La vidéo de la mort de Georges Floyd est insoutenable de cruauté et de froideur et on n'a pas l'impression que son auteur soit un policier mais plutôt un tueur psychopathe, voilà la manière dont je souhaite commencer ce billet.
Il est certain que cela a ému, d'abord aux States mais un peu partout autour de la planète ; d'ailleurs, il était grand temps après toutes les vidéos calamiteuses de personnes noires, souvent sans défense, tuées par des policiers et qui ont fait le tour de la planète (pour ma part je donnerai la palme de la honte à celle du policier qui tire 7 coups de feux sur un homme dans sa voiture parce que celui-ci lui signale qu'il a une arme à feu, conformément au 2e amendement, sans doute pour éviter de faire paniquer le policier à la vue de l'arme, mais avec l'effet inverse. La fillette de l'homme exécuté sommairement s'enfuit de la voiture : l'horreur absolue).
Pour en revenir à la vague d'émotion suscitée, si on y ajoute toute l'anxiété de la crise sanitaire mondiale, on a eu un grand mouvement antiraciste un peu partout dans le monde, avec le slogan "Black Lives Matter" (BLM).
Si en règle générale, on ne peut qu'applaudir le réveil humaniste (quoi qu'en disent les identitaires des pays concernés), on peut se demander si ces mouvements ne sont pas aller dans des excès aberrants voire contre-productifs.
Commençons par le contexte international : on a eu des grandes manifestation, des relais dans tous les pays qui ont vécu eux aussi des drames causés par l'horreur du racisme. Cependant, les formes qu'on prises les déclarations et les revendications ont de quoi étonner :
il y a eu une remise en cause de l'action des forces de Police qui était déjà très présente sur les réseaux sociaux, puis après la volonté de faire disparaître des soi-disant symboles du racisme, et notamment aux Etats Unis avec le "BLM washing" :
- je m'étendrai sur le risque de bashing contre les forces dites de l'ordre pour le contexte français, mais on peut déjà dire que c'est l'amalgame des turpitudes des uns à tout le corps de métier qui est dangereux. J'en reste là pour le moment.
- "déboulonner" la statue de Christophe Colomb, jugé responsable du génocide des natifs américains ou amérindiens. Là j'ai du mal à garder mon calme : on accuse un homme dont la notoriété est due au fait qu'il n'est rien d'autre qu'un grand explorateur d'être responsable des méfaits commis par les colons qui sont allés s'installer sur le continent qu'il a découvert !! et ce sont les descendants de ces génocidaires qui lavent les crimes de leurs aïeux en les attribuant à l'explorateur. Est-ce qu'on réalise la violence du truc ??? c'est comme si on condamnait le constructeur automobile de la marque dans laquelle Lady Di a eu son accident d'avoir assassiné la princesse !!
- changer le logo des marques Aunt Jemima et Uncle Ben's, certainement parce qu'elles évoquaient l'esclavage dans l'imaginaire collectif aux yeux de ceux qui ont dénoncé ces marques. On peut lire par exemple dans un article sur le sujet que Aunt Jemima était “un personnage de femme noire, à l’origine fondé sur le stéréotype de la nourrice esclave qui élevait les enfants blancs de son maître” et ça ne serait pas mieux pour Uncle Ben's. Alors là, c'est pour moi étonnant qu'au nom de l'antiracisme on s'interdisse des égéries tirées de l'histoire afro-américaine, si dure soit-elle. Ne va-t-on pas faire disparaître la diversité de cet espace médiatique au nom de la tolérance ? il y a un effet contre productif. Car enfin, le logo d'une marque c'est un personnage qui représente la marque, la qualité du produit, et donc c'est un symbole positif. Ces deux personnages ne sont pas présentés dans des postures qui suggèrent l'esclavagisme, encore moins fouettés ou pendus, mais bel et bien comme ceux qui savent faire de bons produits ("c'est toujours un succès"). Tout cela en dit long sur la souffrance de l'esclavage qui est une horreur pour que l'on ne puisse même pas représenter, y compris par l'éloge du savoir faire, les ancêtres des afro-américains d'aujourd'hui : ils s'excluent aux mêmes du panorama visuel de l'identité américaine (ou les gens prétendant les défendre le font en leur nom). Ça me semble vraiment contre productif !!
