« Ce qui se dit sous nos cocotiers est inaudibles, un non-dit »
Interview exclusive de Saïd-Ahmed Saïd-Abdillah
Président du Parti Comores Alternatives (PCA)
www.lemohelien.com: Vous vivez entouré de tous ces livres, dont certains sont écrits par de grands hommes d’État ou parlent d’eux, des livres sur le pouvoir politique, l’économie et la banque. Dois-je vraiment vous prendre au sérieux quand vous dites que vous dirigerez un jour les Comores? Êtes-vous en train de vous y préparer?
Saïd-Ahmed Saïd-Abdillah:
Tout d’abord je vous remercie, vous et votre équipe qui gérez ce site d’information. Vous n’êtes pas sans savoir que chaque homme politique se prépare d’une manière ou d’une autre à diriger son pays ou à prendre part avec celui qui le dirige. Et pour cela, il ne suffit pas d’avoir un nom ou un parti politique mais aussi et surtout des idées, des projets et des convictions pour le présent et l’avenir du peuple et de son pays. Les livres, oui ce sont des richesses inépuisables pour nous éduquer et nos orienter en nous imprégnant des connaissances et des expériences des autres. Il n’est pas anodin que le miracle que Dieu -qu’Il soit exalté- a donné à notre prophète Muhammad, (paix et bénédiction d’Allah soient sur lui et sa famille), est le livre- le Saint-Coran. Est –cela peut prouver ma détermination envers mon objectif politique : le pouvoir ? L’histoire nous dira. Je dois faire et agir pour l’intérêt de mon pays et le peuple Comorien. L’histoire et Dieu nous jugeront.
www.lemohelien.com: Vous qui êtes le chantre du souverainisme comorien, vous répétez ces derniers temps que Mayotte s’achemine vers l’évolution de son statut juridique au sein de la République française. Pouvez-vous en dire plus?
Saïd-Ahmed Saïd-Abdillah:
Je conçois que le premier rôle de notre politique étrangère est la défense de notre souveraineté nationale et avant des intérêts économiques qui ne sont pas de moindre. Il s’avère que nous avons une indépendance inachevée, comme vous le savez, à cause de l’occupation par la France d’une partie de notre territoire, Mayotte, et de l’usage d’une monnaie coloniale imposée aussi par la France. Aujourd’hui, il y a en France, un nouveau président de la République, jeune, qui n’a pas connu le colonialisme, qu’il qualifie de « crime contre l’humanité ». Or, la question de Mayotte est totalement liée au colonialisme et à une décolonisation inachevée de notre pays, dont la France ne s’honore pas sur la question vis-à-vis du monde et aussi de sa philosophie d’un pays de lumières et des droits de l’homme. Emmanuel Macron, le nouveau président français, qui associe l’acte à la parole fait un geste envers les Comores et le peuple Comorien par la feuille de route « qui veut éviter le drame humain ». Plus de 10.000 morts gisent au fond du bras mer qui sépare deux territoires Comoriens Mayotte et Anjouan.
A ma surprise et peut-être à la surprise d’autres Comoriens, cette démarche française a été prise à la légère par notre ministère des affaires étrangères et par notre Ambassade à Paris. La feuille de route a été écrit et décidé à Paris, et c’est ici que le combat doit y être mené et non sous nos cocotiers. Les séparatistes Comoriens de Mayotte se sont mobilisés, et ont manifesté, en France et à Mayotte. Ils ont fait pression sur le gouvernement français jusqu’à obtenir, pas la suppression, mais la suspension de la feuille de route. Mais que faisons-nous du côté de l’Etat Comorien ? C’est le silence radio, et tout le monde, y compris notre ministère des affaires étrangères, se braque sur les assises comme si c’était un programme politique. Notre diplomatie oublie son rôle principal : la défense des intérêts de notre pays et sa souveraineté.
A Paris notre Ambassade est silencieuse et n’a même pas daigné mobiliser notre forte diaspora pour faire une contre-manifestation. Notre diaspora pèse plus de 300.000 électeurs en France. Elle pèse trois fois plus que l’électorat des Comoriens de Mayotte. Elle n’a pas fait une campagne de communication par la télévision, la presse, la radio et les blogs ou du lobbying auprès du gouvernement français. Ceci est d’autant plus écœurant qu’ on voit à Paris l’ambassadeur d’Espagne, pays voisin de la France , faire une campagne médiatique en occupant toutes les chaines d’informations française pour défendre l’ intégrité territoriale de son pays et combattre les indépendantistes catalans. Pourtant ce qui se dit en Espagne peut être étendu à la France. L’ambassadeur d’Espagne sait que la France, plus particulièrement à Paris, est le centre du monde. Tout ce qui est dit à Paris est entendu dans le monde entier. Ce qui se dit sous nos cocotiers est inaudible, un non-dit, et ne dépasse même pas les ombres des feuilles de ces cocotiers.
