L’irrésistible ascension du très jeune sénateur américain est certes admirable dans un pays où il y a encore près de 40 ans on exerçait la ségrégation sociale. Mais le fond de la candidature Obama est ce qu’il pense, dit et propose.
Et la cela se corse. L’Amérique est elle prête à voter pour un homme qui a une image très à gauche quand on lit ses différentes déclarations et lorsque l’on consulte son site internet, ou que l’on constate son attitude. L’Amérique n’a jamais voté à gauche, au sens où nous français nous l’entendons. En regardant les deux dernières élections présidentielles, la balance a penché à droite. On peut faire comme en France en 2007 et de penser que c’est au tour des démocrates puisqu’ils ont perdu les deux dernières batailles. En 1972, un candidat de gauche a été désigné par les démocrates, le sénateur du Dakota Georges McGovern. La situation politique est assez semblable à la notre aujourd’hui.
Richard Nixon est candidat à sa réélection sur fond de guerre au Vietnam, de la crise des soldats en otage, d’une grave crise monétaire et de mouvements sociaux.
La question de la guerre
Le sénateur McGovern s’est fait désigné sur le thème de la fin de la guerre au Vietnam maintenant, dans une plaquette électorale, il explique qu’ « il est opposé à la guerre depuis 1963 » (Faut-il rappeler que c’est le président Kennedy qui a commencé cette guerre). Il déclare qu’il ferait rentrer les troupes dans « les premier 90 jours de sa présidence ». Que dit Obama ? Sur son site web, il nous dit que les Etats-Unis n’ont pas vocation à rester sur le sol irakien, Hilary Clinton dit la même chose. Mais plus loin il précise qu’il a toujours opposé à la guerre depuis 2002 pour les causes suivantes « occupation à durée indéterminée, avec un coût sous estimé et des conséquences indéterminées ». Il rappelle enfin qu’il entendait « commencer à bouger ses troupes immédiatement », qu’il allait « faire rentrer 2 régiments par mois ». Selon les calculs d’Obama, en 16 mois, il ne resterait plus de troupe de combat sur place. Sur ce point de la guerre en Irak, Hillary Clinton a les mêmes positions, Barrack Obama a le mérite d’être plus clair.
Mais la guerre en Irak n’est plus un point clivant au Etats-Unis, sauf peut être dans une couche bien précise de la population américaine qui ne vote jamais pour un démocrate. La question sociale est centrale
La question sociale
McGovern s’est profondément investi de la question avec des solutions économiques très éloignées de celle de Galbraith, conseiller économique de Kennedy. Ces solutions étaient keynésiennes. Le sénateur propose de couper le budget militaire de 30% pour retrouver l’équilibre, de créer un impôt fédéral pour les ménages qui ont des revenus supérieurs à 200 000$, renforcement du rôle des syndicats, création d’emplois publics. Que propose Obama ? Il propose de baisser les impôts pour les classes moyennes, augmenter les investissements dans les « green tech », le droit à se syndiquer, augmentation des bas (indexation sur l‘inflation). Il propose aussi une réforme du surendettement (bankruptcy) et une aide aux victimes des subprimes. Son probable opposant, John McCain utilise les vieilles ficelles républicaines, celle des baisses d’impôt sur tout et n’importe quoi (les nouvelles taxes sur les téléphones mobiles, l’essence, l’impôt fédéral). Enfin Obama et McCain sont quasi égalité sur la question des assurances santés (en gros il s'agit de généraliser la gratuité pour les enfants les plus modestes). La gauchiste sur cette question était Hillary Clinton.
C’est sur un autre terrain que le probable candidat démocrate va devoir travailler pour gagner des points, son personnage.
