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Billet de blog 9 septembre 2015

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Immigration : retroussons nos manches, retrouvons nos valeurs

Difficile d’écrire un texte politique quand l’émotion est devenue, à juste titre, le facteur déclenchant d’une prise de conscience globale du sort terrible des réfugiés de guerre. Emotion d’autant plus forte que l’indifférence voire le cynisme ont précédé le choc des images du corps sans vie du petit garçon. Par Stéphane Gatignon, maire de Sevran, conseiller régional de Seine-Saint-Denis, membre du conseil fédéral d’EELV.

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Difficile d’écrire un texte politique quand l’émotion est devenue, à juste titre, le facteur déclenchant d’une prise de conscience globale du sort terrible des réfugiés de guerre. Emotion d’autant plus forte que l’indifférence voire le cynisme ont précédé le choc des images du corps sans vie du petit garçon. 

Par Stéphane Gatignon, maire de Sevran, conseiller régional de Seine-Saint-Denis, membre du conseil fédéral d’EELV.

L’obsession française de l’immigration et son corollaire bien-pensant qui veut que, quelle que soit notre génération, nous soyons tous des enfants d’immigrés, rendent le débat plus que contre-productif : dangereux. Impossible de discriminer entre réfugiés politiques, réfugiés de guerre, réfugiés climatiques, etc., et immigration économique, immigration volontaire, parcours de formation. Toutes les migrations sont fusionnées en un paquet indistinct. Prime la peur, le rejet et l’ethnicisme qui engendrent le communautarisme et la montée aux extrêmes de la société française principalement à travers le Front national.

Comme Mme Merkel en Allemagne, malgré sa critique de la multiculturalité, notre intérêt est de faire notre devoir d’universalisme.

Le nouvel universalisme est forcément cosmopolite. Il se nourrit de la conviction retrouvée qu’il faut sauver et aider les réfugiés de guerre, les réfugiés politiques et climatiques au nom des valeurs humanistes européennes. Et il faut aussi comprendre que les immigrations « ordinaires » sont une chance si elles sont assumées et organisées. La société française est restée bloquée sur la formule de Michel Rocard dont on ne retient malencontreusement que la partie négative décrivant une France qui ne pourrait accueillir toute la misère du monde ! Qui nous demande cela ? Personne. Il faut réguler, organiser. La fermeture des frontières est une illusion mortifère qui nourrit la clandestinité et les trafics de femmes, d’homme et d’enfants. Croit-on que nous puissions nous couper du monde et de ses transhumances ? Notre malheur dans cette mondialisation est que notre territoire national est de moins en moins attractif. Notre pays en Europe est devenu un passage, une zone de rétention pour des migrants attirés par des Etats plus ouverts et plus dynamiques.

A force de refuser la mise en œuvre de politiques migratoires positives – les quotas entre autres – nous avons laissé se développer un sentiment d’état de fait contre l’état de droit. Trop longtemps, nous avons opposé solidarité, droits de l’homme et compétitivité, profitabilité et travail. Notre modèle essentiellement fondé sur la protection a oublié que le commerce, la petite et moyenne entreprise ainsi que le travail salarié ou indépendant sont aussi des outils essentiels à la construction du vivre-ensemble.

Depuis nos territoires de banlieue, les entrepreneurs white, black, beur partent pour les Etats-Unis, la Grande-Bretagne, le Qatar, l’Inde, l’Allemagne… Les cerveaux des quartiers difficiles fuient la France comme les grandes fortunes, les gros et les moins gros QI de centre-ville. La France souffre sans le savoir peut-être ou pire en s’en félicitant de cette émigration, véritable perte de substance.

Nous pouvons nous reformer. Il n’y a pas de fatalité. Sevran est un territoire sur lequel se sont établies des populations issues de 100 pays différents qui représentent plus de soixante-dix nationalités. Depuis quatre ans et grâce à un travail acharné avec nos partenaires, l’insécurité recule. Le trafic de drogue a baissé. Le nombre d’entreprises a augmenté et cela ne fait que commencer.

Sevran est un laboratoire du cosmopolitisme. Le monde entier s’y donne rendez-vous. Des territoires comme la ville dont je suis maire sont légion. Ouvrons les yeux. Marchons vers notre destin. Retroussons nos manches. Retrouvons nos valeurs. Il n’y a pas de fatalité à l’indifférence, au misérabilisme, à l’esprit victimaire que des esprits tiers-mondistes et tiers-mondains ont promu dans les salons feutrés de la fin du siècle dernier.

Mais contre cet optimisme, cette foi en l’avenir de notre pays, se dressent les marchands de malheur, ceux qui se repaissent des problèmes sans l’ombre d’une trace de solution. Marine Le Pen, Jean-Luc Mélenchon, et autres Nicolas Dupont-Aignan, près de quarante pour cent des électeurs qui votent se précipitent dans les illusions néo-totalitaires tellement ils ont mal à la France et à ce qu’ils croient être son passé. Notre problème est là aussi. Ce n’est pas parce que d’autres pays d’Europe ont les mêmes difficultés démocratiques qu’il faut renoncer à combattre cette tendance au totalitarisme abâtardi que nos institutions républicaines exacerbent et que les populistes de droite comme de gauche exploitent à leur profit.

L’émotion suscitée par la mort de cet enfant sur une plage de Turquie s’adresse aussi aux politiques. Nous avons un devoir de vérité et un devoir de solutions. Nous avons à travailler nos valeurs, nos références pour proposer et promouvoir un cadre démocratique et écologique qui arrache notre nation aux démons du passé. La radicalité contre révolutionnaire ou néo-stalinienne doit être combattue. Les ruptures et les recompositions en cours à droite comme à gauche sont inquiétantes. Je le dis également pour ma formation politique EELV, les rapprochements avec le Parti de Gauche augurent mal de notre avenir et de notre sens des responsabilités. L’alliance avec un parti néo-stalinien comme le PG est contre nature et oblige aux sacrifices de la démocratie ainsi que de l’universalisme cosmopolite qui dénatureraient l’écologie politique.

Ecologistes, démocrates, n’injurions pas l’avenir. Pour une politique de migration réussie, retroussons nos manches, retrouvons nos valeurs.

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.