Réveillons-nous pour être en harmonie avec le temps et la réalité. Regardons comment ont fait le gouvernement et le peuple espagnols pour défendre leur souveraineté. Chez nous, la feuille de route est comme un non évènement. Or, je crains les mêmes erreurs d’antan, en nous occupant à arroser le jardin plein des feuilles mortes au moment où la maison brûle. Il n’est pas encore trop tard. Prenons le risque de grimper sur le cocotier afin d’arracher les noix de coco au lieu d’attendre qu’elles tombent par terre pour nous limiter à leurs ramassages.
www.lemohelien.com: Quelle lecture aviez-vous faite de la feuille de route signée par la France et les Comores et dont on ne parle plus?
Saïd-Ahmed Saïd-Abdillah:
La feuille de route marque une nouvelle vision de la France sur la question de Mayotte. Cette vision de la France, jadis incarné par le général de Gaulle, qui ne veut plus de « cailloux à gauche et à droite » mais une France forte et qui pèse au niveau mondial. Cette vision a été défendue par Valéry Giscard d’Estaing qui ne voulait diviser un petit pays de l’océan indien. On peut remarquer qu’Emmanuel Macron a beaucoup des similitudes avec Valery Giscard d’Estaing : énarque, ministre des finances etc. Au vue de nos réactions, cette feuille de route a été une surprise, le plus inattendue, auprès de nos dirigeants politiques, toutes tendances confondues. La France a suspendu la feuille de route et a décidé seule que les Comoriens de Mayotte prendront part aux prochaines discussions.
Les Comores doivent refuser la présence des élus des Comoriens de Mayotte. Nous ne reconnaissons aucune élection fait dans l’île occupée par la France. Les accepter est une violation de toutes les résolutions des Nations Unis sur la question de Mayotte. Nous n’avons aucun intérêt à céder aux caprices malsains des séparatistes des Comoriens de Mayotte.
www.lemohelien.com: Alors que les Comores ont toujours commis l’erreur de refuser toute négociation avec les Mahorais, comment jugez-vous la petite phrase de Mohamed Elamine Soeuf: «Les Mahorais sont incontournables»?
Saïd-Ahmed Saïd-Abdillah:
L’erreur n’a jamais été le refus de parler avec les Comoriens de Mayotte que vous appelez les mahorais.
www.lemohelien.com: Mon bon Monsieur, des gens vivent à Mayotte : les Mahorais. Ils n’ont pas de cornes, et ce n’est pas moi qui les ai créés. N’avez-vous jamais vu un Mahorais ?
Saïd-Ahmed Saïd-Abdillah :
Que seriez –vous sans vos moqueries ? Toujours est- il que nous n’avions aucuns problèmes avec les Comoriens de Mayotte et surtout avec les séparatistes. Chacun comorien de Mayotte est libre individuellement de choisir sa patrie, mais, Mayotte c’est Comores. Que celui qui ne l’admet pas la quitte. Rendre ces frères « incontournables » pour ce problème, c’est insulter nos aînés qui ont lutté et proclamés l’indépendance, et les Nations unies, qui nous ont reconnu notre Etat le 12 novembre 1975. Azali Assoumani avait récusé une réunion qui devrait faire venir des élus des Comoriens de Mayotte. Il fallait respecter la politique conduite jadis par nos ainés et soutenue par la communauté internationale.
www.lemohelien.com: Maintenant, les Comores s’acheminent vers les assises de la division et de la haine. Comment jugez-vous la composition de leur Comité de Pilotage?
Saïd-Ahmed Saïd-Abdillah:
Arrêtez de dire des choses qui n’existent pas. Vous pouvez avoir votre opinion et vous en êtes libre mais ne dites pas n’importe quoi .Par contre je me pose des questions sur la composition du comité de pilotage et d son rôle, voire de son utilité et surtout du nombre de ses membres. J’avais compris que le mouvement de 11- Août constituait la base fondamentale de pilotage de ces assises dont, il est l’initiateur. L’Etat, pour moi, est la caution morale, matérielle et institutionnelle de ces assises. Et pour cela il n’avait pas besoin d’envoyer une pléthore des gens qui risquent de flouer le pilotage des assises. J’ai évoqué le cas de nombre mais aussi celui de la composition ou de la représentation. On nous parle entre autres du bilan depuis notre indépendance. N’est-il opportun de faire intervenir des gens qui ont participé à la gestion de notre depuis l’autonomie interne et la diaspora, qui n’y est ni citée, ni impliquée? N’y a-t-il pas une place pour notre diaspora ?
www.lemohelien.com: Comment jugez-vous l’éjection du Comité de Pilotage de votre ami et partenaire Achirafi Saïd Hachim, surtout quand certains attribuent ce limogeage à votre autre partenaire de mendicité politique qu’est Saïd Larifou?
Saïd-Ahmed Saïd-Abdillah:
Notre frère et partenaire politique comme vous le dites, l’ancien candidat au scrutin présidentiel de 2016, Achiraf Said Hachim a été membre de la première monture du comité de pilotage. J’ose espérer que celle-là n’est pas la monture définitive pour piloter les assises. Pour l’efficacité nous espérons avoir un comité de pilotage réduite et solidaire.
www.lemohelien.com: Comment percevez-vous l’opposition des Mohéliens et des Anjouanais à ces assises?
