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Billet de blog 5 août 2013

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Vague Bleue Marine contre Arc-en-ciel rosé

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Les mots ci-dessous forment la version complète et non-modifiée d'un article paru dans le journal La Marseillaise, jeudi 1er août.

Au pied du Garlaban, au temps des derniers communistes, il était une fois le Front National, Un parti, connu pour son « emblématique » président d'honneur Jean-Marie Le Pen. Un parti qui revendiquait à sa naissance un système oligarchique, contraire à la démocratie. Un parti descendant des plumes de l'Action Française. Bref, un parti d'extrême droite. On aura beau critiquer les valeurs exprimées par cette entité politique, il n'empêche qu'aujourd'hui, le Front National a su séduire la population. Faute à la crise ? Peut-être. Il n'empêche qu'Aubagne, bastion communiste depuis 1965, n'est pas à l'abri de la vague bleue marine.

C'était le 27 juin 2013. Jean-Marie Le Pen se rendait à Aubagne à l'occasion de l'inauguration du local de la candidate du rassemblement Bleu marine aux élections municipales de 2014, Joëlle Melin. Dès cette annonce, rapidement retirée, sur le web, les réactions fusent. Daniel Fontaine, maire de la commune tente d'interdire la venue du dinosaure nationaliste dans le récent espace des Libertés, où Joëlle Melin avait prévu une réunion, Peine perdue. Un apéro républicain est organisé, où l'on note l'absence du maire* et de la présidente de l'Agglo, Magali Giovannangeli. La réunion de famille du FN se déroule tranquillement de son côté. Maintenant, revenons sur cet événement. Si Le Pen père a fait le déplacement, ce n'est pas pour rien. La candidate au fauteuil de maire d'Aubagne est une proche de l'actuelle présidente du Front National. Et Aubagne est dans la liste des communes que le FN – ou le Rassemblement bleu marine - jubilent à l'idée de gagner, encore plus contre une municipalité de gauche, « Aubagne fait partie, d'après ce que j'ai lu, des 12 villes d'importance, susceptibles de basculer avec le rassemblement Bleu marine » lance Joëlle Melin, « d'ailleurs, il est possible que Marine [Le Pen] vienne soutenir ma campagne ». Pour Sylvia Barthélémy, opposante historique à l'équipe municipale, qui se présentera sous l'étiquette UDI (Union des Démocrates et des Indépendants), cette nouvelle ne lui fait « ni chaud, ni froid » avant d'expliquer « c'est une première il me semble, mais c'est parce que Joëlle Melin n'avait pas les moyens auparavant d'ouvrir une permanence ». Un local situé avenue de Verdun, juste à côté de la petite zone commerciale « Central Parc » qui, comme l'assure la candidate du rassemblement Bleu marine « est là pour être vu. Nous sommes entre Mermoz et Palissy, et n'avons eu aucun problème, rien du tout. Ce sont 90m2 qui serviront à accueillir nos réunions thématiques et de rester sur le terrain ». Pour l'union locale de la Cgt (Confédération générale du Travail), si l'encartée du Front National s'est installée là après des années sans s'afficher [ndlr. Un local FN existait entre 1985 et 1994, vers les Terres rouges, plus rien depuis], c'est bien parce que « [Joëlle Melin] a une audience, elle se sent suffisamment forte pour pouvoir s'afficher ». Un constat que beaucoup partagent, de droite, comme de gauche, mettant en avant le contexte national.

