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Billet de blog 3 mai 2023

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Mayotte : le jeu des amalgames, contre-vérités et enjeux géopolitiques

On assiste avec l’opération « Wuambushu » à un formidable amalgame des faits et de contre-vérités. Cet alliage qui consiste à mettre dans un « package tout-en-un » jeunes délinquants, clandestins et populations en situation régulière, ne peut qu’embrouiller les esprits de ceux ou celles qui ont le désir de voir et de savoir.

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

On assiste avec l’opération « Wuambushu » à un formidable amalgame des faits et de contre-vérités, sans doute volontaire pour les mieux avertis et inconscient pour les autres. Cet alliage qui consiste à mettre dans un « package tout-en-un » jeunes délinquants, clandestins et populations en situation régulière, ne peut qu’embrouiller les esprits de ceux ou celles qui ont le désir de voir et de savoir. Cette façon de présenter les choses sème et entretient la confusion au sein de l'opinion publique française, peu informée. Mayotte, l’un des derniers confettis de l’l’Empire colonial français, à dix mille kilomètres de la France, c’est loin!

« Wuambushu » cible essentiellement la communauté comorienne originaire de l’Union des Comores, toujours présentée comme le bouc émissaire de tous les malheurs dont souffre Mayotte. Cette opération qui mobilise plus de mille huit cents  policiers et gendarmes, est affichée comme une action salutaire destinée à détruire des bidonvilles insalubres, à lutter contre la délinquance et les trafics de tous genres. 

Faut-il rappeler que beaucoup de ceux qu’on s’apprête à déloger sont des enfants, des femmes, des vieillards, des gens en situation régulière et même de nationalité française? Des personnes paisibles et sans histoires, qui ont leurs habitudes dans ce qui est devenu leur village. Tout ce monde va se retrouver dans la rue, du jour au lendemain, dans des conditions exécrables. 

Cette opération dénoncée tous-azimuts, par le Défenseur des droits, le président de Commission Nationale Consultative des Droits de l’Homme, des associations humanitaires, l’U.N.I.C.F., le syndicat de la Magistrature, le syndicats CGT, les partis politiques de Gauche etc, est présentée par le gouvernement français, acculé de toute part, comme une réponse à une revendication mahoraise. Ceci est accrédité par les manifestations organisées à Mayotte en soutien à cette action.

La députée mahoraise Estelle Youssouffa, aux idées xénophobes, proclame sur tous les plateaux de télévision, que « Wuambushu » est une réponse à la demande des Mahorais. Cette élue anti-comorienne décomplexée, n’a pas hésité à déclarer sur CNEWS : « Il faut exterminer ces vermines et en finir avec ces jeunes délinquants ». Le vice-président du Conseil général de Mayotte Salim Mdéré n’a pas hésité à appeler au meurtre des jeunes délinquants, sur le plateau de Mayotte 1ère « il faut les tuer et je pèse mes mots ».

Au lieu de s’attaquer aux racines du mal, les élus exploitent à des fins politiciennes la situation de délinquance et de violence qui sévit dans l’île et empoisonne la vie de la population. Cette jeunesse responsable de la délinquance et des émeutes sur la voie publique est constituée d’une majorité de jeunes sans famille, élevés par la rue - les parents étant expulsés - mais d’autres sont issus de familles mahoraises pauvres. Faut-il rappeler qu’on ne naît pas délinquant ? On le devient dans une situation sociale donnée !     

Il convient de relever qu’il n’existe aucune statistique officielle qui étaye les affirmations fallacieuses des élus mahorais qui attribuent cette violence exclusivement aux jeunes issus des populations venues de l’Union des Comores. La sociologue Elise Lemercier, Maîtresse de Conférence à l’Université de Rouen, qui a réalisé des enquêtes qualitatives sur le terrain dans les villages et auprès des tribunaux, portent sur ces faits de violence un éclairage qui dément ces affirmations tendancieuses : « Ces phénomènes de violence entre bandes dans l’espace public sont des regroupements de jeunes qui ont grandi ensemble à l’échelle de leurs quartiers ou de leurs villages, et non pas sur des bases de nationalité ou d’origine.»

