C’est un « détail » curieusement absent du communiqué de presse de Matignon du 9 juillet. Si l’on comprend bien que les bailleurs seront toujours moins contraints de financer des travaux de rénovation énergétique, il n’est aucunement fait mention de qui va payer, en attentant, la gabegie énergétique des passoires thermiques : les locataires eux-mêmes.
Jusqu’ici, les locataires des logements les moins bien isolés (ceux notés F ou G au DPE) bénéficiaient en effet du gel des loyers depuis août 2022, en vertu de la loi climat et résilience du 22 août 2021 – votée par la majorité d’alors du gouvernement de Jean Castex.
En faisant « sortir du statut de passoire énergétique 850 000 logements » jusqu’ici notés F ou G, le gouvernement ouvre donc de façon assumée la voie à de nouvelles augmentations de loyers. Un cadeau particulièrement injustifié fait aux bailleurs les moins exemplaires.
Jusqu’à 2400€ annuels de frais de chauffage pour un petit studio
Les locataires concernés, qui faisaient déjà face aux hausses ininterrompues de leurs factures d’énergie, aux hausses des charges récupérables dans un contexte inflationniste, vont ainsi se voir encore sanctionnés pour des choix peu vertueux de rénovation qui ne sont pourtant pas les leurs, et dont ils sont de fait les premières victimes !
L’évolution de ce mode de calcul était d’autant moins nécessaire qu’à côté de l’indice de consommation du logement présenté par les DPE, existe aussi un indice d’émissions qui, d’ores et déjà, faisaient apparaître comme plus vertueux les logements chauffés au chauffage électrique.
Casser maintenant ce « thermomètre » n’a rien de juste, pas même sur le marché de la transaction où les passoires thermiques sont sources d’opportunités d’investissement.
Et ce, seulement 4 ans après sa mise en place pourtant voulue par la même majorité présidentielle – curieusement, peu de ministres du gouvernement Castex qui ont porté la réforme sont présents aujourd’hui pour assurer son après-vente.
Derrière une ode à l’électricité décarbonée, dont on oublie de préciser qu’elle est désormais l’une des plus chères au monde – sans même parler de ses déchets –, l’objectif de ce texte apparaît assez clairement.
Une gabegie au profit de quelques-uns
D’abord, faire un cadeau indécent aux bailleurs sans aucune contrepartie, alors que ces derniers bénéficiaient de dispositifs pour les aider à rénover leur logement : MaPrimeRénov, défiscalisation des travaux en déficit foncier (dont un récent rapport parlementaire propose d’augmenter le plafond !), exonération de taxe foncière dans de nombreuses communes, …
Ensuite, marquer un recul sans précédent ces dernières années dans la lutte pour l’efficacité énergétique, qui se satisfait donc de logements bien trop consommateurs… qui font bien les affaires de ceux qui vendent l’électricité.
De quoi rappeler l’épisode antérieur des décrets prévoyant l’obligation de conduits dans les maisons, dont les lobbyistes d’EDF ont retardé avec succès la parution pendant dix ans pour favoriser toujours plus l’installation de chauffages électriques.
Pour garantir comme il le prétend des « logements plus accessibles et durables pour tous », le gouvernement serait, à l’inverse, bien inspiré de ne pas sabrer dans les budgets de MaPrimeRénov… et de pérenniser le dispositif législatif d’encadrement des loyers qui arrive à échéance en novembre 2026, pour empêcher une explosion inévitable des prix sur le marché de la location en zones tendues.