La bataille de l'image
John McCain est un vétéran du Vietnam, il a une ravissante épouse qui ressemble à la parfaite Desperate Housewive Bree Van de Kamp (tailleur chic, chignon strict, sourire figé), deux ravissantes filles dont l’une va se marier. Barrack Obama a aussi une ravissante famillequi paraît tout droit sorti d’une sérié télévisée. Mme Obama est certes une bonne épouse mais on lui a pour le moment demandé de gentiment la fermer car elle est une gaffeuse. La bataille des épouses va être passionnante. Obama a aussi un problème avec lui même. Il attire les foules comme personne, mais on est plus dans la figure du rock star inaccessible que du politicien qui embrasse les bébés et qui va taper la discute avec les prolos. Il faut avouer qu’Hilary Clinton a réussi à faire croire à l’Amérique toute entière qu’il détestait les pauvres. Hillary Clinton n'a pas hésité à boire un bourbon cul sec dans un bar de routier, faire des meetings sur l’arrière d’un pick-up, elle mange dans des restoroutes des hamburgers. Quand Obama joue au prolo ça ne marche pas ! Quand il joue au bowling, il est la risée de l’Amérique au vu son score ridicule, il avait aussi gardé son costume cravate. Barrack Obama ne va pas dans les bars, ne mange pas de hamburger (il a un régime diététique), a du mal à desserrer sa cravate. Barrack Obama a pour sa défense déclarer qu’il avait rien contre une bonne bière à l’occasion, « qu’il faisait son essence tout seul » et « qu’il avait des origines modeste ».Son futur adversaire n’a pas se problème, on l’a déjà vu préparer des hamburgers dans le ranch qu’il possède dans l’Arizona, il va dans les usines avec les ouvriers, McCain est un routier de la politique.
Barrack Obama, un homme post-moderne?
La vraie question est comment Barrack Obama va supporter les pressions d’une campagne électorale qui est l’une des plus dure au monde avec des officines de désinformation très puissantes. En 2004, le parti républicain a réussi à faire gober aux américains que John Kerry n’était pas un héros de guerre. La campagne clintonienne qu’il a subit n’était qu’une promenade de santé comparée à ce qu’il va vivre. Son deuxième prénom Oussein va être exploité (selon le Wall Journal 18% des américain pense qu’il est musulman). Enfin la post modernité d’Obama peut lui jouer des tours. Obama est un homme « de la fin de l’Histoire » (au sens de Fukuyama version 1991), il n’est pas un héros de guerre, il n’a pas fait la guerre (on ne sait même pas s’il a été dans l’armée pour le moment), on ne lui connaît pas une passion particulière pour les armes, il se présente comme un homme de paix appliquant une hyper realpolitik façon Jimmy Carter, il mange diététique, il n’est pas un dragueur invétéré, on ne lui connaît pas d’activité crapuleuse si ce n’est une amitié douteuse avec un marchant de sommeil de Chicago (démenti par la suite, donc rien de bien méchant). M. Obama est un homme parfait, un gentil boyscout ! Dans une nation où la guerre a encore sa place dans sa société, où les armes sont un droit constitutionnel, on se demande comment il va pouvoir tenir face à un héros du Vietnam qui tient un ranch. Il ne fait aucun doute que le parti républicain ne lui fera pas de cadeau sur ces faits. Pour les américains le président c’est avant tout le «commander in chief », le guerrier.
Il ne faut pas oublier qu’obama est un bleu en politique son premier mandat date de 2004. Ces adversaires ne vont pas s’arrêter de le lui répéter. En France, on ose le comparé à Kennedy, or Kennedy a été pendant près de 10 ans sénateurs acharnés avant d’accéder à la présidence, il a été un héros de la seconde guerre mondiale et il était catholique (le premier président des États-Unis catholique).
Enfin la on va rejoindre notre question de départ, celui du sénateur du Dakota qui a perdu lourdement en 1972. Le sénateur avait les mêmes soutiens qu’a Obama aujourd’hui, les urbains de la classe moyenne supérieure (on dit aujourd’hui BOBO), les minorités ethniques et sociales, les jeunes qui vont à l’université (53% de la population américaine vont à l’université). Obama s’est mis à dos la classe ouvrière blanche (les cols bleus qu’il a bien du mal à convaincre) suite à ses propos dans la campagne en Pennsylvanie, et les juifs. Les grandes villesdu Nord-Est et Nord-Ouest lui sont dévouées, celle du Sud vont être plus dure. Enfin on parle souvent de la jeunesse qui va voter massivement pour lui. Cette jeunesse là ne vote pas. En 2004, on avait dit aussi que cela devait être la jeunesse qui allait aider John Kerry. Le monde du spectacle avait joué gros, par exemple Puff Daddy avait dépensé une fortuneavec des affichages géants à Time Square. Des mouvements de porte à porte avaient massivement poussé les jeunes à s’inscrire sur les registres électoraux. Mais le jour J, la jeunesse n’est pas venue comme une grande partie des américains. Obama saura-t-il inverser ce fait sociologique inhérent à toutes les démocraties occidentales ? Réussira-t-il a délisser son image et apparaître comme un américain moyen et n’ont pas un prof de fac ? Ces questions sont essentielles s’il souhaite devenir le prochain président des Etats-Unis. La bataille va être dur car McCain n’est pas Nixon.