Si l’agression de l'Ukraine par la Russie a un impact terrible d’abord et avant tout sur l’Ukraine, celle-ci a bougé bien des lignes pour toute la région de l’Europe, libérant un déchainement d’arbitraire et de violence, mais aussi une résistance sans précédent, polarisant les positions et les opinions, modifiant les alliances géopolitiques établies…
Elle a aussi provoqué l'exode le plus important jamais connu dans les deux pays : celui de ceux et celles forcé·es de quitter l'Ukraine par l'agression violente et la guerre qui frappent leurs foyers et leur pays ; et de celles et ceux qui, en Russie, sont poussé·es par la honte, le désaccord, l'opposition à un régime que certain·es ont combattu depuis très longtemps, qui a dépassé, pour d’autres, le seuil de l’acceptable. Ceux, encore, qui fuient la mobilisation forcée à cette guerre qu’ils ne considèrent pas comme la leur.
D'autres restent en Russie et continuent à s'opposer, se font arrêter, agresser physiquement, priver de leur maison, licencier, diffamer... Loin des regards et au milieu d’un déluge de désinformation et du silence d'une grande partie de population russe, endoctrinée, passive ou désavouée, deux Russies dissidentes s'installent, qui rappellent la période ayant suivi 1917 : une dissidence désespérée mais résistante et déterminée à l'intérieur, une autre, beaucoup plus libre de parler et d’agir, mais déracinée et culpabilisée, à l'extérieur.
Mediapart, en partenariat avec une constellation de ces dissident·es, lance un blog pour faire entendre et croiser leur voix, en publiant leurs monologues, et mieux comprendre la crise profonde que traverse la société civile russe traquée et dispersée, leurs luttes, leur désespoirs mais aussi leurs espoirs.
Le premier billet de cette série est celui d'Oleg Orlov, co-président du Centre de défense des droits humains Memorial, Prix Nobel de la Paix 2022. L'article ne reflète que la position de l'auteur. Un mois avant la remise de son prix Nobel de la Paix, depuis Moscou, il dresse le portrait d'une Russie zombifiée où, dans le déni de l'existence même du peuple et de la culture ukrainien·nes, dans la propagande d'État, se lisent les signes du fascisme.