J'ai des oreilles qui traînent dans les couloirs de Solférino. Elles entendent toutes sortes de choses et me les rapportent. Comme ces propos tenus par un rédacteur de L'Hebdo des socialistes, le magazine du PS envoyé aux militants :
"C'est dingue. Il ne se passe pas un jour sans un, voire plusieurs messages, de militants en colère. Ils ne comprennent pas pourquoi on ostracise Ségolène de nos pages. Ils envoient des mails ironiques, du genre "Je ne savais pas que Madame Royal n'était plus de ce monde." ou appellent carrément à la rédaction pour gueuler." Ca avait notamment beaucoup "gueulé" au lendemain de la publication d'une photo prise lors des obsèques d'Aimé Césaire. On y voyait tous les éléphants - Jospin, Hollande, Mauroy et Fabius - alignés en rang d'oignon mais de Ségolène, point. La Zapatera du Poitou s'en était d'ailleurs émue, n'hésitant pas à comparer l'Hebdo des socialistes à la Pravda (comme quoi, d'autres que moi usent de comparaisons excessives...).
L'anecdote pourrait sembler anodine. Elle en dit long, à mes yeux, sur l'engouement toujours très vivace que Ségolène Royal a suscité et suscite toujours au sein du "peuple de gauche" (ça, c'est comme le tutoiement automatique, ça me fait rire). Comme elle aime à le répéter, indéniablement "quelque chose s'est levé". Et n'est pas encore retombé. Ce "quelque chose" pourrait même la porter à la tête du Parti. Jusqu'à récemment, les sondages ne donnaient pas cher de sa motion. C'était oublier un peu vite le crédit inouï et unique dont elle bénéficie auprès des militants. D'ailleurs, ses adversaires, eux, ne s'y trompent pas. Toujours d'après la paire d'oreilles qui furètent rue de Solférino, l'équipe Delanoë tire une tronche d'enterrement. Du côté du maire de Paris, on sait que c'est loin, très loin d'être gagné.
Reste que j'ai toujours du mal à comprendre "l'effet Royal". Pour ma part, quand j'entends la reine du chabichou, je suis presque toujours partagée entre rire et consternation. Rire quand elle s'improvise télévangéliste new age au Zénith ou qu'elle se met dans "une colère saine". Consternation quand elle préconise de faire raccompagner chaque policier femme par un autre fonctionnaire de police ou qu'elle invite tous les Français à avoir le drapeau tricolore chez eux. Mais ça, ce n'est que mon avis. Bien différent de celui de nombre de militants. Alors comment expliquer le succès durable de l'ex-candidate à la présidentielle? Peut-être tient-il à une raison toute simple : l'équipe de sa motion est sans doute la seule à donner l'illusion d'un renouvellement, avec des personnalités telles que Najat Vallaud-Belkacem, Aurélie Filippetti, Delphine Batho... C'est vrai qu'à côté, Delanoë, avec son remake de la dream-team Jospin, fait très old-school, voire carrément vieille garde. Et je crois que les socialistes attendent désormais un vrai changement. Mais Ségolène Royal l'incarne-t-elle réellement? Je suis plus que sceptique.