Du national ancré dans le combat local

«Aubagne n'est pas un village gaulois », lance Patrick Arnoux, Premier adjoint à la ville, « bien sûr qu'il est possible [que le rassemblement Bleu marine puisse remporter la mairie]. Il y a déjà eu des exemples à Toulon, Vitrolles, Orange, et c'est la culture qui en a pâtis ». Cynthia Sanchez, la numéro 1 de l'UL Cgt d'Aubagne dénonce « une tendance populiste, comme toujours. Le mal-être est justifié, la colère juste mais elle ne doit pas être mal pointée » préférant la lutte « pour une véritable répartition des richesses ». Le local serait le reflet du national. Jean Tardito, ex-député-maire PCF dénonce dans ce processus la droite radicale, « Estrosi, Copé, c'est exactement le même langage [que le Front National] » sans oublier d’ajouter les effets de la crise. Oui, cette crise qui « touche tellement les individus qu'elles annihilent toutes idées humaines ». Peut-être mais le temps est au rassemblement pour tous les partis qui se préparent à la bataille des municipales. Ainsi, Joëlle Melin se pose en défenseure d'une « majorité silencieuse » aubagnaise, parlant d'aller dans les intérêts des Aubagnais « au-delà des  étiquettes politiques », tant que ces derniers respectent la loi « dans la laïcité ». La candidate revendique un attachement certain à « l'identité aubagnaise ». Kezako ? Un retour à la culture provençale, mais aussi de la distribution personnalisée, et revenir sur plus d'industrie de transformation, « tout à l'échelle humaine et en appeler à la responsabilité de tout le monde ». Idée à quoi Monsieur Arnoux rétorque « qu'en est-il de la culture actuelle ? Dans les villes qui sont tombées entre les mains du FN, ce sont les subventions à la culture qui ont été touchées ». Une mesure qui pourrait être appliquée puisque interrogée sur son programme Joëlle Melin parlait de « réduire les subventions des associations qui ne sont pas sérieuses ». A voir ce qu'elle entend par là, d'autant plus que la dette pèse sur pas mal de concitoyens. Jean Tardito, lui, met l'accent sur le « tout pour le marché » au niveau de la gestion et du service public, le tout conjugué avec une « xénophobie enracinée ». Concernant cette idée de marché, la Cgt rappelle la décision des élus FN au Conseil général qui ont voté contre une motion de soutien à Fralib en janvier 2012. Lutte emblématique de la région, et preuve d'un anti-syndicalisme avéré, déjà mis en avant avec la reprise de la charte de Pétain dans ses programmes ou encore son soutien à « Stop la grève »...

La bataille des idées gâchée par la politique politicienne

«J 'aime l'ordre, le respect, la sécurité mais je ne pointe personne » explique Sylvia Barthélémy, « je ne suis pas contre l'Europe non plus. Mais forcément, il y a des points sur lesquels on se rapproche ». Des propos de plus en plus banalisés. Oui, c'est le cas. Le Rassemblement Bleu Marine  dérange assurément parce qu'il pourrait briser l'ordre établi. Pour beaucoup, « ce n'est pas un parti » mais il est actuellement impossible d'affirmer cela lorsque l'on constate le nombre de voix qu'ils récoltent. N’oublions pas la responsabilité d'un François Mitterrand, le jour où il a instauré la proportionnelle afin de contrer la droite des Chirac et Balladur. Une tactique politicienne ancrée également dans la bataille locale. « Même à deux, Gérard Gazay** [UMP] et Sylvia Barthélémy [UDI] vont perdre encore un peu plus qu'en 2008 », confie Joëlle Melin. « Barthélémy n'avait pas souhaité s'allier avec le FN. Leur défaite est programmée depuis de très nombreuses années. Le vote UDI – UMP est rendu inutile ». Pour contrer la professionnelle de la santé, l'avocate veut faire passer aux gens un message, celui du « vous n'avez pas besoin du FN pour vos revendications ». Elle avoue cependant qu'il « faudrait être fou pour ne pas imaginer qu'il y aurait une triangulaire ! ». Ces joutes avec le Front National, non, le Rassemblement Bleu marine, enfin avant le Front National existent depuis des années sur le territoire. En 1995, deux élus municipaux étaient issus du parti à la flamme tricolore. En 1988, Jean Tardito avait remporté les législatives pour la première contre un candidat Front National.

Si Jean Tardito parle d'une Aubagne qui a toujours été une exception dans bien des domaines, les municipales 2014 risquent clairement d'être un tournant. Tous parlent d'un changement de climat, « plus tendu qu'en 2008 » d'après Sylvia Barthélémy tandis que l'ex député-maire redoute des « droite et extrême-droite qui se montrent plus ». Beaucoup de vieilles familles aubagnaises se souviennent de la première municipalité communiste de 1965, « les communistes historiques ». La zone des Paluds, le cercle de l'Harmonie, l'amorce d'une politique culturelle dans la ville sont les héritages de ces hommes, pour la plupart d'anciens résistants. Il peut être choquant que le Front National remporte un grand nombre de voix à cette élection. Parce que oui le Rassemblement Bleu Marine se dit rassembleur mais que les premiers de ces membres, la grande majorité même (pour ne pas dire plus) sont marqués Front National. Que le contexte national, régional ou local participe à cette évolution peu importe au final. Il est clair que les temps ont changé, que le FN est implanté et c'est sur le terrain politique qu'il doit être contré.

 Roxanne D'ARCO.

*au moment de la rédaction de cette première version de l’article paru dans La Marseillaise jeudi 1er août, Daniel Fontaine n’avait pas encore répondu à nos questions.

**Contacté à plusieurs reprises, M. Gazay n’a pas donné suite à notre demande d’interview. 

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