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Billet de blog 12 avril 2016

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Education (1/3) : quel bilan du quinquennat pour le premier degré ?

A un an des élections présidentielles, il semble temps de tirer le bilan provisoire de l'action de François Hollande dans le domaine de l'éducation. Je propose une série de billets inspirés de mon expérience de parent d'élèves et de professeur du secondaire dans cette perspective. Billet n°1 : le premier degré.

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En 2012, l'éducation a été présentée comme une priorité nationale. On se souvient de l'hommage (controversé) à Jules Ferry le jour de la passation de pouvoir. Dans cette logique, la loi du 8 juillet 2013 a été dénommée "loi de la refondation de l'école". Partant du constat d'une école fortement inégalitaire, l'idée ambitieuse était de poser de nouvelles bases pour celle-ci, considérée comme un creuset d'intégration et un vecteur de  transmission des valeurs républicaines. Le comité de suivi chargé d'évaluer l'application de la loi, composé de parlementaires et de cadres de l'éducation nationale, a rapidement déclaré : "D’une manière générale, la priorité au premier degré est clairement perçue comme la mesure principale de la refondation de l’école par l’ensemble des acteurs."

Cette priorité s'est ainsi déclinée en plusieurs axes. Il me semble temps de confronter la réalité de terrain avec les objectifs affichés.

Axe 1 - Le déploiement de moyens supplémentaires

Illustration 1

L'objectif général était de revenir sur les coupes sèches dans les effectifs enseignants des années Sarkozy (RGPP). Ce déploiement de moyens supplémentaires devait permettre tout d'abord de (re)scolariser les enfants âgés de 2,5 à 3 ans. Ensuite, l'objectif était de créer un dispositif "plus de maitres que de classes" pour lutter contre la difficulté scolaire, notamment dans les écoles concentrant des difficultés socio-économiques importantes. 60000 postes au total sur la durée du quinquennat ont été annoncés dont la plupart devaient être affectés à l'école primaire. Or, sur le terrain, enseignants et familles perçoivent difficilement cette allocation de moyens supplémentaires. Plusieurs explications à cela :

- A la moitié du quinquennat, le ministère reconnaissait avoir créé 3856 postes (seulement) dans l'enseignement public (dont 2906 dans le primaire). Il s'agit de postes de titulaires à temps complet, pérennes. Or, le gouvernement compte dans les créations de postes les flux de recrutement des stagiaires (qui sont grosso modo identiques aux flux de départs en retraite). Cela lui permet d'affirmer que l'objectif des 60000 postes sera atteint mais la réalité est bien différente. Il n'y aura pas 60000 enseignants de plus face aux élèves.

- Ces postes supplémentaires ont très largement été absorbés par une hausse démographique dans le premier degré en plus de la (re)scolarisation des enfants âgés de 2,5 ans à 3 ans (retour à la situation antérieure aux années Sarkozy). Certains ont également été destinés à la formation des enseignants malmenée par la droite.

- Le dispositif "plus de maîtres que de classes" a concerné un nombre restreint d'écoles.

Axe 2 - La réforme des rythmes scolaires

Illustration 2

L'objectif était de s'appuyer sur certains travaux de chronobiologistes pour que les rythmes scolaires soient davantage adaptés aux rythmes naturels de sommeil et de vie de l'enfant. Il s'agissait donc de passer à une semaine de 4,5 jours en allégeant la journée. Je vais essayer de synthétiser les principaux griefs adressés à cette réforme :

- Le rythme des enfants est utilisé comme alibi à une réforme alors même qu'ils sont systématiquement ignorés voire méprisés dès lors que les lobbies de restaurateurs et de professionnels du tourisme s'adressent au ministère. C'est ainsi que, cette année, les académies de la zone B (les zones ayant été inventées pour satisfaire lesdits lobbies) devront aligner 12 semaines de cours entre les vacances de Pâques et celles d'été. De même, si l'objectif était d'alléger la journée, pourquoi avoir permis la publication de la circulaire Hamon, qui permettait de conserver le même nombre d'heures de cours journalier en libérant une après-midi ? S'agissait-il de répondre au lobbying exercé par l'Association des Maires de France ?

Illustration 3

- Il n'est pas prouvé, en l'absence de bilan sérieux, que nos bambins sont moins fatigués et travaillent mieux avec ce rythme. D'ailleurs, il n'est pas prouvé qu'ils sont moins fatigués que la génération de mes parents qui travaillait 5 jours complets (lundi, mardi, mercredi, vendredi, samedi) mais regardait moins la télé et ne disposait pas de tablettes. Pour travailler mieux et avec moins de fatigue, il existe pourtant une solution simple qui n'a même pas été envisagée : diminuer le nombre d'élèves par classe en recrutant.

- Cette réforme ne rajoute en rien les heures de cours du samedi matin supprimées sous Sarkozy. Rappelons quand même qu'il s'agissait de trois heures hebdomadaires de plus pour faire du Français, des Maths etc. Sur une année scolaire, c'est environ 100 heures de cours qui ont été perdues et donc 800 sur la totalité de la scolarité d'un enfant dans le premier degré !

- Cette réforme crée des activités périscolaires dont les créneaux horaires varient d'une commune à l'autre. Elles sont généralement payantes. Dans mon village, leur coût est de 30 euros par mois et par enfant et le quotient familial n'est pas appliqué (mairie UMP). Leur contenu éducatif est pour le moins léger, le personnel municipal très peu formé (et hostile) étant largement mis à contribution pour encadrer des groupes d'enfants trop nombreux. Les enfants eux-mêmes se plaignent des contenus, de l'agitation. Mais pour avoir un contenu de qualité, il faudrait faire appel au privé ou au moins à des associations facturant leurs prestations, ce qui n'est pas moralement acceptable au regard de la difficulté économique de certaines familles. A moins que cela ne soit financé par une hausse d'impôts mais ce n'est pas le choix de la municipalité. Pour finir, il n'y a pas suffisamment de locaux en dehors de l'école. Lorsqu'il pleut, les activités se déroulent dans les salles de classes, avec tous les problèmes que cela pose, type vols de cahiers, de matériel etc.

Messieurs Peillon et Hamon ont-ils pensé à tout cela ?

Illustration 4

Axe 3 - Formation des enseignants et réécriture des programmes

J'attends des témoignanges de professeurs des écoles sur ces questions.

Je me permettrai simplement de constater l'ingérence croissante des politques sur les pratiques pédagogiques. On se souvient des propos de Najat Vallaud-Belkacem, grande pédagogue, sur la dictée quotidienne.

Illustration 5

On pourrait également parler d'ingérence de l'actualité dans les questions éducatives comme en témoigne la création d'un Enseignement Moral et Civique dans la plus pure précipitation, suite aux attentats de janvier 2015.

Pour conclure, il est bien connu que les promesses n'engagent que ceux qui y croient ... Vraiment, l'école a-t-elle été "refondée" sous François Hollande ? Ou s'agissait-il d'habiller des mesures austéritaires de quelques paillettes à l'arrière-fond idéologique fort discutable ? J'y reviendrai ...

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