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Billet de blog 1 octobre 2023

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La police s’acharne sur trois étudiants choqués par les violences policières

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Le 27 juin 2023 un jeune nommé Nahel est tué par un policier à Nanterre pour un refus d’obtempérer. S’ensuivent des émeutes dans toute la France.

Dans la nuit du 1er au 2 juillet à Marseille, le jeune Mohamed Bendriss, 27 ans, livreur de pizzas est retrouvé mort près de son scooter. Il était père d’un enfant et son épouse enceinte d’un deuxième. Cette dernière dit qu’il ne participait pas aux émeutes mais avait filmé une scène d’interpellation. Le parquet a estimé fin juillet que son décès a été causé par un "choc violent au niveau du thorax causé par le tir d'un projectile de type Flash-Ball". Trois policiers du RAID ont été mis en examen le 10 août. Les enquêtes de police sont parfois plus rapides ...

Pendant cette même nuit, toujours à Marseille, le jeune Hedi R, 21 ans, assistant de direction dans la restauration, sortit de son service et venu voir cette agitation par curiosité, a reçu un tir de LBD dans la tempe. Il a été roué de coups par les policiers de la BAC et laissé pour mort avec une mâchoire cassée et le crâne enfoncé. Les chirurgiens ont dû l’amputer d’une partie du crâne pour le sauver.

Pour cette deuxième affaire quatre policiers de la brigade anticriminalité ont été mis en cause. Le 20 juillet une centaine de policiers se sont rassemblés devant le tribunal de Marseille pour soutenir leurs collègues. Les mis en cause ont été acclamés et applaudis, une haie d’honneur organisée pour eux… C’est bien le moins puisque l’un de ces quatre héros est déjà soupçonné dans l’affaire Maria, une affaire similaire en 2018 avec tir de LBD et ouverture du crâne à coups de pieds et de matraques.

Trois des quatre policiers incriminés ont été placés sous contrôle judiciaire et le quatrième identifié par les caméras comme responsable du tir a été mis en détention provisoire. Le soir même, certains fonctionnaires de police se sont mis en arrêt maladie pour contester la détention provisoire, puis dès le lendemain et les jours suivants la contestation s’étend à l’échelle nationale. Une cagnotte de soutien est créée. Certains policiers appliquent le « code 562 » qui signifie se mettre en service minimal restreint aux missions d’urgence.

Le 27 juillet Gerald Darmanin sans aucun mot de compassion pour la victime, soutient le mouvement des policiers qui sont selon lui, « insultés, vilipendés et victimes de procès médiatiques ».

Au cours de l’été, la pression de la part des policiers se fait de plus en forte pour obtenir la remise en liberté de leur collègue. Malgré cette pression, la justice décide le jeudi 3 août de le maintenir en détention provisoire. Confronté aux images de la vidéo-surveillance, le policier incriminé a en effet reconnu ce même jour le tir de LBD qu’il avait nié jusque-là.

Mais les pressions continuent pendant le mois d’août, une manifestation de soutien aux forces de l’ordre est organisée et soutenue par l’extrême droite (Reconquête et le rassemblement national) pour se tenir le 2 septembre devant le palais de justice d’Aix-en-Provence.

La veille de ce rassemblement, le jeudi 1er septembre, la justice décide prudemment la remise en liberté du policier. « Compte tenu de la pression extrême dans ce dossier, cette remise en liberté́ ne m’étonne pas », a réagi Jacques-Antoine Preziosi, l’avocat du jeune Hedi.

Ignorants ce dernier rebondissement, trois étudiants de 19 à 24 ans sont choqués par le déni de justice de certains policiers qui estiment pouvoir tabasser impunément et de l’extrême droite qui cherche par ce rassemblement à légitimer des violences policières. Les trois étudiants se réunissent ce même jeudi 1er septembre, par l’intermédiaire d’une connaissance avec un groupe qui opte sur la proposition d’une militante, pour la mise en place d'autocollants et de pancartes sur le lieu prévu par les organisateurs du rassemblement d’extrême droite.

Après quelques prudents et bien compréhensibles désistements y compris de celle qui devait apporter les pancartes, les trois étudiants se retrouvent cette nuit du 1er au 2 septembre à coller des stickers devant le palais de justice. Il y a avec eux une militante masquée de 19 ans qui bombe des tags, ce qui n’était pas prévu et leur semble préjudiciable. Les tags en question sont teintés d’humour noir qu’ils jugent percutants pour certains mais contreproductifs pour d’autres concernant une action contre les violences (« Darmanin dans l’acide » …). Ils décident par solidarité de rester pour surveiller l’arrivée éventuelle de militants d’extrême droite qui pourraient la mettre en danger.

Identifiés avec les caméras de vidéosurveillance par des policiers très rapides cette fois-ci et très motivés par la manifestation en leur faveur, nos grands criminels revenus naïvement sur les lieux le lendemain, sont encerclés par la BAC. Ils sont malmenés et menottés devant les militants d’extrême droite du rassemblement qui ont eu tout le loisir de les repérer … Ils se retrouvent au commissariat avec des policiers qui font tout leur possible pour les dissuader de faire appel à l’avocat que voulait choisir la jeune militante, en leur disant que ça prolongerait la garde-à-vue. Mal leur en a pris d’écouter ce malintentionné conseil, ils ont fait 45 heures…

Visiblement considérés comme de dangereux terroristes, ils ont eu droit à des perquisitions de leur domicile qui n’ont rien apporté n’étant pas des « militants de l’ultragauche » comme les a crétinement qualifiés Valeurs Actuelles. Abasourdis par l’enchaînement disproportionné des événements et sous la menace d’une détention provisoire évoquée par l’avocat commis d’office, ils ont signé des documents où ils reconnaissent des faits (« dégradation de bâtiments publics, outrages ») déconnectés du collage d’autocollants reconnu pendant l’interrogatoire. Les autocollants s’enlevant facilement (ils n’y étaient déjà plus le lendemain), les faits reprochés n’étaient vrais que pour la très jeune militante de 19 ans qui avec une parfaite honnêteté pour ses compagnons de mésaventure, avait reconnu être la seule responsable des tags. Il fallait sans doute pour les policiers, justifier les moyens disproportionnés mis en œuvre et la durée de cette absurde garde-à-vue par un délit suffisamment grave, faute de quoi elle devenait illégale.

Ils ont été condamnés à des amendes, ainsi qu’à 1500 € de réparations civiles et à 90 heures de travaux d’intérêt général et tant pis pour ces 3 semaines perdues pour leurs études.

En tant qu’étudiants, ils ont pu s’instruire sur le traitement des gardés à vue. Ils ont en effet pu constater la différence entre des poseurs d’autocollants demandant la justice pour Hedi et un homme qui a roué de coups son épouse, ce dernier n’étant resté que quelques heures. Ils ont aussi pu constater qu’on n’est nourri qu’à la condition de réclamer avec insistance et de dire merci à des hommes tout puissants qui vous tutoient, vous méprisent, refusent de donner un doliprane à une jeune fille malade du covid. Des hommes déshumanisés, volontairement lents pour venir à contrecœur en aide à l’asthmatique de la cellule voisine en angoissante détresse respiratoire malgré les appels au secours des codétenus.

On est en droit de douter que ces comportements les amènent à aimer la police…

Une police qui semble malheureusement plus préoccupée de défendre ses brebis galeuses que les citoyens.

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