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Voilà maintenant plusieurs semaines que nous, forces de gauche, sommes pleinement engagées dans la bataille contre la réforme des retraites. Que ce soit au Parlement ou dans la rue, nous nous sommes organisés comme nous savons le faire depuis de nombreuses décennies. Cortèges syndicaux amples dans toutes les villes de France, obstruction législative retirant toute légitimité parlementaire au texte : une opposition massive face au projet régressif d'Emmanuel Macron s'était mise en marche. Mais voilà. Alors que 7 français sur 10 sont contre cette réforme, que 9 salariés sur 10 ne veulent pas qu'elle voit le jour, le gouvernement a décidé de passer en force.
Pourquoi ? Pourquoi malgré une opposition aussi franche, Emmanuel Macron, Elisabeth Borne et son gouvernement se sentent obligés de passer en force ? Dans un entretien réalisé avec le député de Haute-Vienne Damien Maudet, Mathieu Slama, essayiste spécialisée sur les libertés publiques émettait l'hypothèse suivante : Macron a besoin de nous brutaliser. Il a besoin de nous brutaliser pour se poser en héros et devenir « celui qui aura passé les réformes économiques nécessaires contre l'avis du peuple ignorant ». Il a besoin de nous brutaliser car dans sa pensée il n'y aurait pas d'alternative au projet qu'il anime. Même si le peuple est contre. De toute manière, une bonne réforme néolibérale, c'est une réforme qui met des millions de gens que l'on écoutera pas dans la rue. Même si de la bouche de « Jupiter » il ne prend pas plaisir à faire ces réformes.
Cette brutalité, on y goûte depuis qu'Emmanuel Macron est élu. Loi Travail, Gilets Jaunes, et plus récemment Sainte-Soline. La liste est longue et tellement d’événements se passent qu'il est facile d'en oublier.
La brutalité, plus qu'une méthode : un mode de vie
Cette brutalité est une méthode. La méthode de ceux qui n'empruntent à la République que le nom. La méthode de ceux qui n'ont aucun sens politique. La méthode de ceux qui ne voient le monde que comme un marché géant. Elle n'intervient pas certes tout de suite, du moins pas dans sa version la plus matérielle. Mais la brutalité néolibérale est toujours là, sous forme de mépris, sous forme de condescendance ou de paternalisme.
Vous voulez donner l'impression que votre loi écoute tout le monde ? Invitez les « partenaires sociaux » à une rencontre à Matignon pour discuter des contours d'une loi (sans que les syndicats aient vraiment leurs mot à dire). Votre projet de loi n'est pas compris parmi le bas peuple ? Certainement que vous avez été trop intelligents et trop subtils et que vous avez manqué de « pédagogie ». Réexpliquez, en introduisant de nouveaux éléments de langage qui viendront en totale contradiction de ceux qui ont été émis une semaine plus tôt.
Ce projet de loi n'est pas sur de passer au Parlement ? Dites sur tous les plateaux que vous n'utiliserez pas les articles les plus autoritaires de notre Constitution. Employez quand même quelques jours plus tard le 49.3 et autre. Le peuple se rebelle et envahit les ronds-points ? Organisez un Grand Débat. Une fois ce Grand Débat terminé, laissez les réponses de la plèbe croupir dans les archives les plus proches pour plusieurs décennies.
Si toutes ces méthodes « douces » ne fonctionnent pas et qu'il reste d’irréductibles gaulois qui ne sont pas prêt à s'arrêter, confisquez, démontez, détruisez tout ce qui peut rappeler les mouvement de contestation (banderoles, panneaux, cabanes en bois, œuvres d'art en palette, peintures murales). Des grèves s'organisent dans des secteurs qui bloquent l'économie ? Cassez les grèves, en organisant des réquisitions où les CRS iront chercher manu militari les travailleurs récalcitrants.
Faites usage de la force dans les manifestations. En commençant par des nasses, même si elles sont interdites. En faisant photographier et marquer tout le monde par votre police. Créez des arrêtés d'interdiction de manifester la veille pour le lendemain. Même des fois, inventez les même si il ne sont pas publiés. Tirez des lacrymogènes à tout va. Utilisez même des armes de guerre. L'objectif est de brutaliser les esprits.
Si employer toutes ces armes à proximité des manifestants ne suffit pas, tirez leurs dessus. Avec des LBD, avec des grenades de désencerclement, tout ce qu'il faut pour pouvoir leur briser les os, leur arracher des mains, leur crever des yeux. Bref, terrorisez ceux qui ne sont pas d'accord avec vous.
