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Billet de blog 4 novembre 2008

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L'appel de la rue

 Dimanche. Je descends le boulevard Magenta à vélo. Des hurlements. Je manque de m'étaler au carrefour. Les hurlements recommencent. D'abord inaudibles, ils prennent peu à peu forme et sens à mesure que je m'approche de leur émetteur. Soudain, je les entends très distinctement : "UNE VRAIE GAUCHE! IL FAUT UNE VRAIE GAUCHE! "

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Dimanche. Je descends le boulevard Magenta à vélo. Des hurlements. Je manque de m'étaler au carrefour. Les hurlements recommencent. D'abord inaudibles, ils prennent peu à peu forme et sens à mesure que je m'approche de leur émetteur. Soudain, je les entends très distinctement : "UNE VRAIE GAUCHE! IL FAUT UNE VRAIE GAUCHE! "

Je ralentis. Sur un banc, emmitouflé dans un anorak, le visage en partie caché par un bonnet et une barbe broussailleuse, un clochard est assis, bien droit, le regard fixé sur la Gare de l'Est. C'est lui qui vocifère et vitupère à en faire tomber les cyclistes. Prophète délirant, pyhtie déchue ou révolutionnaire d'un temps révolu. Un peu tout ça. Reste son cri qui résonne. Encore longtemps après l'avoir dépassé de quelques coups de pédales. Toute la colère et la détresse de cet homme à la rue semble s'être concentrées dans cet appel tonitruant à une "vraie gauche".

Virage et digression. j'ai toujours été étonnée par la clairvoyance des cloches et des SDF. Coupés de tout, certains de ces "naufragés" (cf. le superbe livre de Patrick Declerck), au bord de la folie ou emportés dans un délire éthylique, se livrent à des harangues traversées d'éclairs de lucidité. Ils peuvent même surprendre par le regard très juste qu'ils portent sur l'actualité. J'ai en mémoire cette toute petite femme brune à la voix suraiguë. Dans la rame de métro, elle parvenait à captiver l'attention des voyageurs grâce à un monologue décousu, où se mêlaient citations théâtrales et réflexions géopolitiques. De sa voix fluette d'enfant, elle évoquait Ben Laden et Al-Quaeda, le manque de reconnaissance dont souffrent les jeunes "issus de l'immigration", l'Algérie de Bouteflika. Je me demandais alors comment cette femme, cette exclue parvenait à garder le contact avec cette forme de réalité qu'est l'information.

Pour revenir au hurleur du boulevard Magenta, son cri résonne aussi car il me fait penser à l'appel plus ou moins silencieux de nombreux hommes et femmes de gauche. Plus particulièrement socialistes. Moi, c'est surtout un vrai "PS" que j'attends. On parle désormais de la droite décomplexée, tout en Rolex et en tests ADN. A quand un PS tout aussi décomplexé? Un PS qui n'hésite pas à définir une ligne claire et nette. Je sais que la politique ne peut se résumer à un slogan mais la force de Sarkozy, c'est justement d'avoir livré une pensée cohérente (du moins en apparence). Derrière le "travailler plus pour gagner plus", il offrait un fantasme préfabriqué aux Français : celui d'une société de consommation où tout peut s'acheter à crédit. Entre autres. (voir l'excellente analyse de Mona Chollet sur "l'art de faire rêver les pauvres" selon Sarkozy. http://www.monde-diplomatique.fr/2008/04/CHOLLET/15818).

Les socialistes ne font plus rêver. Il leur faut à nouveau donner l'envie aux gens d'adhérer à une forme d'idéal, autre que celui proposé par Sarkozy.Au lieu de ça, ils se déchirent sur des questions de cuisine interne, sont totalement inaudibles - je pense à leur abstention lors du vote du plan de sauvetage - cultivent le "oui mais non", l'auto-justification permanente et sont encore, tels des ados boutonneux, dans une quête d'identité. Ils serait temps qu'ils grandissent. Pour qu'on ait enfin "UN VRAI PS".

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