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Billet de blog 27 août 2024

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Jupiter-le-Petit

Ce communiqué du 26 août 2024 fera date et marquera sans aucun doute une nouvelle avancée vers un régime présidentiel autoritaire. Une situation qui n'est pas sans rappeler, même si elle n'est pas identique, à la mue de Charles-Louis Napoléon Bonaparte, dit Le Petit sous la plume de Victor Hugo.

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Illustration 1

« Je veillerai à ce que notre pays connaisse un regain de vitalité démocratique, les citoyens auront voix au chapitre, ils seront écoutés. »

En mai 2017 Emmanuel Macron arrive à l’Elysée avec une promesse de renouveau. Si beaucoup l’ont cru et ont trouvé l’espoir d’un monde meilleur à cette date, d’autres sentaient déjà la violence qu’allait apporter cette graine d’autocrate qui ne demandait qu’à éclore.  Le « Maître des Horloges » entendait déjà dicter dès 2017 de quoi parler et quand en parler. 

Il se positionnait déjà comme un président « jupiterien »,  où on imagine que seule la grandeur de son intellect et de sa position pouvaient guider comme il se devait la conduite de la Nation. Mais 7 ans après, la seule chose de grand qu’Emmanuel Macron affiche est la petitesse de son humanité. 

Tout comme Charles-Louis Napoléon Bonaparte se rêvait Napoléon-le-Grand et termina Napoléon-le-Petit, Emmanuel Macron sera pour l’Histoire Jupiter-le-Petit.

Un écho historique

Si le choix de ce nouveau nom résonne avec les écrits de Victor Hugo, c’est qu’il est limpide de voir à quel point Charles-Louis Napoléon Bonaparte et Emmanuel Macron sont similaires. « Les hommes »1 qui ont su séduire une bourgeoisie en quête de nouveauté et croyant dur comme fer à ces jeunes gouvernants tournés vers l’avenir, n’ont pas hésité à user des codes de leurs temps pour gravir les échelons qui les emmèneraient chacun sur le perron de l’Elysée.

Déjà Napoléon-le-Petit prêtait serment et s’exclamait à la tribune de l’Assemblée Nationale « Je veux […] rasseoir la société sur ces bases, raffermir les institutions démocratiques et rechercher tous les moyens propres à soulager les maux de ce peuple généreux et intelligent ». Séducteur envers le peuple dont il a besoin pour accéder au pouvoir, mais déjà rigide concernant ses idées sur la manière de conduire le pays, la similitude entre les deux hommes est flagrante.

Emmanuel Macron en a fait de même, gravitant autour des puissants comme les mouches virevoltent autour des fruits murs. Avec une campagne promettant une véritable Révolution (selon sa plume), il promettait de mettre fin à un système politique où être ni-de-gauche-ni-de-droite serait la solution à tous les problèmes et où les citoyens seraient réellement écoutés, consultés. 

Mais 7 ans après, et avec une réélection par défaut, à combien de temps sommes-nous dès à présent du décret du 2 décembre 1851 où le Président de la République d’alors décrétait la dissolution de l’Assemblée Nationale, et arrêtait dans le même temps 14 parlementaires pour allégation de complot ? Car au fur et à mesure que les mois passent les coups de force institutionnels pullulent et abiment une Constitution que le monarque jupitérien s’était juré de protéger. 

49-3 multiples, réductions des pouvoirs du Parlement avec une Présidente de l’Assemblée aux ordres de l’Elysée, ignorance des contestations populaires, voire répression sanglante de tout mouvement de révolte naissant sur le pays… Celui qui devait être garant de notre devise nationale l’aura transformé insidieusement en « Travail, Obéissance, Patrie ».

