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Billet de blog 6 septembre 2024

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La nouvelle face du vieux monde

Quelle surprise ! Pas vraiment. Après plus de deux mois à faire tourner en bourrique médias, partis et citoyens fatigués, Emmanuel « Jupiter-le-Petit » Macron a tranché : notre nouveau Premier ministre sera Michel Barnier.

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Les feux de la Ve République, saison 38, épisode 45

Dire que l’annonce d’un vieil homme blanc issu des rangs de la droite fait l’effet d’une bombe, ce serait abuser de nos figures de style pour dépeindre une colère fatiguée. Car, qu’on se le dise, personne n’est vraiment étonné que le Président ne choisisse ni la figure de Lucie Castet, ni ne tente de prendre une figure du centre-gauche pour tenter quelconque construction de majorités bancales.

Encore une fois, les mêmes indignations et sentiments de rejet, d’écœurement pleuvent à gauche comme on s’attend à ce qu’il n’y ait pas de soleil à Brest. Encore une fois, l’extrême-droite va montrer ses pattes de velours, minauder qu’ils sont bel et bien dans l’opposition, mais à la fin cautionner quand même ce gouvernement encore plus droitier que le précédent. Les Républicains jubileront, en bon dernier de l’élection, d’avoir un sursis pour exister. Les macronistes n’auront que la « responsabilité » et la « stabilité » de la République à la bouche. 

Tout dans ce que nous vivons ressemble à un script d’une série télévisée qui n’arrive pas à finir son histoire, à passer à autre chose. Nous nous retrouvons piégés devant un énième épisode des Feux de l’amour où il n’est pas nécessaire de connaître les personnages tant l’intrigue, l’histoire et les dialogues sont prévisibles. Un mauvais spectacle qui avait peut-être, à une époque, son charme pour une certaine partie de la population, mais qui dégoûte de plus en plus au fur et à mesure que les épisodes et les saisons s’enchaînent.

En 2024, Les feux de la Ve République doivent s’éteindre et laisser place à une nouvelle histoire. Déjà, quelques prémices ont commencé à voir le jour depuis les années 90, et plus intensément depuis les années 2010. Que ce soit avec Jean-Luc-Mélenchon et Marie-Noëlle Lienemann (1) et leur courant au Parti socialiste, ou les tentatives de travail sur une nouvelle constitution portées par les Gilets Jaunes en 2018-2019, l’aspiration à une nouvelle République reste dans l’air. Cette 6ème République sera t'elle notre porte de sortie ?

Ne pas laisser la résignation nous abattre

C’est facile d’écrire un titre comme celui-là. « Ne pas laisser la résignation nous abattre », mais à part passer pour un idéaliste niais et naïf, dire ce genre de phrase n’avancerait pas à grand chose ? Et pourtant.
La résignation que l’on ne peut rien changer, que l’on n'a pas de pouvoir, que les choses se feront parce qu’elles devront se faire comme elles se font déjà… Cette résignation-là, nous devons la refuser. Même si nous prenons de plein fouet depuis 2017 des affaires violentes, comme l’affaire Benala, qui marqueront au fer ce qu’est le Macronisme. Même si nous avons pris en plein fouet la défaite de la réforme des retraites. Même si nous avons pris en plein fouet les 49.3 du gouvernement pour qu’ils passent leurs lois et leurs budgets austéritaires. Même si nous prenons de plein fouet ces absurdités que Jupiter-le-Petit commande du haut de son Élysée, seul.

L’hyper-présidentialisation de Macron fait peur. Car elle nous dépossède et nous convainc que nous ne pouvons rien faire. Mais c’est pour cette raison que nous ne devons pas nous résigner et ne pas laisser ce plaisir aux pouvoirs en place de faire ce qu’ils souhaitent de nos vies. Gilles Deleuze philosophait ainsi : « Les pouvoirs établis ont besoin de nos tristesses pour faire de nous des esclaves. Le tyran, le prêtre, les preneurs d’âmes, ont besoin de nous persuader que la vie est dure et lourde. Les pouvoirs ont moins besoin de nous réprimer que de nous angoisser, ou, comme dit Virilio, d’administrer et d’organiser nos petites terreurs intimes. » Ne donnons pas ce plaisir pervers à Macron et sa clique pour n’être que du bétail à travail mal payé.

Aussi, nous ne devons pas nous résigner, car tout n’est pas perdu. Beaucoup d’entre nous savent la violence d’une société où tout est tourné pour l’argent. Peu souhaitent continuer à construire un monde où personne ne peut se nourrir à sa faim, ou l’eau potable est une ressource rare, comme dans le Gers (2) ou en Guadeloupe (3). Des exemples de systèmes politiques étrangers, ou des travaux sociologiques, ou des expérimentations démocratiques existent et peuvent nous servir de base pour imaginer la République de demain. Car si aujourd’hui la République ne veut rien dire sinon une forme de ploutocratie moderne, nous avons le pouvoir de redéfinir nous-même, le peuple, ces mots de base qui nous aident à former notre communauté civique.

