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Billet de blog 5 août 2019

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La taxe GAFA ou les limites de l’impôt sur les sociétés à l’ère du numérique

Ces derniers jours, la taxe GAFA française a fait couler beaucoup d’encre, en raison du choix d’Amazon de reporter intégralement le coût de cette taxe sur les vendeurs français de sa marketplace. Nous sommes passés du courageux M. Le Maire qui ose taxer les géants de la Silicon Valley, au ministre idiot, qui pénalise les entreprises et les consommateurs français.

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Un e-mail envoyé par Amazon, à tous ses vendeurs français le 1er août en début d’après-midi, a mis le feu aux réseaux sociaux, puis dans la presse : « À la suite de l’instauration en France d’une nouvelle taxe sur les services numériques au taux de 3%, nous souhaitons vous informer que nous serons contraints d’ajuster les taux de nos frais de vente sur Amazon.fr pour refléter ce coût supplémentaire. À compter du 1er octobre, le montant des frais de vente applicables aux ventes effectuées sur Amazon.fr augmentera de 3%. Par exemple, pour un article pour lequel les frais de vente sont actuellement de 15,00%, ces frais seront portés à 15,45% à compter du 1er octobre 2019… ».

Ce qui était un coup de force bienvenu du gouvernement français apparaît désormais comme une erreur naïve, un bras de fer d’emblée perdant. Et pourtant 3% sur le chiffre d’affaires représente environ 400 millions d’euros de rentrée fiscale par an, toutes entreprises numériques confondues qui font plus de 25 millions d’euros de chiffre d’affaires en France (et au moins 750 millions dans le monde), pour 27 entreprises concernées, pour un total de 13 milliards de chiffres d’affaires. Bien entendu, cela ne dit rien de leur bénéfice, sur lequel est normalement calculé l’impôt sur les sociétés.

En revanche, concernant le chiffre d’affaires, nous savons qu’une part infime de celui-ci généré en France est taxé. Par exemple, Google France a déclaré en 2017 un chiffre d’affaires de 325 millions d’euros et a payé en France 14 millions d’euros d’impôts. Pourtant, les seules recettes publicitaires réalisées en France auraient rapporté à Google environ 2 milliards d’euros, estime le Syndicat des régies internet.

Et comme le diable se niche dans les détails, Bercy a décidé de taxer Amazon sur ses activités d’intermédiation (marketplace) et non la vente de ses produits, soit 20% de son chiffre d’affaires sur le territoire. Ainsi, ce serait presque 60% du chiffre d’affaires réalisé par Amazon en France qui échapperait à l’impôt (le C.A déclaré par Amazon en France est de 1,6 milliards d’euros quand il s’élève à 4 milliards).

Le problème majeur reste les modalités d’exercice de l’impôt sur les sociétés. L’impôt s’exerce sur le lieu de production et non sur le lieu de consommation.
En effet, l’impôt sur les sociétés concerne les « entreprises exploitées en France ». Et la notion d’activité est caractérisé par trois critères non cumulatifs :
L'exploitation d'un établissement en France ;
La réalisation en France d'opérations par l'intermédiaire d'un représentant dépendant ;
La réalisation d'opérations formant un cycle commercial complet.
Le tout étant limité par la notion d’établissement stable, ainsi seuls les bénéfices exploités en France sont imposables en France.

C’est ainsi que Google a gagné contre l’administration fiscale française qui lui réclamait quelques 1,115 milliard d’euros. En France, on parle d’établissement stable pour désigner une installation fixe (immeuble, local, magasin, bureau) d’affaires ayant soit une activité propre en France ; soit un agent dépendant qui disposerait du pouvoir d’engager la société.

Pour le rapporteur public : « Google France n’a pas bénéficié de la présence d’un établissement stable en France, tant au regard de la retenue à la source que de l’impôt sur les sociétés ou de la TVA ». Et pour cause, le Tribunal a considéré à juste titre que Google France n’est qu’une antenne marketing au profit de Google Irlande, nous sommes donc loin des « opérations formant un cycle commercial complet » caractérisant l’établissement stable. D’autant plus que les outils proposés par Google sont mis en place par leurs cellules d’ingénieurs situées aux Etats-Unis, l’implantation de la firme en France n’a pour seule finalité que d’apporter un support marketing à l’entreprise.

Ces différents éléments montrent aisément que l’exercice de l’impôt sur les sociétés n’est plus adaptée à l’économie numérique et ce indépendamment du dumping fiscal qui sévit entre pays européens, et des techniques nombreuses et subtiles de l’optimisation fiscale.

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