Voilà toute la philosophie que l'on peut retenir de ces 6 dernières années. Cette « Méthode Macron » ne sert pas à gouverner le pays mais à l'administrer. Et face à cette répression sans précédent le paysage politique se recompose, et renoue avec les périodes les plus liberticides, les moins égalitaires, les moins fraternelles de notre Histoire.
Le Barrage Bourgeois
On est habitué à entendre parler du barrage républicain qui se délite peu à peu. Et pourtant aujourd'hui il se reforme. Mais pas pour défendre la République. Et pas contre l'extrême droite. La brutalité employée contre toute contestation émise contre la politique du gouvernement est un premier indice. Mais les prises de paroles politiques de ces dernières semaines sont une confirmation que tout nouveau barrage en cours de construction se fait contre la NUPES, contre la gauche réunie et contre toute association ou mouvement défendant des idéaux socialistes, humanistes, écologistes.
Déjà l'été dernier, le cordon sanitaire qui était de ne laisser aucune place de pouvoir à l'extrême droite dans nos institutions a été franchi. 2 vice-présidents à l'Assemblée nationale, un poste à la délégation parlementaire du renseignement… Puis il a entièrement disparu avec des ministres qui sont de plus en plus élogieux vis à vis de Marine Le Pen et son parti. On peut citer Olivier Dussopt qui trouve Marine Le Pen « bien plus républicaine » que d'autres élus de gauche, ou encore Darmanin qui trouve Marine Le Pen « plus intelligente politiquement que Jean Luc Mélenchon ». On peut également ressortir de vieilles sorties du ministre de l’Intérieur, ancien militant du groupe royaliste Action Française, déclarant Marine le Pen trop molle sur l’immigration. Ces trois phrases ne sont que trois phrases, mais qui infusent puissamment dans tous les éléments de langages des macronistes qui partent faire le service après vente sur les différents plateaux.
Puis vient la bataille sémantique. Non contents d'aimer les personnalités d'extrême droite, ce sont les idées et les concepts qui sont repris par ces ministres et ces députés mous sans conscience politique. « Ecoterrorisme », « Terrorisme intellectuel de gauche », parler de la NUPES « d'ultra-gauche », les « fichés S d'ultra-gauche, une nébuleuse dangereuse »... Cette sémantique pourrait être sortie sans scrupule par Zemmour, Le Pen, Praud ou Hanouna. Mais c'est bien maintenant des voix du gouvernement français.
Le peuple uni, jamais ne sera vaincu
En employant ces mots, nous pouvons avoir une certitude. C'est que nous leur faisons peur. Si nous sommes des terroristes parce que 30 000 personnes sont parties manifester pacifiquement à Sainte Soline, si nous avons été plus de 3,5 millions de personnes dans les rues pour faire retirer la réforme des retraites, cela veut dire que nous sommes dans la bonne direction.
S'il y a bien une chose qui fait peur à la bourgeoisie, c'est le peuple uni. S'ils en viennent à nous traiter de terroristes, c'est qu'on instaure chez eux un sentiment de terreur. Ils nous brutalisent ? Traumatisons-les. N'oublions pas que ces gens nous piétinent, qu'ils nous humilient, qu'ils nous crachent dessus car pour eux nous ne sommes rien.
J'espère sincèrement qu'on les retrouvera prochainement dans une gare, car d'après Emmanuel Macron, c'est là où ceux qui ne sont rien rencontrent ceux qui sont tout. Nous leurs rappellerons que nous les riens sommes tout face à eux qui ne font rien. Unissons nous contre les parasites de cette société. Nous ne sommes pas d'accord sur tout, mais en tant que français nous avons quelques trucs qui nous rassemblent. Il y a l'apéro, notre cuisine de renommée internationale, Jean-Jacques Goldman....
Mais il y a surtout notre soif de liberté, notre envie d'égalité, notre profonde fraternité. Tout ça, c'est ce qui a rassemblé tant de gens dès 1789. Ces idéaux qui ont été gravés dans notre déclaration des Droits de l'Homme, puis sur le fronton de nos bâtiments public, c'est cet idéal là que la bourgeoisie cherche à effacer. Pour eux leur vision c'est l'ordre, le travail, l'argent. Unis nous pouvons nous battre contre ça et résister à toutes leurs brutalités. Pour un monde pour les gens et pour le vivant avant l'argent.