Le Docteur Lionel Buron, médecin psychiatre en poste à Mayotte depuis vingt ans, parle dans le journal Ouest-France du 31 décembre 2022 de « la folie d’un archipel comorien morcelé », en montrant que la balkanisation des Comores en 1975 avait posé les jalons d’un premier type de violence : « celle de la discrimination en faisant naître  une différence ethnique entre Mahorais et Comoriens. » Il fait une analyse critique de la relation ambivalente entre la France et ce nouveau département.

Le sociologue Nicolas Roinsard, maître de conférence à l’université de Clermont-Auvergne, parle dans son livre Une situation postcoloniale, Mayotte ou le gouvernement des marges des liens anciens abîmés par la départementalisation et souligne qu’ils ont été le plus souvent médiatisés par des pratiques familiales et ignorés par l’Administration.

Il précise qu’au-delà d’un discours autour du rejet du Comorien : «Quand on mène des observations à des  niveaux microsociologiques à l’échelle du couple, de la famille, du village, de la mosquée, de l’école coranique, il y a des liens qui sont toujours actuels à travers une même culture bantou-islamique, un partage de normes morales et sociales. Quand on regarde le marché matrimonial, un tiers des unions sont mixtes. Le plus souvent, le mari est Mahorais et la femme de l’Union des Comores. On voit que l’étranger redevient semblable. L’intégration de Mayotte à la France avec la départementalisation participe de nouvelles frontières sociales. On va produire du point de vue politique des frontières de nationalité où le Comorien est autre. La départementalisation participe des nouvelles frontières sociales. Mais d’un point de vue anthropologique, il existe toujours ces voies d’intégration par la matrilocalité, lorsqu’on se marie, l’homme va vivre dans le village de sa femme. »

Il faudrait nuancer une vision simpliste d’une population mahoraise qui serait farouchement hostile aux Comoriens des trois autres îles. En côtoyant de près les femmes et les hommes mahorais dans leur quotidien, on se rend compte que beaucoup d’entre eux vivent en parfaite harmonie, dans le quartier et dans la mosquée ou dans les cérémonies coutumières et religieuses, avec les frères et sœurs venus de l’autre côté de la rive. 

En fait, beaucoup de ceux qui vont grossir les manifestations dans la rue ne font que suivre le mouvement, par peur de représailles. Un phénomène connu des années 1970, précédant l’Indépendance et qui a laissé des traces. 

L’envoyé spécial du quotidien Le Monde à Mayotte, qui assistait à l’époque à des scènes de représailles des commandos de choc appelés « les soroda » à l’égard des unionistes surnommés « les serez-la main », n’hésitait pas à parler d’un terrorisme condamnable, qu’il décrivait en ces termes :  « Le mauvais parti auquel sont exposés les gens qui sont tenus pour des traitres à la cause mahoraise et en quelque sorte pour des collaborateurs : bastonnades, mise à l’amande au profit de la mosquée, exclusion de la communauté lors des fêtes et des cérémonies traditionnelles, boycottage pour les commerçants. A ces châtiments, risque de s’ajouter un redoutable supplice importé de Madagascar et pratiqué par les dames : la chatouille. Les troupes de choc du mouvement séparatiste n’hésitaient pas à incendier les cases et les maisons des serrez-la-main, les pro-gouvernementaux, partisans de l’unité des Comores, si nécessaire.»

A vrai dire, le Mahorais lambda n’a pas de ressentiment à l’égard de ses frères comoriens. Sinon, comment expliquer que beaucoup de Mahorais hébergent des sans-papier arrivés à Mayotte par Kwassa-Kwassa et leur fournissent des attestations de domicile ou de prise en charge pour les aider à régulariser leur situation administrative ? 

En fait, le ressenti anti-comorien généralisé n’a pas de fondement réel. C’est avant tout une instrumentalisation par l’élite gagnée par le mode de vie individualiste occidental : le gratin mahorais qui ne fréquente pas cette population souvent démunie. 

