L'histoire se répète pour les Iraniens, sous une forme encore plus tragique que lors du premier mandat de Donald Trump. Comme en 2017, lorsque Trump est arrivé à la Maison Blanche, le taux de change a atteint des records en Iran et le dollar a bondi, dépassant les 91 000 tomans (le SMIC est alors tombé à 90 dollars). Les Iraniens sont inquiets et en colère, car ils craignent que le pire ne soit à nouveau à venir. Ils se souviennent des effets désastreux de la politique de "pression maximale" de Donald Trump contre l'Iran en 2017, et de sa récente signature d'une politique similaire il y a quelques jours.
Ce que nous avons observé à partir de 2017, dès le premier mandat de Trump, semble se répéter en 2025. Trump revient au pouvoir, et la politique de pression maximale est relancée. Le régime de la République islamique emprunte à nouveau la voie de l'augmentation du prix des devises pour tenter d'éviter l'effondrement de l'État. Cette stratégie, qui figure parmi les rares solutions proposées par les économistes, a déjà été testée par le régime avec un certain succès, du moins lors du premier mandat de Trump. Aujourd'hui, avec la prise de position d'Ali Khamenei, le guide suprême, qui a rejeté toute possibilité de négociations avec les États-Unis, il apparaît que le même scénario est en train de se reproduire. Si l'on examine la courbe du prix du dollar au début du premier mandat de Trump, et si cette même politique de pression maximale, incluant des sanctions pétrolières et autres mesures, est mise en œuvre, une situation désastreuse attend la classe ouvrière.
Face à cette situation qui se répète de manière étrangement précise, comme en 2017, nous observons des similitudes récurrentes au sein de la société iranienne, que ce soit à l’intérieur ou à l’extérieur du pays.
D'un côté, il y a les politiciens de l'opposition et la pseudo-opposition iranienne qui, à l'occasion de l'anniversaire de la révolution islamique de 1979 le 10 février, commencent à répéter leurs excuses sur les réseaux sociaux devant la nouvelle génération, exprimant leurs regrets pour leur participation à cette révolution.
Cette étrange manière de s’excuser ignore complètement la réalité sociologique selon laquelle une révolution n’est pas le résultat d’une volonté consciente des participants. Une révolution est une situation rare, et ses conséquences dépassent également la volonté individuelle.
Ce genre de politiciens de l’opposition se réjouit également de la politique de pression maximale de Trump et des menaces de Netanyahou de bombarder l’Iran. En conséquence, ils se réjouissent de la détresse du peuple iranien qui doit vivre dans une situation économique catastrophique.
Ces politiciens de l’opposition savent que la détresse causée par [la politique de] Trump, comme nous l'avons vu en 2017, favorise la tendance nationaliste pro-Pahlavi dans un contexte de haine de la gauche, tant à l'intérieur qu'à l'extérieur de l'Iran.
En d'autres termes, avec cette situation économique et ce manque d'influence médiatique des intellectuels de gauche, c'est la nostalgie de l'époque Pahlavi qui s'active automatiquement dans l'esprit d'une partie de la population.
Pour dépasser la nostalgie islamique (voir la théorie du "retour à soi islamique") et la nostalgie de l'époque Pahlavi, il faut construire un nouveau projet politique dont aucun signe de naissance n'est historiquement visible.
Sur X, une partie de la société iranienne s'est mobilisée avec le hashtag #JeSuisEnColère pour exprimer sa colère face à la situation économique. Mais à mon avis, ils exprimaient plutôt leur désespoir face à l'échec du projet de voter "espoir" pour Massoud Pezeshkian, le présidant de l’Iran. Elle s’attendait à connaître la stabilité économique et à voir son niveau de vie s'améliorer sans avoir à lutter politiquement pour un changement significatif. Ils savent désormais qu'il n'existe apparemment pas de raccourci.
L'ensemble des conditions que nous avons décrites a rendu la société impuissante, et une société impuissante s'accroche à n'importe quelle corde. Et les seules cordes qui sont à la portée de la société finissent toutes par consolider le fascisme velayat-e faqih [fascisme du pouvoir des religieux]. Telle est la tragédie que vit le peuple iranien en cette époque.