas le meilleur moyen d’aider les uns et les autres. Elle n’est qu’un leurre, une réassurance de façade (beaucoup d'évaluations seront faites par les parents) et en aucun cas un support de résilience face à la crise actuelle.
Hélène Romano
Dr en psychopathologie-HDR, psychothérapeute
Dr en droit privé et sciences criminelles