Construire une VIe République

La « Res Publica », la chose publique, n’est que ce que nous décidons d’en faire. Le premier échelon de pouvoir qui nous permettra de regagner le grappin sur cette chose publique sera certainement l’échelon communal. Emmanuel Macron, les services de police et de l’Etat ne peuvent être omnipotents et ne peuvent pas contrôler ce que nous faisons de nos vies et comment nous souhaitons les mener.
Ce que cela signifie concrètement pourrait se résumer comme suit :

  1. À nous, citoyens d’en bas : N’attendons des partis et des mouvements de gauche que d’être des contre-pouvoirs à l’avancée des politiques néo-libérales et autoritaires d’Emmanuel Macron. 
Si nous avons l’impression que les composantes du Nouveau Front populaire sont impuissantes pour mettre en œuvre de vraies structures et de vrais mesures éco-socialistes, ce n’est pas une simple impression. Cependant, les partis démontrent une utilité réelle dans le fait de démasquer l’imposture et l’hypocrisie du bloc Macroniste et du bloc d’extrême-droite. Les personnes que nous avons élues et la force que nous leur avons apporté à la dernière élection sont de précieux atouts pour nous permettre de comprendre les tentatives d’enfumages du roitelet et de sa Cour.
  2. À nous, encore, citoyens d’en bas : Reprenons du pouvoir commun, commune par commune. 
Cela ne veut pas dire seulement chercher à se faire élire dans un Conseil municipal, mais plus de chercher à créer du commun, des communautés, autour de batailles communes et d’intérêts locaux communs. Allons tracer les lignes qui serviront à un vide-grenier, aidons à une distribution alimentaire locale, investissons nous dans les clubs de sports autour de chez nous. La construction d’un nouvel idéal de société se passera d’abord par la pratique et cette dernière inspirera la manière dont nous écrirons une future constitution.
  3. Aux travailleurs et décideurs d’en haut, dans les conciliabules des partis et mouvements : Acceptez de ne pas avoir le contrôle sur les mouvements populaires locaux, et laisser les foisonner sans tenter de les chapeauter. Cela ne veut pas dire qu’il ne doit pas y avoir de militants de parti, de syndicats ou autre dans des petits mouvements locaux. Mais il est certain qu’à tourner toute l’action politique autour de l’actualité nationale et/ou parisienne ainsi que concentrer les demandes d’efforts et d’actions autour de grands événements, cela épuise et déconnecte de ce qu'il se passe sur le terrain. Aussi, de nouvelles pratiques et de nouvelles idées politiques peuvent émerger de ces lieux où les manières et les parlers politiques sont différents. Enfin, il est plus facile de construire les programmes ambitieux que portent les mouvements avec des équipes militantes locales autonomes, connaissant leurs territoires et les manières de militer qui fonctionnent.

Nous sommes depuis quelques années dans une période de fin de régime. Mais pas juste d’Emmanuel Macron : une fin pour la Ve République. Ces violences institutionnelles, qui durent depuis 7 ans, ne laissent entrevoir qu’une seule issue pour la suite : un changement de régime, un nouvel imaginaire à construire qui définira nos règles de vie en commun. 

Le moment que nous vivons est donc éminemment politique et si nous décidons de lâcher, d’abandonner maintenant, nous laissons le travail de l’imaginaire de demain à ceux qui souhaitent un monde rance, basé sur la discrimination, le rejet et la haine de l’Autre. Emmanuel Macron semble prêt à laisser cet avenir au Rassemblement National. Par la dissolution après un RN au plus haut en juin dernier. Par la nomination aujourd’hui de Michel Barnier.

« Si tous les dégoûtés s’en vont, il ne restera que les dégoûtants ». Ne laissons pas les dégoûtants décider à notre place. Ne laissons pas les dégoutants dessiner leur société grise, sans saveur, pleine de désespérance. Avec les dégoûtés, construisons cette VIe République qui nous fait penser au bonheur. Construisons une VIe République pour les gens et pour le vivant avant l’argent et les peurs d’un autre temps.


1 - https://www.ina.fr/ina-eclaire-actu/video/cab92064127/les-jeunes-du-ps-pour-une-vieme-republique
2 - https://www.ladepeche.fr/2024/08/31/cest-un-probleme-national-tout-le-monde-est-concerne-depuis-un-an-des-habitants-du-gers-sont-toujours-prives-deau-potable-12167356.php
3 - https://www.ouest-france.fr/region-guadeloupe/enquete-pourquoi-60-a-70-pourcent-des-habitants-de-guadeloupe-sont-confrontes-au-manque-deau-potable-e911fd1e-110a-11ef-9468-f1ca8c573b21

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