NOUVEAU LIVRE SUR « MASISI ET SA POPULATION » DANS LE NORD-KIVU, RDC.

A Montréal, vient de sortir un nouveau livre, intitulé « Masisi et les Banyarwanda, Histoire, Stigmate et Espérance ». C’est une œuvre posthume du feu Docteur Gaston Nganguzi Rwasamanzi, qui nous arrive à temps pour contraindre les divers mensonges sur le Masisi et ses habitants, et surtout il va contribuer à corriger l’histoire de la RDC, qui est souvent racontée par ceux qui l’ignorent et surtout par ceux qui la falsifient avec l’intention d’en tirer des avantages politiques ou économiques.
Feu Rwasamanzi est un enfant du sérail, un « expert du dedans », ses écrits sont un témoignage de la réalité de la région, car ils sont basés sur ses connaissances du milieu dans lequel il a grandi dans ses campagnes et ses villes.
Dr Rwasamanzi est né dans la chefferie de Gishari dans le Masisi, au sein d’une famille qui a dirigé la chefferie pendant plusieurs dizaines d’années, une famille qui a surtout, contribué au développement socio-économique non seulement de Masisi, mais aussi qui a eu un impact dans la province du Nord-Kivu, voire de Bukavu, et du Rwanda ainsi que du Burundi.
En effet, le développement économique de la cheftuferie de Gishari, par sa production agricole et le développement de son élevage, a permis d’approvisionner en produits alimentaires la ville de Goma, et à elle a contribué à l’élimination des famines répétitives qui frappaient le Rwanda et le Burundi. Plus tard, c’est Kinshasa qui a bénéficié de ses produits agricoles tels que la pomme de terre, puis de ses haricots, surnommés « madeso », dans le langage de kinois, que ces derniers ont appris à consommer et à apprécier. Kinshasa aussi, a bénéficié des produits de l'élevage, notamment la viande et les produits laitiers, tels que les fromages, qui étaient incomparables en qualité, car ils étaient bio et au meileur prix par rapport aux produits importés.
Rwasamanzi, maîtrisait bien la connaissance de la chefferie, grâce à la place qu’occupait son père qui dirigeait de main de maître, ce riche territoire. Il était aussi guidé par la longue histoire de sa large famille, notamment son grand-père Ntizimira, et d’autres parents, depuis le XVIIIème siècle, ont bien sillonné le Nord-Kivu, le Sud-Kivu et le Sud et l’ Ouest de l’Uganda, pas comme des simples touristes, mais comme des responsables politiques et militaires.
Il faut noter aussi que la population rwandophone de la chefferie de Masisi a contribué à la lutte pour l’indépendance de la RDC. Très peu savent qu’un ressortissant de Masisi, a été parmi les membres de la délégation congolaise, dirigée par Patrice Lumumba, à la fameuse Table Ronde de Bruxelles, qui a négocié l’indépendance du Congo. La Chefferie de Gishari, a donné plusieurs ministres, plusieurs membres du Parlement et des hauts fonctionnaires de l’Etat, au niveau de la province du Kivu, et au niveau national à Kinshasa. Et sans exception, les ressortissants de Masisi, ont accompli sans reproche, leurs responsabilités politiques et économiques avant et après l’indépendance de la RDC.
La chefferie de Gishari dans le Masisi malgré ses succès dans son organisation sociale, son engagement politique et son développement économique, Gishari est tombée en décadence pour quatre malheureuses raisons principales.
La première raison est la destruction de la chefferie par l’administration coloniale avant l’accession à l’indépendance du Congo. La motivation de l’administration coloniale était double. D’une part, les parents de Dr Rwasamanzi ne s’étaient jamais montrés soumis ni dociles à la colonisation belge. En effet, selon les notes d'appréciation de l’administration coloniale, le vieux Rwasamanzi, était considéré comme un de meilleurs grands chefs traditionnels, en termes de bonne gouvernance. Mais, dans cette note d’appréciation, l’autorité belge a tenu à souligner que ce très bon chef, n‘attend qu’impatiemment une chose, le départ définitif des colons belges.
Tandis que Wilfred Bucyanayandi, le dernier grand chef de Gishari, avait un mépris total de certains administrateurs belges incompétents, dont il n'appréciait pas les ordres. Et il ne
s’en cachait pas. Ce comportement lui a valu la prison et la perte de la chefferie de Gishari, qui a été fusionnée avec une autre chefferie moins avancée dans tous les domaines. Ainsi la chefferie de Gishari en a subi un coup dur, en droits humains, en rançonnage de la population, et en ségrégation politique, et aux massacres de la population. La chefferie a connu des massacres, d’exil de ses leaders et des pillages par les nouveaux responsables.
A cause de cette situation, il y a plusieurs centaines des milliers de la population qui sont devenues des déplacés interieurs, ou des réfugiés dans les pays limitrophes des provinces du Kivu.
D’autre part, la Belgique craignait que le territoire de Masisi serve comme base arrière, qui servirait de repli et de résistance pour les changements qu’ils voulaient provoquer au Rwanda. Ainsi l’administration de la chefferie a été complètement détruite avant l’indépendance du Congo. Plus tard, pendant plusieurs années, l’influence négative de la politique belge, a continué à s’exercer non seulement à Masisi, mais aussi dans le Nord Kivu, à travers le néocolonialisme qui tenait de mains de fer les régimes de Kayibanda et de Habyarimana. Feu Colonel Kanyarengwe, en savait quelque chose !