Si on revient sur les justifications avancées par Gérald Darmanin face au lever de boucliers de ceux attachés au droit et aux valeurs humanistes, tous les délogés en situation régulière seront relogés. Tout le monde sait que l’obligation de relogement exigée par la loi française ne sera pas respectée. On le sait, à Mayotte les possibilités de proposer d’autres lieux d’habitation sont quasiment inexistantes. Les précédentes opérations de « décasages » de moindre ampleur, ont montré que la plupart des expulsés, même ceux qui sont en situation régulière, ne sont pas relogés.

D’ailleurs, la décision du tribunal administratif de suspendre la première opération  de destruction de Talus 2, dans le quartier Majicavo, est motivée par le fait que les conditions exigées par la loi pour procéder à la destruction d’habitat insalubre ne sont pas remplies. 

Toutefois, le préfet ayant interjeté un appel, il y a de fortes chances qu’il obtienne gain de cause et que la courageuse décision rendue en première instance soit annulée. Mais on voit mal comment une opération qui a nécessité le déplacement de toute cette armada militaire venue de Paris pourrait être arrêtée!

À l’heure actuelle, « Wuambushu » semble battre de l’aile. Du côté comorien, les autorités, sous la pression de la population, refusent  d’accueillir les expulsés « qui sont chez eux à Mayotte ». Tant que le contentieux franco-comorien sous-jacent au statut de cette île - qui constitue le fond de ce problème - n’est pas résolu, la question migratoire restera posée. 

L’Union des Comores considère toujours que Mayotte fait partie intégrante de l’État comorien, en vertu de la règle de droit international de l’invincibilité des frontières, alors que la France se base sur celle de l’autodétermination des peuples pour justifier sa présence sur cette île, deux prescriptions qui semblent en contradiction. Qu’en est-il exactement ? 

Le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes, devenu le cheval de bataille de la France pour justifier sa présence sur l’île comorienne, est difficilement concevable pour le cas d’espèce, les habitants de cette île ne constituant pas un peuple différent de celui des trois autres.

La célèbre Résolution1514 adoptée le 14 décembre 1960 par l’Assemblée Générale de l’O.N.U. sur « l’octroi de l’Indépendance aux pays et peuples coloniaux, appelée communément Charte de la décolonisation - confirmée et précisée dix ans plus tard, par la Résolution XXV relative au principe de droit international touchant les relations amicales entre les États - affirme que l’autodétermination des peuples « ne peut être interprétée comme autorisant ou encourageant une action quelle qu’elle soit, qui démembrerait ou menacerait totalement ou partiellement l’intégrité territoriale ou l’unité politique de tout État indépendant.»

La pratique onusienne depuis les années soixante n’a fait que confirmer cette interprétation émancipatrice selon laquelle « auto-détermination veut dire décolonisation ». Le droit international proclame en quelque sorte une obligation des États colonisateurs de décoloniser. L’autodétermination n’est prise en compte par l’ONU que dans la mesure où elle constitue un instrument de la décolonisation.

Cette conduite onusienne ne prend pas en considération l’expression de la volonté populaire si elle porte atteinte à l’intégrité d’un État. C’est le cas de la République populaire du Congo, avec la tentative sécessioniste du Katanga, où les forces de l’O.N.U. sont intervenues pour rétablir l’intégrité territoriale du Congo. Citons également le cas du Biafra avec le Nigéria, qui avait fait sécession et, soutenu à l’époque par le général De Gaulle et qui n’a jamais été reconnu par les Nations-Unies.

Toutefois, plus près de nous, il y a eu l’exception du cas du Kosovo, qui a proclamé son Indépendance 17 février 2008. Le drame des crimes abominables commis par les dirigeants serbes sur des bases ethniques et religieuses, qui ont secoué les esprits et les consciences, expliquent cette dérogation au principe de l’intangibilité des frontières et de l’intégrité des États. Le concept de peuple prend ici un contenu réel. Les Kosovars constituent un peuple différent des Serbes, avec une identité propre, du point de vue de la culture, et de la religion notamment.

La notion d’une « sécession-remède » a été évoquée pour justifier cette entorse au principe sacro-saint de l’intangibilité des frontières. C’est pourquoi la centaine de pays qui ont reconnu l’Indépendance du Kosovo, notamment les Européens, l’ont fait avec beaucoup de prudence et de précaution, pour ne pas créer un précédent. 

