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Billet de blog 3 avril 2024

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Bataillon pour 15 minutes de gloire !

Pour 15 minutes de lumière, peut-on vraiment s'offrir le luxe d’abîmer un peu plus nos institutions ? La sortie du député Quentin Bataillon chez TPMP révèle encore une fois le vide politique qui habite les députés Renaissance / LREM.

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Illustration 1

Un inconnu de plus à la liste des fossoyeurs de la République

Ce mardi 2 avril, l'émission Touche Pas à Mon Poste avait un invité de marque : Quentin Bataillon, le président de la commission d'enquête qui avait interrogé quelques jours plutôt des animateurs phares du petit écran, comme Yann Barthès, Pascal Praud ou le maître de cérémonie de C8 Cyril Hanouna. Des auditions dont le thème principal était la future ré-attribution des chaînes de la TNT dans un contexte où les chaînes du groupe Canal enchaînent les mises en demeure, les rappels à l'ordre et les amendes records pour des propos xénophobes, négationnistes ou des manquements liés à la bonne tenue de leurs antennes. 

Voir : Mediapart - En déplaise ses dirigeants, CNEWS est bien une chaîne d'extrême droite voici pourquoi

C'est donc avec grande stupéfaction que l'on voit le député Renaissance sur le plateau de TPMP, tout sourire, critiquer entre autre d'autres personnes auditionnées et recevoir des mains de Cyril Hanouna un cadeau dans une jolie boite rose. S'il ne s'agit seulement que d'un t-shirt avec une boutade liée à l'audition du patron de l'émission phare de C8, l'image est terrible. Que ce soit pour le cadeau, que pour la simple présence du député, alors que le rapport n'a pas été encore terminé, validé, publié... La question qui se pose immédiatement : à quoi pense Quentin Bataillon en acceptant cette invitation ? À gauche, les élus n'ont pas tardé à réagir et à torpiller cette initiative douteuse. Pour quinze minutes de gloire, Quentin Bataillon a déshonoré le Parlement, sa fonction, le travail de la commission d'enquête, et son sens politique. Enfin, peut-on vraiment déshonorer son sens politique quand on n'en est pas doté ? 

Le macronisme, ou l'art du vide politique

Car Quentin Bataillon n'est pas le premier à réaliser des actions dont les buts sont politiciens et non politiques. Karl Olive et Sabrina Agresti-Roubache déjà furent les premiers à s'inviter dans les colonnes du JDD version extrême-droite suite à l'arrivée de l'ancien rédacteur en chef de Valeurs Actuelle Geoffroy Lejeune. Yaël Braun Bivet quant à elle, n’a pas hésité à contester la proposition de constitutionnalisation fustigeant un texte inutile en 2018, et l’applaudissant des deux mains quand la proposition de loi constitutionnelle a fini son long chemin parlementaire cette année.

Expressions publiques de YBP sur l'IVG © Caisses de grève

Les exemples sont nombreux où pour l’intérêt de la petite phrase, pour l’intérêt d’une mise en lumière temporaire, les députés de la majorité excellent dans l’art de ne rien dire, ou dans l’art d’avoir des convictions aussi solides qu’un courant d’air. Et pour s’en rendre compte, il suffit simplement de les écouter. Récemment, Paul Midy, député important du groupe Renaissance, chez franceinfo le 11 avril dernier, enchaînait les poncifs vides dignes de slogans de start-upper pour défendre son mouvement politique : «Aujourd’hui on est dans un monde où la Chine soutient la Russie qui agresse et envahit l’Ukraine. On est dans un monde où peut être les américains vont réélire Donald Trump et donc on a plus besoin d’Europe qu’avant. On est dans un monde où on doit accélérer la transition écologique. On est dans un monde où l’intelligence artificielle va révolutionner nos économies et notre quotidien. ».

C’est creux. C’est plat. Et c’est à peu près ce qu’est capable de produire de manière autonome n’importe quel député de cette majorité, quand ils ne reprennent pas directement du vocabulaire et des slogans de l’extrême-droite. Comme Maud Brégeon, députée des Hauts-de-Seine qui chez France Inter déclare le 30 mars dernier être à la « croisée des chemins », slogan présidentiel d’Eric Zemmour en 2022

Exister dans un parti ou le seul programme s’appelle Emmanuel Macron

Une question persiste à chaque fois qu’on fait face à des situations que l’on pourrait juger débile, anti-républicaine ou autre. Pourquoi ? Pourquoi plusieurs députés ont ce besoin d’exister par le biais de la petite phrase politique ? Pourquoi si peu de députés dans le camp du président sont incapables d’avoir des idées politiques stables qu’ils puissent défendre, en dehors de tout assentiment du président de la République lui même ? Pourquoi nous avons cette impression que depuis 6 ans, on nous dit tout et son contraire, qu’on se fait mener en bateau et qu’on nous prend ouvertement pour des imbéciles ?

Peut-être que pour une bonne partie de la bande de député amateurs de la majorité, leurs références culturelles bibliques sont des séries comme « House of Cards ». Que dans l’ombre de leurs cabinets, avec leurs équipes, ces députés se sentent fiers d’avancer des pions qui permettent de reconfigurer (dans leur tête seulement) le paysage politique de la France. 

Quentin Bataillon sur son compte X © Quentin Bataillon

Comme des gamins ayant appris à jouer aux échecs et voulant affronter les plus grand champions, ces députés se heurtent à leur manque de fond permanent et leurs actions rappellent le vide politique qui les animent à chaque fois que leurs lèvres s’entrouvrent pour se laisser former une litanie de bullshit. Comme des athlètes découvrant l’adrénaline des pistes de leurs premières courses, ces députés s’entêtent à démontrer qu’ils peuvent s'essouffler bien rapidement en faisant des choix politiquement plus stupides que les précédents. Si l’objectif est d’exister quelques jours dans la presse pour sentir que son action à du sens en faisant bavarder le pays, Quentin Bataillon a réussi. Ce qui est réussi aussi, c’est qu’il rentre dans la longue liste de ces personnalités politiques qui redeviendront vite des inconnus mais dont occasionnellement on se souviendra pour avoir craché sur le peu de socle commun qui nous reste.

Déjà en 2021, plusieurs députés n’ont pas rempilé pour un deuxième mandat, comme Pierre Person, déçu de ne pas avoir de pouvoir réel au sein d’une majorité aux ordres. Aujourd’hui, c’est plus de l’épuisement que cette majorité ressent, liée au fait d’apprendre ce que veut dire une démocratie quand on est pas toujours majoritaire. Ce qui est certain, c’est qu’avec ou sans activité, en 7 ans rien n’aura changé sur le plan politique : la décision du chef Emmanuel Macron trace la ligne de fond sur l’école, la santé, le budget, le travail. 

Le reste, ce n’est que du vent. Et peu importe si les bourrasques abiment les murs de notre République, si le souffle de l’air leur permet de se sentir exister, les députés feront le nécessaire pour briller. 

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