La deuxième raison de la chute de la chefferie de Gishari, est que le chef Bahunde, qui désormais avait pris la direction de la chefferie de Gishari, en la fusionnant avec la chefferie de Bashari, qui était de loin sous-développée sur le plan économique, et sous-peuplée par rapport à la chefferie des rwandophones. Ainsi pendant les élections, ses candidats politiques ne faisaient pas le poids pour battre les rwandophones. D’où le déclenchement des massacres avant chaque élection, dans lesquels les leaders rwandophones étaient les principales victimes, ainsi que la persécution des intellectuels, et le nettoyage ethnique répétitif, qui a poussé la population à l’exil hors de la chefferie.
En ce qui concerne l’économie de la chefferie, les nouveaux responsables n’ont pas encouragé la poursuite du développement économique de la chefferie ; au contraire, les menaces permanentes citées en haut et les pilages des biens de la population, ont été un vrai handicap du développement de la chefferie et de la région toute entière.
La troisième raison de la destruction de la chefferie, est le manque de leadership pour la lutte pour les intérêts de la chefferie. Cette absence est due aux éliminations systématiques de toute personne soupçonnée d’avoir la capacité de mener la population à la révolte. Cela a obligé certains leaders potentiels à faire profil bas, ou à s’exiler.
Le mouvement Kanyarwanda qui avait démarré sur le bon pied en 1964, n’a été que de courte durée, car bien que Populaire, spontané et embrassant toute la population rwandophone, n’a qu’une durée éphémère, car il manquait un solide leadership et il a été sévèrement maté, compte tenu de la menace qui pesait sur les autorités locales et l’effet de boule neige qu’il allait provoquer dans la région.
La quatrième raison de la destruction de la prospérité de Masisi et d’autres territoires congolais dans le Kivu, c’est la présence des génocidaires rwandais, qui après leur crime de crimes au Rwanda, et après leur défaite militaire, ils se sont repliés en RDC, où ils ont été accueillis armes et bagages et où ils étaient utilisés par l’Etat congolais comme des mercenaires, et comme hommes de main de tous les coups. Cet ainsi que ces criminels ont profité de ces privilèges et de leur force militaire pour terroriser les communautés locales et surtout celles de Tutsi. Ils ont quadrille’ les provinces du Nord-Kivu et du Sud-Kivu par une administration parallèle qui a assure’ un fort contrôle de la population, prélavant des taxes, pilant des mines et des parcs nationaux, etc.
Lorsque Rwasamanzi a réussi à se dégager de ses hautes fonctions à Kinshasa, il a commencé à militer contre les injustices que subissaient et que subissent toujours les Rwandophones en RDC. Il a organisé des rencontres, il a tenu des conférences, il a répondu aux interviews et il a publié des articles, pour expliquer la situation des rwandophones en RDC, et pour démentir et dénoncer toutes les fausses analyses qui visaient à justifier l’injustifiable.
Dans sa lutte, Rwasamanzi ne voyait pas que les Rwandaphones seulement, sa lutte concernait aussi à défendre toute société congolaise victime de l'injustice sociale, politique ou économique. Il parlait pour tout le monde, victime de la mauvaise gouvernance, de la gabegie et des injustices de toutes sortes sans oublier les victimes de l’absence de l’Etat à
l’intérieur du territoire national, qui est la cause de l’émergence et le foisonnement de plusieurs centaines de groupes armés.
Dans ses interventions écrites ou dans ses discours, Rwasamanzi en profitait aussi pour faire des propositions concrètes, et des suggestions constructives basées sur son expérience politique et sur l’expertise d’un éminent économiste.
Le livre posthume de Gaston Rwasamanzi, permet de lever la voile sur le passé de Masisi et de sa population. Comme son épouse, Loshi Ngalu Rwasamanzi, le dit si bien, « ce livre s’inscrit dans la volonté d’éliminer l’ignorance — qu’elle soit volontaire ou imposée — qui enferme encore trop de nos concitoyens dans le rejet d’une partie de l’histoire de ce grand pays ..
« Il répond à l’appel que j’ai formulé : Commençons par éliminer l’ignorance et examinons notre histoire commune…
« C’est un pas de plus vers cette vérité qui libère, vers une paix fondée sur la connaissance, la reconnaissance et la mémoire partagée”, disait Madame Rwasamanzi à propos de ce livre de son cher feu époux.
On ne peut que remercier Madame Rwasamanzi et ses enfants, qui ont tenu à publier ce livre, fort attendu par la population de Nord-Kivu pour ne pas dire la population congolaise, sans oublier toute personnes qui, depuis plusieurs années, a subi les informations de toute sorte sur le Masisi, dans lesquelles on ne parle que des minerais de sang, l’Occident et la Chine étant les grands bénéficiaires, alors que la pauvre population, en pleine catastrophe humanitaire, ne sait rien de quoi l’on parle .
Ce livre sera lancé à Montréal le 6 juillet, à Bruxelles, le 24 juillet et le lancement au Rwanda est prévu vers la fin de l’année.