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Billet de blog 30 juin 2015

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Ornette Coleman : Ses Funérailles à Manhattan

MOTS CLES : ORNETTE COLEMAN

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Le génie d’Ornette était célébré samedi dernier à l’église de Riverside à Manhattan où Denardo Coleman a présidé un office comparable à un laboratoire d'idées. Le corps physique d'Ornette nous a quitté le 11 juin dernier, la cérémonie d'adieu était vivante, abordant la mort et la vie: toutes émotions bien réelles comme le jazz liberé.  La cérémonie a duré plus de trois heures ponctuée de paroles, poèmes et musique, ainsi que la présence de brillantes figures comme Pharoah Sanders, Sonny Rollins, Cecil Taylor, Yoko Ono, Henry Treadgill, Jack DeJonette, Joe Lovano, David Murray, Ravi Coltrane, Geri Allen qui ont témoigné que tout le monde finissait pour être conquis par Ornette.

Au début de la libération du jazz, la naissance du free, la libération de ces frees: l'audace et la ténacité peu communes ont glorifié une culture. Et tout ce monde réuni prouve que l'esprit d'Ornette dans cette musique est et sera toujours vivant car Ornette l'a prouvé en donnant toujours l'impression de poursuivre divers chemins et des chemins divergents. Mais avant tout Ornette était un homme engagé avec la musique, contre l'obscurantisme, contre le racisme, contre ces systèmes politiques qui sont toujours oppressants. La société dans laquelle on vit est gouvernée par des "seigneurs" dont le roi est le fric et ça sera comment ça tant que le capitalisme consumériste nous dirige et en écrivant ceci on ne fait pas la promotion des cocos, ni de marxiste-léniniste où on ne sait quoi. La communauté du free jazz représente l'éloge à la subversion à travers la pureté qui est l'art, la croisade contre les idées reçues et contre tous les conservatismes qui classifient, qu'ils soient musicaux ou non.

Et dans cette église où ses gladiateurs du free lui ont rendu hommage à Ornette en jouant ses pièces phares, il a eu des dialogues fait de lamentations et de répétitions qui unissent les fidèles à cette musique. Ravi Coltrane improvise avec son soprano accompagné de Geri Allen.
Miles, Ornette, Cecil representent la libération des voies, du son et de structures dans le jazz, a l'époque de  cette révolte une société refusait (et continue à réfuser)  l'Egalite raciale. Cecil  était là avec sa musique véhémente, sa poésie presque incompréhensible pour beaucoup. Son hommage était teint d'une grande mélancolie. Empreint de sa légendaire élégance il a lu un de ses poèmes avec des paroles remplis de profondeur, comme celles de Delacroix ou Spinoza avec une vitalité qu’il a toujours imposé à tel point qu'on a du mal à croire qu'il a 86 ans. Cecil lit et récolte des émotions, larmes, blessures, expressionisme.  Après il s'assoit au piano,  range ses partitions lisibles seulement pour lui esquisseant petit à petit les élément de la musique classique qu’il a apprise dès l’âge de 6 ans puis il avance comme à son habitude en remettant en cause les conventions établies traduisant la farouche volonté de jouer une musique free, polyphonique reposant sur le concept de liberté à la fois musicale et culturelle, ce qui ne l'empêche pas de déverser les notes de blues et même son gospel. De ces guerriers libérateurs, Cecil est encore en vie animé par l'idée de toujours élargir et enrichir en free la seule forme d'art musicale sublime d'un pays au realisme demesuré. L'oeuvre audacieuse et réfléchie de Cecil et de ses copains libérateurs symbolise la perpétuelle évolution du jazz.

Pharoah Sanders a aussi élevé avec son ténor  une protestation contre l'incompréhension dont cette musique et certains êtres humains sont victimes. DeJohnette et Savion Gloder ont aussi fait partie de la réflexion véhémente. Glover s'est lance dans des tap dancing ajoutant ainsi d'autres facettes à celles du blues de la cérémonie. Joe Lovano et David Murray ont mené le lead d'un magnifique quintet pour entonner "Lonely Woman", une pièce qui s'inscrit dans les grandes ouvres de ce grand compositeur qu'a été Ornette. Yoko  a côtoyé Ornette presque un demi-siècle: quelle chance a eu cette femme que de connaitre la pop anglaise, de porter l'héritage de l'icone John Lennon et  d'avoir collaboré avec l'icone Ornette.

Felipe Luciano et le grand Steve Dalachinsky étaient aussi là; Dalachinsky n'est pas inconnu même pour les Français, ses poèmes ont toujours imprégnés toutes les textures du jazz allant du gospel en passant par le bop, le cool et le hard bop. Dans son poème hommage Dalachinsky ne se contente pas d'accompagner Ornette dans ces titres, mais prend la forme de conversation avec le libérateur,  preuve que ce poète représente la rage de vivre et de résister. Sa femme Yuko Otomo écrivaine à dimensions rythmiques, modernes et humaines était aussi présente à l'hommage.

Le service s'est achevé avec la performance de  Prime Time band, le groupe electric fondé par Ornette en 1977. Et c'est indémodable puisqu'Ornette a toujours puisé dans toutes les sources, imbibés de vies et de sons ouvrant la porte et les germes de la musique d'avenir. Ornette restera toujours dans nos mémoires, influençant tous les genres d'art,  le jazz moderne,  le free jazz. Dans tous ces opus il restera cet esprit de rébellion naturelle, un avant-gardisme avec des témoignages discographiques pour la postérité. Le temperament doux d'Ornette était adulé par tous les publiques, ses inflexions tendres reflèteront à jamais l'authenticité de cette caractere qui a parcouru le jazz et l'a libéré dans sa plus grande dimension esthétique, humaine et sentimentale.

En voyant les images et en écoutant la musique on ne peut que remarquer l'extraordinaire vitalité de cette musique free libérée,  ancrée dans le passé mais grande ouverte sur l'avenir.

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