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Billet de blog 19 juin 2025

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Attaque d'Israël contre l'Iran : un mensonge criminel et une armée secrète

Selon le média en ligne The Intercept, les services de renseignement américains estiment que l'Iran ne représente pas une menace nucléaire. De plus, le chef de l'AIEA a réfuté les allégations alarmistes, déclarant qu'il n'existe aucune preuve que l'Iran cherche à construire l'arme nucléaire.

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Israël a lancé le bombardement de l'Iran le 13 juin sous le nom d'« Opération Lion dressé ». L'attaque a eu lieu un jour seulement avant un nouveau cycle de négociations prévu entre l'Iran et les États-Unis à Oman.

Tout comme l'invasion de l'Irak en 2003, l'attaque contre l'Iran a débuté sur la base d'un mensonge : celui selon lequel l'Iran serait sur le point d'obtenir l'arme nucléaire. La justification invoquée était donc la suivante : pour l'en empêcher, Israël n'avait d'autre choix que de mener des assassinats ciblés de commandants militaires, de bombarder des quartiers résidentiels et d'attaquer des sites nucléaires.

Pourtant, la réalité est tout autre. Selon le média en ligne The Intercept, les services de renseignement américains estiment que l'Iran ne représente pas une menace nucléaire. Israël souhaite néanmoins que les États-Unis le bombardent, alors même que le renseignement américain confirme que l'Iran ne fabrique pas la bombe. De plus, le chef de l'AIEA a réfuté les allégations alarmistes, déclarant qu'il n'existe aucune preuve que l'Iran cherche à construire l'arme nucléaire.

Avec cette attaque fondée sur un immense mensonge, Israël a anéanti la dernière chance d'un accord diplomatique entre l'Iran et les États-Unis.

Mon analyse, cependant, est la suivante : les États-Unis étaient au courant de la planification israélienne depuis le début, et les récents cycles de négociations n'ont été qu'une manœuvre pour tromper l'Iran. La nuit de l'attaque, le régime iranien, ne s'attendant pas à être visé avant la fin des pourparlers, n'avait aucune préparation. Ce n'est que quelques heures avant le début des frappes que Téhéran a été informé de leur imminence via un pays arabe.

C'est dans ce contexte que les hauts commandants du Corps des Gardiens de la Révolution Islamique se sont réunis en urgence à 3 heures du matin pour trouver une solution, avant d'être tous assassinés par Israël. Il s'agit de la plus grande opération d'assassinat de hauts commandants militaires en une seule attaque depuis des décennies.

Mais il faut souligner une réalité fondamentale : l'Iran n'a ni bombe atomique, ni programme récent pour en fabriquer une. L'expérience amère de la guerre de huit ans contre l'Irak, durant laquelle l'Iran était seul au monde, a poussé ses dirigeants à envisager un programme balistique et nucléaire pour garantir sa propre défense. Dans la situation actuelle, la seule chose qui donne à l'Iran une capacité de résistance face à Israël, ce sont ses missiles. 

Cellules dormantes et armée secrète israélienne en Iran

Un phénomène troublant dans cette guerre est l'activation de vastes cellules dormantes et l'infiltration de commandos israéliens en Iran. Il a été rapporté que les forces israéliennes avaient établi une base de drones en Iran et y avaient introduit du matériel sophistiqué. Dès la première frappe aérienne, ces cellules ont transporté par camion des micro-drones vers Téhéran et d'autres villes pour attaquer des cibles militaires et civiles. Des informations sur des attentats à la voiture piégée, rappelant le modus operandi de Daech, ont également circulé. Cette armée secrète a permis à Israël une identification précise de nombreuses cibles.

Dans la vidéo que vous voyez ci-dessous, l'un de ces camions tombe dans le piège de la police et se fait exploser.

© Shafee Saeed

L'agression d'Israël est illégale au regard du droit international. Cependant, le système international, incapable depuis plus de 75 ans de sanctionner Israël et de demander des comptes à ce régime génocidaire, ne pourra pas non plus l'empêcher de poursuivre ses attaques. L'Iran n'a donc d'autre choix que de résister et de tenter d'infliger le plus de dommages possible à Israël, dans l'espoir qu'un équilibre minimal des forces mène à l'arrêt de la guerre. Une entrée directe des États-Unis dans ce conflit changerait cependant radicalement la donne.

Le scénario israélien : changement de régime 

Le scénario qu'Israël met en œuvre est clair, et il est devenu encore plus évident lors de l'interview menée par les « mercenaires » d'Iran International (média pro-israélien) avec Netanyahu. Le projet est officiellement le « changement de régime » en Iran, un concept néocolonial qui se déploie en deux étapes.

Première étape : La destruction de l'Iran sur le modèle de Gaza.
La méthode utilisée pour bombarder l'Iran, et surtout Téhéran, présente des similitudes stupéfiantes avec le scénario de génocide à Gaza. Pourtant, une partie des Iraniens persiste dans le déni (voir le communiqué hypocrite de Narges Mohammadi). Dans cette phase, les chefs militaires, les installations nucléaires et balistiques, puis les infrastructures du pays ont été ciblés. La prochaine étape visera probablement les dirigeants politiques, notamment l'Ayatollah Khamenei.

Deuxième étape : Le soulèvement du peuple.
Toutes ces actions poursuivent un seul objectif : provoquer un soulèvement populaire contre le régime. Netanyahu l'a déclaré ouvertement : « Cela a créé une opportunité pour le peuple iranien de renverser le régime. [...] L'heure de votre libération est proche. »

Il sait comment instrumentaliser les frustrations du peuple iranien : « Ils vous ont appauvris. [...] Ils tirent sur vos femmes. Cette femme courageuse, Mahsa Amini, ils l'ont battue pour ne pas avoir porté de voile et l'ont laissée mourir. »

Un individu qui a commis un génocide à Gaza ose parler ainsi parce que ses conseillers – monarchistes et autres factions de la droite iranienne – l'ont convaincu que la haine du peuple envers la République Islamique est telle qu'elle a annihilé toute capacité de jugement. Ce peuple, abreuvé du slogan « Ni Gaza, ni Liban » lors du Mouvement vert de 2009, serait incapable de voir le massacre des Gazaouis. Ainsi, même en émettant pour Téhéran les mêmes ordres d'évacuation que pour Gaza, Netanyahu est certain que le peuple a perdu sa faculté d'analyse.

En un mot, sa stratégie repose sur une conviction : le peuple iranien veut la chute de ce régime, peu importe le prix. Pourtant, après six jours d'attaques israéliennes, aucun soulèvement populaire ne s'est matérialisé, déjouant, semble-t-il, les pronostics de Netanyahu et des monarchistes iraniens.


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