Saïd-Ahmed Saïd-Abdillah:
Je vous demande d’arrêter de jouer le jeu des séparatismes.
www.lemohelien.com: Quelle mauvaise foi ! Le séparatisme vient des politiciens grands- comoriens qui prêchent ces assises par mépris et rejet des Anjouanais et des Mohéliens ?
Saïd-Ahmed Saïd-Abdillah
Il y a des personnes ou des tendances politiques qui ne partagent notre vision ou notre manière de mener le pays et non pas les îles. Je trouve que vous n’évoluez pas en croyant que les îles appartiennent à d’autres qu’aux comoriens. Nous formons un seul peuple, une seule nation et une seule religion, que cela vous plaise ou non.
C’est la réalité de notre histoire commune, et nous la défendons. Nous acceptions qu’il y ait une différence de points de vue, et cela fait partie de la normalité d’une nation. Je sais qu’il y a des gens et des partis politiques qui s’opposent à ces assises et pas seulement à Anjouan et à Mohéli. Mais ils ne doivent pas empêcher leur tenue et leur bonne marche. Je regrette que le gouverneur d’Anjouan joue la politique de la chaise vide. Cela ne l’honore pas et n’est pas en faveur de l’image de l’île.
www.lemohelien.com: Quelle est l’utilité de ces assises et comment voyez-vous l’avenir des Comores après leur tenue?
Saïd-Ahmed Saïd-Abdillah:
Les assises nous permettront de faire un bilan de 42 ans d’indépendance dont celui de quinze ans de la tournante, comme l’ont annoncé les initiateurs. Pour nous, ils nous permettront d’adapter nos institutions à nos capacités et besoins. Nous espérons avoir un pays apaisé et en marche vers l’émergence, après les assises.
www.lemohelien.com: Quelle relation établissez-vous entre ces assises et le mensonge sur l’impossible «émergence»
Saïd-Ahmed Saïd-Abdillah:
Il n’y a pas de mensonge sur la volonté d’Azali Assoumani de mettre le pays sur la voie de l’émergence. L’émergence des Comores est possible et nous nous mobilisons dans ce sens afin de l’aider. Les assises nous ferons profiter de talents de tous les comoriens afin de créer l’harmonie avec la politique de développement socioéconomique
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www.lemohelien.com: Votre chef Azali Assoumani parle d’«émergence à l’horizon 2030», et le Prince héritier d’Arabie Saoudite de «Vision 2030», pendant que l’un et l’autre sont lancés dans la chasse aux adversaires. Dans le cas de l’Arabie Saoudite, s’agit-il de lutte contre la corruption ou de règlement de comptes, comme aux Comores, avec la Commission parlementaire enquêtant sur la «citoyenneté économique»?
Saïd-Ahmed Saïd-Abdillah:
Azali Assoumani est le chef de tous les Comoriens. Que cela vous plaise ou non.
Il y a une très grande différence entre la politique mené le Prince héritier Saoudien et le travail de la commission d’enquête parlementaire de notre pays.
L’Arabie Saoudite, un pays peuplé de 26 millions d’habitants, dont 70% ont moins de 30 ans, a la vocation d’être la première puissance politique du monde sunnite. Le Prince héritier veut le mettre en symbiose avec le monde moderne et rajeunir l’âge des dirigeants en luttant, en même temps, contre la corruption. Cela n’est pas une tâche facile à réaliser et nous ne pouvons que le souhaiter bonne chance pour éviter l’implosion du pays.
Pour les Comores, la commission d’enquête parlementaire travaille sur la citoyenneté économique et les fonds qui ont été détournées. Nous osons espérer que ceci ne soit pas uniquement une comédie musicale. Il faudra, par la suite, que la justice se saisisse des dossiers pour mieux établir les faits et juger.
Il faudra aussi une commission d’enquête sur la douane et les sociétés d’Etats dont des fonds ont été volatilisés.
www.lemohelien.com: L’ancien Président Ahmed Sambi a demandé une audition publique pour que les Comoriens comprennent tout sur la «citoyenneté économique». Trouvez-vous normal qu’on refuse la transparence dans un pays qui fait trop de bruits autour du mot «émergence»?
Saïd-Ahmed Saïd-Abdillah:
L’audition a été déjà et je pense d’une manière apaisée. La faire à huis clos comme pour les autres personnalités politiques auditionnées n’est pas un signe d’absence de transparence. C’est juste mettre tout le monde sur un pied d’égalité.
www.lemohelien.com: Il y a trop d’incendies aux Comores ces derniers temps. S’agit-il d’un problème structurel d’insécurité?
Saïd-Ahmed Saïd-Abdillah:
Ces incendies nous inquiètent beaucoup, surtout qu’ils se répètent. Il y a aussi les faits que ce sont des véhicules d’autorités publiques de premier ordre qui brûle. Peut-on les classifier comme des délits à caractères politiques ou des haines isolés. Il faudra que nos autorités chargées de la sécurité nous en disent plus et mettent la main sur les coupables