Rappelons qu’en 1968, les habitants de Rodrigues avaient refusé massivement (96%) l’indépendance accordée par le Royaume-Uni à Maurice.  Cette situation ressemble de beaucoup à celle de Mayotte : rappelons qu’au référendum d’autodétermination de 1974, les habitants de Mayotte avaient rejeté, dans une proportion moindre (64%), l’Indépendance du Territoire des Comores. 

C’est parce que le Royaume-Uni avait estimé qu’il ne devait pas agir contre le principe de l’intangibilité des frontières de Maurice au moment d’accéder à son Indépendance, qu’il a accordé l’indépendance à Maurice en intégrant Rodrigues. Et pourtant Rodrigues est situé à plus de 200 km de l’île Maurice alors que Mayotte n’est qu’à 70 km d’Anjouan, d’une part, et d’autre part la population de Rodrigues est différente de celle de Maurice (créolité plus prononcée à Rodrigues comparée à Maurice où l’apport indien est majoritaire).

En fait, ce principe du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes est instrumentalisé par la France pour justifier sa présence sur l’île comorienne. Le professeur de droit international et directeur du Centre européen universitaire de Nancy, Jean Charpentier, affirme à propos de l’autodétermination (in Mélanges offerts à Charles Chaumont, 1984) : « l’autodétermination met le droit international au service d’intérêts politiques, parfaitement respectables, sans être assuré que les conditions nécessaires pour qu’il remplisse sa fonction soient réunies. »

N’est-ce pas le ministre des Départements et Territoires d’Outre-Mer, Olivier Stirn, lui- même, qui affirmait dans le journal Le Monde, à la veille du Référendum d’autodétermination du 22 décembre 22 décembre 1974, que : « ce serait agir contre le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes, que de procéder à un référendum île par île ? Ou le président Valéry  Giscard D’Estaing qui, deux mois avant le référendum d’autodétermination de l’archipel des Comores, affirme lors d’une conférence de presse à l’Élysée, le 24 octobre 1974: « Je crois qu’il faut accepter les réalités contemporaines. Les Comores sont une unité, ont toujours été une unité, il est tout naturel que leur sort soit un sort commun…Nous n’avions pas, à l’occasion de l’indépendance d’un territoire à proposer de briser l’unité de ce qui a été toujours l’unique archipel des Comores ».

Dans son livre Les Confettis de l’Empire, publié en 1976, Jean-Claude Guillebaud, journaliste et écrivain, parle des outres-mers français s’interroge : « Ces poutres que trop de peuples portent allégrement dans leur œil, plutôt que de lui donner bonne conscience, ne devraient-elles pas inciter la  France à retirer du sien, d’une façon ou de l’autre (mais c’est le hic), cette paille qui ne l’embellit pas?  Que faisons-nous là? ». Ce constat sous forme d’interrogation qui date des années 1970 semble actuel, pour le cas de Mayotte! 

N'est-il pas temps, que l’élite mahoraise francisée à outrance avec la départementalisation, et traversée par ce qui ressemble à un drame  existentiel - avec la quête d’une identité par l’assimilation- se pose la question : « Qui sommes-nous ? ». La destruction de l’Histoire et la culture de la population mahoraise, comme semble le faire cette élite, ces dimensions « qui fondent l’âme » selon les ethnologues, n’est-elle pas irrémédiable ?

L’élite politique mahoraise qui s’est enfermée dans une logique isolationniste et une démarche irrationnelle qui fait fi des réalités d’un monde en mouvement, semble ne pas percevoir les intérêts stratégiques à moyen et long terme de la France dans cette zone du canal de Mozambique. Elle lui demande de rompre toute relation économique avec l’Union des Comores et même, au besoin, d’user de la force pour lui imposer de reprendre ses « ressortissants »!

Les élus mahorais, à l’instar de Mansour Kamardine, sont dans la lignée de cette journaliste qui tient des propos méprisants et colonialistes à l’égard de l’État comorien sur le plateau de CNews : « ce genre de pays, ça s’achète ou ça se menace ».