On notera quand même qu'un esclavagiste a été déboulonné en Angleterre : Edward Colston, négrier vivant du négoce d'esclaves mérite tout à fait le sort qui lui a été fait à mes yeux.
Enfin, si on regarde le contexte français, on n'a pas eu à s'ennuyer et c'est encore une fois une bonne chose mais on peut déplorer des errements :
- d'abord, le possible bashing anti-police chez certains de nos compatriotes. Soyons clairs : je suis le premier à appeler ceux qui dérapent les "voyous en uniforme" ! oui mais dans mon esprit, c'est uniquement les mauvais éléments qui sont visés. la Police est une institution et non une religion. En tant qu'institution armée qui dispose de prérogatives de violence sur le reste des personnes, il est légitime de commenter les exactions, de réclamer des sanctions à chaque bavure, de ne pas se laisser embobiner par le chiffre des blessés parmi les policiers, souvent donné pour justifier l'injustifiable : on est dans une république pas à un match la police contre la population, où on compterait les points. De la même manière qu'on se doit d'être choqués par une bavure policière donc de fonctionnaires formés pour maintenir l'ordre qui se comportent mal, on peut facilement comprendre que le fonctionnaire de police qui n'agresse pas ses concitoyens finisse par être excédé qu'on le renvoie plus souvent qu'à son tour à des gens qui sont la honte de son métier.
- viennent ensuite les affaires françaises et là, je ne peux que regretter que l'Affaire Adama Traoré caracole en tête car elle semble bien moins emblématique d'une bavure policière que l'Affaire Cédric Chouviat qui coche toutes les cases de la bavure présumée : ça arrive sur un simple contrôle routier et pas une arrestation, on a les images donc difficile de fabuler dessus des heures durant, et les auteurs de ce plaquage ventral sur un homme tout juste mécontent de son contrôle, qui va filmer sa plaque d'immatriculation quand on lui dit qu'elle est sale, ne sont pas suspendus. Tout cela pour dire qu'il y a une réalité française de persécutions racistes, quoi su'en disent certains sur les plateaux télés, mais que si l'on peut comprendre l'insistance de la famille Traoré, nos médias pouvaient choisir d'autres affaires pour en débattre.
- on n'a pas vraiment eu de gros bashing sur les marques à part contre le slogan "Banania, y'a bon" au début des années 2000, mais même si je n'y vois pas personnellement une intention de traiter le personnage d'analphabète, je peux comprendre que ce qui parait être innocent pour les uns ne le soit pas pour d'autres
- Enfin, on a le CRAN qui a profité de cet élan antiraciste pour nous ressortir sa volonté de faire effacer Colbert de la méritocratie historique française. L'argument évoqué est que Colbert a rédigé le Code Noir pour réglementer l'esclavage sous Louis 14. Sauf que Colbert était ministre et n'a fait que son devoir pour un homme de son époque auquel un travail de réglementation était demandé. Le Code Noir a beau être un ouvrage dont l'évocation des règles donne la nausée, il est aussi reconnu par une partie des historiens comme un élément régulateur de l'esclavagisme qui a imposé des règles aux maîtres et a pu limiter quelques excès. Ce qui est certain c'est que Jean-Baptiste Colbert n'était pas esclavagiste et n'a jamais eu d'esclaves : il n'avait rien d'un Edward Colston français !! et bien que l'on ait quelques nouveaux noms qui méritent tout à fait les honneurs de la République (je citerai Arnaud Beltrame, en plus ça plaira à ceux qui m'accuseraient d'avoir été dur envers les forces de l'ordre et qui verront que je respecte les "vrais"), il me semble déplacé de rebaptiser le Lycée Colbert dans lequel j'ai grandi car mon père y travaillait.
Bref, si le moment que nous vivons est salutaire, nous nous devons de rester vigilants sur ses expressions et ses errements que ne manqueront pas de relever ceux qui croient en ces discriminations, même sans l'avouer.