20h30. Je marche tranquillement dans la rue. Le portable vibre au fond de ma poche. Un sac de sport sur une épaule, le sac à main sur l’autre et le cabas de courses en équilibre précaire sur un omoplate, je me saisis du téléphone avec une dextérité et une rapidité plutôt inhabituelles. On ne sait jamais, c’est peut-être important. Je décroche. « Allô, Michel X. de la section du XIe. Tu votes le 6 novembre ? » Comme toujours, ce tutoiement forcé entre camarades me fait glousser intérieurement. Une fois cette hilarité tout intérieure contenue, réflexions et questions se bousculent dans ma tête : ça fait deux ans que je ne suis plus dans cette section. De toute façon, ça fait deux ans que je n’ai plus de carte au PS. Comment m’ont-ils retrouvée ? Comment connaissent-ils ma nouvelle adresse ? Pourquoi me poursuivent-ils encore ? Est-ce qu’ils appellent chaque militant pour le rappeler à l’ordre ? Est-ce que je vais réussir à atteindre le trottoir d’en face sans passer sous un bus ? «Je ne suis pas à jour dans mes cotisations. » Je pense avoir dégainé l’argument massue, la phrase qui tue et qui me permettra d’abréger cette conversation. Je pense mal. « Attends, c’est pas un problème, embraie aussitôt Michel qui s’anime soudain à l’autre bout du fil. Si tu t'acquittes de ta cotisation le jour du vote, c'est bon." Comment lui dire que je m'en fous et que je ne voterai pas de toute façon. Mais on ne peut plus arrêter Michel. "Au fait, tu as vu comme la direction du Parti verrouille ce scrutin ? C’est scandaleux. Ils bloquent les votes pour faire gagner Delanoë. Moi, je suis un représentant de la motion E (celle portée par Collomb et Royal) dans la section et je peux te dire qu’on va se battre pour empêcher ça. Attends, c’est une chance historique ce vote. C’est le moment ou jamais de tout changer au PS. Alors, on compte sur toi ? »
Euh… Ben non. Surtout pas quand je vois que ce parti use des mêmes méthodes que les vendeurs de fenêtres en aluminium. Racoler le client, enfin l’électeur, par téléphone, ça ne me séduit pas plus que ça. A quand : « Pour un vote à la Motion A, un abonnement Vélib offert » ou « Vote pour la motion C et gagne un voyage à Lille »? J’espère sincèrement que ce genre de coup de fil est exceptionnel. Déjà, quand j’entends parler de ces fédérations qui « votent comme un seul homme » ou de "discipline de vote", un léger frisson me parcourt l’échine. Ca sent un peu trop l’endoctrinement à mon goût. Et de fil en aiguille, là sous mon abribus, et sans trop savoir pourquoi, je repense à l’absurdité du système soviétique tel que décrit par Vassili Grossman dans Vie et destin. Je sais, la comparaison est excessive. Mais vraiment, parfois, le PS, plombé par la lourdeur de l’appareil, me rappelle le PC figé dans sa rigidité et ses absurdes procédures administratives. Bon, pour ma part, je suis toujours lestée de mes trois sacs. Je raccroche en souhaitant tout de même bonne chance à Michel. Ca reste un camarade. Malgré tout.
Billet de blog 28 octobre 2008
Le PS, c'est simple comme un coup de fil
20h30. Je marche tranquillement dans la rue. Le portable vibre au fond de ma poche. Un sac de sport sur une épaule, le sac à main sur l’autre et le cabas de courses en équilibre précaire sur un omoplate, je me saisis du téléphone avec une dextérité et une rapidité plutôt inhabituelles. On ne sait jamais, c’est peut-être important. Je décroche.
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