Par exemple, j'ai vu passer récemment cet article sur les Le Pen :
http://www.mediapart.fr/journal/france/060214/la-justice-enquete-sur-la-fortune-de-le-pen
Je me suis souvenu qu'il y en avait eu d'autres, sur d'autres personnalités, sur le même ton. Non pas que je soutienne en quoi que ce soit les Le Pen, radicalement mes adversaires politiques, mais la manière de les attaquer me gêne : l'argumentaire produit dans l'article sent l'insinuation ou du moins, me semble faiblement argumenté. En effet, "[...] le patrimoine de Jean-Marie Le Pen est aujourd'hui épluché par la justice, dans le cadre d'une enquête préliminaire [...]". En gros, on sait peu de choses hormis des présomptions et l'existence d'enquêtes. Mais le titre et l'article insinuent bien qu'il y a enrichissement illégal, et toutes les turpitudes qui y sont associées. Abaisser par la rumeur. C'est pas très honorant ça!...
Et ce "coup" m'en a finalement rappelé un autre, récent : l'affaire Dieudonné. Quoiqu’on pense du personnage, de son humour et de ses « dérapages », il est hallucinant de voir la campagne déclenchée contre lui par tout l’appareil d’Etat et son ministre de l'Intérieur raciste et xénophobe en premier, appuyée par presque tous les médias (y compris Mediapart, même s'il a pris ses distances avec Valls), alors que l'artiste n’est après tout qu’un bouffon se produisant sur scène devant un public qui paie, sans parti ou mouvement derrière lui : on peut tranquillement se réjouir sur une chaîne de radio publique en imaginant qu’il soit publiquement exécuté (Philippe Tesson, "journaliste"), des lycéens sont renvoyés de leur école et accusés d’apologie de crimes contre l’humanité pour avoir fait le geste de la quenelle, des gens ayant fait ce geste sont licenciés, entre autres exemples d’hystérie.
Cette affaire, qui sert de nouvel alibi à l'oligarchie pour s'en prendre aux libertés individuelles (1), pour n'accepter qu'une liberté d'expression à géométrie variable, pour attaquer particulièrement le dernier espace de liberté qu'est l'Internet, aurait du être l'occasion d'ouvrir un débat, sur le fond.
Le fond est l'esprit des censeurs qui se banalise. On commence à éprouver comme un sentiment de remake de l'Amérique de McCarthy. Le diable n'est pas le communiste mais celui qui critique Israël et ses commensaux français. On constate l'effet pervers des lois mémorielles et particulièrement la loi Gayssot. C'est en s'appuyant sur cette loi que des organes comme Mediapart arrivent à justifier la curée à laquelle on a assisté. C'est en s'appuyant sur cette loi que l'ensemble des médias ont organisé des "débats" où tous les débatteurs étaient en gros d'accord sur l'essentiel : Dieudonné est le diable et la censure est presque acceptable, et à la limite d'être la solution au problème. La nuance (citations tronquées), le contexte disparaissent, noyés dans l'hystérie collective des politicards et des médias. Quelle misère intellectuelle...
On découvre aussi que cette banalité de la censure, "comme un air ambiant", devient la règle avec le pouvoir socialiste : Najat Vallaud-BelKacem n'envisage-t-elle pas de censurer l'Internet au nom des droits de la Femme, tout comme Aurélie Filipetti qui "soutient" son ministre de la police, Manuel Valls et les autres au nom des "valeurs républicaines" ... qu'ils instrumentalisent dès que ça les arrange?
Qu'un média comme Mediapart n'envisage pas ce débat ne cesse de m'étonner. Ce ne sont pourtant pas les appels en ce sens qui ont été exprimés dans les commentaires des nombreux articles récents du journal sur "l'affaire", tous orientés dans le même sens : quelle belle unanimité!
On m'objectera que ce débat a déjà eu lieu ... en 1990. Les dérives auxquelles on a assisté depuis et les attaques ininterrompues contre la liberté d'expression ces dernières années (2), notamment depuis l'arrivée de l'Internet, montrent que cette loi est dépassée, dangereuse. On assiste à une vraie dégradation. L'enjeu me semble assez simple : donne-t-on à la liberté d'expression la place sacrée d'une loi fondamentale, ou alors doit-on se résigner à accepter la censure de l'Internet et sa cohorte de lobbyistes et de dictateurs à la petite semaine.
Alors, ce débat, c'est pour quand?
--------------------------------------------
(1) Par exemple : http://www.laquadrature.net/fr/lpm-promulguee-la-derive-du-politique-vers-la-surveillance-generalisee
(2) Comment serait interprété aujourd'hui le sketch de Pierre Desproges "Les Juifs"? Le président de la LICRA a répondu qu'il irait en justice. Hara Kiri (et Charlie-Hebdo -version années 70), pourrait-il paraitre aujourd'hui? sont autant de questions auxquelles les réponses semblent malheureusement évidentes.