IMPACT est un travail d'enquête documentaire sur l'impact de violences policières sur les corps et les vies. Ce sont 10 récits de reconstruction, de combat des corps et des esprits pour réapprendre, parfois se retrouver, souvent se réécrire. Ce sont aussi des histoires de déni, d’invisibilisation et d’inlassables combats judiciaires.
Série composée de photographies, de textes et de témoignages sonores. Ce portraits en est un extrait, d'autres histoires sont à découvrir :
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15 Octobre 2019 - Entre 7 000 et 10 000 pompiers sont venus à Paris de toute la France, à l'appel de leurs syndicats.
Ils sont mobilisés dans différentes actions depuis le mois de mars et en grève depuis le début de l'été. Ils revendiquent une meilleur considération notamment par une revalorisation de leur prime de feu et des recrutements pour faire face à la recrudescence des missions qui leur sont confiées, sans cesse étendues.
Le cortège défile entre République et Nation avec sifflets, sirènes et fumigènes dans une ambiance bon enfant. Jean, sapeur pompier professionnel au SDIS de Dijon, amer et éprouvé de voir ce métier qu'il aime tant changer ainsi depuis des années, participe avec ses collègues à la marche. En tenue et casqué comme la plupart des manifestants. La symbolique est forte.
Alors que la manifestation se termine, Jean souhaite rejoindre son bus accompagné de ses collègues du SDIS 21, pour rentrer à Dijon. La Place de la Nation est alors quadrillée de gendarmes mobiles et de CRS bouclant les sorties, empêchant le départ des pompiers.
Bien qu’il n’y ait plus d’issue, une pluie de gaz lacrymogènes est envoyée sur la place. Jean est au milieu de cette place, il attend patiemment, immobile. Il lève la tête en voyant un projectile arriver au-dessus de lui. A peine le temps de distinguer ce qu’il pense aujourd’hui être une GLI F4, qu’elle explose. Un fragment de cette grenade vient briser un morceau de sa visière et percuter son œil droit. Il perd la vue.
Après 32 ans dans ce métier où l’on ne peut être diminué physiquement, il ne pourra plus exercer en intervention sur le terrain, cette passion qui l’animait depuis le début de sa carrière.
Un communiqué de presse est publié après la manifestation par le ministère de l'intérieur dont les pompiers professionnels dépendent comme les policiers : « Des incidents isolés, contenus grâce à l’intervention des forces de l’ordre, ont fait trois blessés parmi les policiers et ont donné lieu à six interpellations. » Il n'est nul part fait mention de la blessure irréversible de Jean.

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Son casque dont la visière a été brisée par la violence de l'impact, a été réquisitionné pour l’enquête en février 2020 suite à son dépôt de plainte. Jean l'a récupéré à la fin de l’enquête préliminaire de l'IGGN (Inspection générale de la gendarmerie nationale), sept mois plus tard, en septembre 2020.
En avril 2021, un et demi après l'impact, il a écrit au Procureur de la République pour demander des informations quant aux suites données à sa plainte. A ce jour, trois ans plus tard, il n'a toujours pas eu de nouvelles.