Entre plaisir du faste et casse politique

Victor Hugo avait réussi à dépeindre Napoléon-le-Petit comme le dictateur qu’il fut. Mais ce qui est étonnant est qu’en relisant le texte du regretté poète, il arriva à décrire aussi parfaitement Jupiter-le-Petit et sa cour :

« Cet homme, […] regardez d’une part son pouvoir, d’autre part ses actes. Que peut-il ? Tout. Qu’a t’il fait ? Rien. Avec cette pleine puissance, un homme eût changé la face de la France.
« Omnipotence complète, initiative nulle. Il a pris la France et n’en sait rien faire. En vérité, on est tenté de plaindre cet eunuque se débattant avec la toute-puissance.
« Certes, ce dictateur s’agite, rendons-lui cette justice ; il ne reste pas un moment tranquille ; il sent autour de lui avec effroi la solitude et les ténèbres ; ceux qui ont peur la nuit chantent, lui il se remue. Il fait rage, il touche à tout, il court après les projets ; ne pouvant créer, il décrète ; il cherche à donner le change sur sa nullité ; c’est le mouvement perpétuel ; mais, hélas ! cette roue tourne à vide.
« Ces hommes, le malfaiteur et ses complices, ont un pouvoir immense, incomparable, absolu, illimité, suffisant
« Ils s’en servent pour jouir. S’amuser et s’enrichir.
« ls ont arrêté le budget sur la grande route ; les coffres sont là ouverts, ils emplissent leurs sacoches, ils ont de l’argent en veux-tu en voilà. »2

Emmanuel Macron a tout les pouvoirs aujourd’hui, et en joue. Il sait son irresponsabilité, il sait que de toutes les bêtises qu’il peut commettre il n’en sera jamais tenu pour responsable grâce à notre Constitution. Mais à part casser, casser, casser, Emmanuel Macron ne sait rien faire. Il casse hier notre système de retraites, en prétextant qu’il aurait pu être être cassé demain. Il casse l’assurance chômage, qui avant d’être une aumône donnée à ceux qui n’ont plus de travail est avant tout un droit de ceux qui ont travaillé leurs permettant de vivre. Il casse la République, en créant des initiatives où les citoyens s’expriment, comme la Convention Citoyenne sur le Climat, et en la défaisant et passant outre quand il se rend compte que les travaux de cette dernière ne siéent pas à sa pensée. Il casse le Parlement, qui, peu importe les critiques qu’on lui apporte, a été muselé plus que de raisons avec des complices faisant taire par loyauté le peu de voix contestataire émanent des représentants du peuple3. Il casse enfin la Constitution, en refusant de se soumettre au suffrage des électeurs, et en refusant comme il fait après une lourde défaite de laisser gouverner le Nouveau Front Populaire.

Mais en plus de casser, lui et sa cour profitent. Déjà, depuis 2017, le budget du palais de l’Elysée ne cesse d’augmenter d’année en année. Le rythme d’augmentation est tel qu’en 2023, la Cour des Comptes épingle le palais présidentiel sur des dépenses de frais de déplacements et de réception qui ont explosé les comptes. Une tendance qu’on pouvait déjà imaginer avec l’affaire des « diners de Bercy » ou Jupiter-le-Petit dépensait sans compter pour monter les marches de l’Elysée.4 On peut se rappeler également de l’affaire du fonds Marianne, où la mort de Samuel Patty a été largement instrumentalisé pour détourner des fonds et apporter à des organismes des subventions injustifiées. Que dire aussi de l’affaire Kholler, avec les soupçons de conflits d’intérêt entre le Secrétaire général de l’Elysée et le groupe de transport maritime MSC. Que dire des Uber Files ? De l’affaire Alstom ? Où le chef de l’Etat n’a pas hésité à ouvrir les vannes de flux monétaires pour ses amis les grands patrons.

La dernière casse, le coup d’Etat sourd mais bien réel, c’est ce communiqué du 26 août 2024 qui fera date ou qui marquera au moins le début du nouveau régime présidentiel autoritaire qui s’annonce. Les aller-retours entre partis de gauche, bloc bourgeois et bloc d’extrême droite l’ont montré ces derniers jours : le problème pour Emmanuel Macron c’est la gauche, c’est l’éco-socialisme en rupture avec sa pensée complexe, subtile et trop intelligente pour le bas peuple que nous sommes. Il dit : « Ma responsabilité est que le pays soit ni bloqué, ni affaibli », mais pourtant par sa parole il bloque le champs politique à ses seules volontés et affaiblit l’idée de République et de démocratie en y associant des signifiants de violence et d’irrespect. 