C’est en effet Mansour Kamardine qui demande au gouvernement français, dans un communiqué, le retrait de la nationalité française de toutes les autorités comoriennes ayant la double nationalité et de toute autre personne qui ne reconnaitrait pas Mayotte française, la fermeture complète du service de visa de l’ambassade de France à Moroni. Et qu’à l’avenir, tout Comorien sollicitant un visa ou un titre de séjour pour la France, reconnaisse par écrit l’appartenance de Mayotte à la France. Il propose d’interdire les transferts d’argent vers les Comores et demande même au ministère des Affaires étrangères de ne pas souscrire à toute aide destinée aux Comores à la Banque Mondiale, au F.M.I et à l’Union européenne. Il semble ignorer que dans le contexte actuel, la géopolitique dicte à la France de maintenir de bonnes relations avec l’Union des Comores. C’est pour la puissance française une nécessité incontournable si elle veut maintenir sa position dominante dans le bassin du canal de Mozambique. 

Aujourd’hui, elle n’est plus seule sur le terrain comorien comme auparavant. Elle est concurrencée par la Chine, qui est devenue le premier partenaire économique de l’Union des Comores. Les élus mahorais et les commentateurs politiques français ne cessent de mettre en avant l’octroi de 150 millions d’euros sur trois ans à l’État Comorien - évoqués par l’Accord de coopération signé en 2019 - en contre-partie de sa collaboration en matière de maîtrise du flux migratoire sur Mayotte.

Ils ignorent sans doute que seulement la somme de douze millions a été décaissée et le reste, soit les 80% , a été reconduit à la fin de l’année dernière, pour les trois prochaines années! Pendant ce temps, la coopération avec la Chine s’amplifie par la construction des infrastructures (routes, télécommunications et autres) en renforçant, chaque jour davantage, sa présence dans ce pays.

On peut comprendre que les enjeux énergétiques, qui se confirment dans cette sous-région, suscitent la convoitise des grandes puissances.

L’offensive diplomatique engagée en ce moment par la Russie en direction de l’Union des Comores est notoire, malgré qu’il soit le seul pays africain avoir dénoncé l’invasion russe de l’Ukraine. L’ambassadeur russe accrédité aux Comores avec résidence à Antananarivo, Andrey Andreev, multiplie ses allers et venir à Moroni. La visite d’un diplomate russe de haut rang, Oleg Ozerov, aux Comores à la fin du mois d’avril, en pleine crise « Wuambushu », et le drapeau russe hissé çà et là à Anjouan et à la Grande-Comore depuis l’annonce de l’opération Darmanin, ne peuvent pas laisser indifférentes les autorités françaises. C’est aussi pour le gouvernement comorien une façon de montrer à Paris que l’Union des Comores pourrait changer de camp. 

Rappelons que la France est en train de perdre pied dans son pré-carré africain. C’est tout de même sa présence prépondérante africaine qui lui donnait jusqu’alors une place majeure dans l’échiquier politique mondial, en dehors de la dissuasion nucléaire et son droit de veto au Conseil de Sécurité.

Mayotte, qui reste une épine dans les pieds de la France depuis 1975, peut lui faire mal dans le contexte d’aujourd’hui. Elle doit en prendre garde. Son assise confortable sur cette zone risque d’être ébranlée par les nouveaux venus dans ce qui fût longtemps sa chasse-gardée. 

Les manœuvres militaires récentes effectuées par la Chine et la Russie avec la République Sud-africaine dans le bassin du canal de Mozambique sont un signe fort de la contestation de l’hégémonie de la France dans cette sous-région du sud-ouest de l’Océan Indien.

Face à ces réalités géopolitiques nouvelles, la politique française de « tout Mayotte », n’a-t-elle pas perdue de sa pertinence? 

Dans l’éventualité d’une installation d’une base militaire chinoise ou russe en Union des Comores (qui n’est plus une fiction dans le contexte actuel), la présence française à Mayotte, qui semble solide aujourd’hui, ne se retrouverait-elle pas fragilisée? L’avenir nous le dira…

Saïd Omar ALLAOUI, directeur de La Gazette des Comores et ancien ambassadeur itinérant 

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