Déchoir les tyrans et les tyrannies, une tradition Républicaine à perpétuer

Pour ne pas perdre espoir et ne pas sombrer dans une forme de défaitisme perpétuel qui nous bloquerait tout mouvement, nous avons besoin de nous rappeler d’un fait assez simple : Jupiter-le-Petit n’est là que depuis 7 ans au pouvoir et les régimes ayant une sauce plus autoritaire n’ont, depuis 1789, jamais dépassé 20 ans de règne (le plus long ayant été celui de Napoléon III). Si c’était le cas, nous aurions certainement encore un président-empereur Napoléon X. Les tyrans et leurs systèmes tyranniques ne sont pas immuables. Rappelons nous aussi que le cadre de la 5ème République n’est pas perpétuel. La déchéance de la Macronie qui a lieu en ce moment même ne pourra mener qu’à un nouveau régime. 

Jupiter-le-Petit ne pourra pas tenir éternellement ses pleins pouvoirs, et nous avons dès à présent toutes et tous un rôle un jouer pour l’en destituer. Il y a bien sur les appels nationaux à surveiller et à soutenir, pour massifier les mobilisations qui seront sans aucun doute organisées prochainement. Mais il y a aussi l’organisation locale, aux plus petits échelons, pour contrer n’importe quels éléments de langages Jupiter-le-Petit décidera de transmettre à sa garde d’éditorialistes zélés des prochains diners que ces derniers pourront avoir dans le palais de la rue du faubourg Saint-Honoré.

« La résistance à l'oppression est la conséquence des autres Droits de l’[humain]. », voilà ce que disait l’article 33 de la Constitution de 1793. Il est notre devoir de résister à ce que souhaite imposer le roitelet, et la résistance commence autour de nous. 

« Placez une tribune au Centre du monde, et avant peu, aux quatre coins de la terre, la République se lèvera. La tribune rayonne pour le peuple, il ne l’ignore pas.
« Le peuple se soulevait, s’irritait, s’indignait ; quelque erreur généreuse l’avait saisi, quelque illusion l’égarait ; il se méprenait sur un fait, sur un acte, sur une mesure, sur une loi ; il entrait en colère, il sortait de ce superbe calme où se repose sa force, il accourait sur les places publiques avec des grondements sourds et des bonds formidables ; c’était une émeute, une insurrection, la guerre civile, une révolution peut-être. La tribune était là. »5

Il est temps de réimprimer nos journaux et pamphlets locaux, de recréer les espaces de discussion et d’organisation d’une résistance locale. De recréer commune par commune ces tribunes qui peuvent, par la simple circulation de la parole parasiter les projets d’un monarque-empereur seul. Comme la parole a fait avancer les luttes antiracistes, les luttes féministes, elle nous permettra de lutter contre ces monolithes qui ne souhaitent que la seule parole acceptable soit celle de la révérence au Jupiterisme.

Que ce soit en coupant des têtes, ou en jugeant ceux qui ont gouverné pour leurs intérêts seuls. Nous avons plus de 200 ans d’histoire de luttes, et nous avons toujours su nous en sortir pour avancer. Jupiter-le-Petit pourra se parer de tous les  atours Républicains en sa possession. Quand à la fin les citoyens que nous sommes sortent, disent, s’expriment, quand à la fin nous décidons ensemble de ce que nous voulons pour demain, à la fin la République, c’est nous.

——

Notes
1 En référence au premier chapitre de Napoléon-le-Petit : « L’homme »
2 Napoléon-le-Petit, Livre 4, chapitre IX : La Toute Puissance, Victor Hugo
3 On se souvient de l’affaire Benala et du zèle de Yael Braun Pivet en commission des lois, ou juste des amendes et sanctions qui n’ont cessé de pleuvoir sous la présidence de Yael Braun Pivet contre les députés de gauche de 2022 à 2024.
4 https://www.francetvinfo.fr/politique/la-republique-en-marche/francois-de-rugy/enquete-franceinfo-quand-emmanuel-macron-recevait-le-tout-paris-a-bercy-pour-se-constituer-un-carnet-d-adresses_3541021.html
5 Napoléon-le-Petit, Livre 5, chapitre IV : les Orateurs, Victor Hugo

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