Des perles de la Lagune aux cailloux des Rivières du Sud
De Paris (Per Isis, la maison d’Isis), je suis allé aux Perles des Lagunes, présider le Jury du Festival international des films de la Lagune initié par la grande actrice Naky Sy Savané qui en est à sa cinquième édition, qui rapatrie ainsi ce grand moment de l’image et du miroir qui renvoie l’Afrique à elle-même, pleine de bruits et de fureurs. Grands hôtels flambant neuf – où sont donc passés la guerre et ses ravages ? – J’étais d’abord logé au Marly, jouxtant la résidence de Yacé (Philippe) et les pieds dans la lagune. Le grand luxe. Mais il y en a partout. De la Zone 4 à Treichville, de Marcory à Abobo même, en passant par les 2 Plateaux, où la Caisse de Stabilisation, les gratte-ciel administratifs dressent toujours leur orgueilleuses tours.
Je ne reconnais presque plus Abidjan, tellement tout est remis à grouiller dans le luxe, la pauvreté, l’insolence, la bouffe et la rareté des tais-toi (10 000 CFA), du moins pour Moussa de Côte d’Ivoire. Cependant seuls les initiés voient les séquelles de la guerre. La RTI que chacun a vu décomposée, que moi-même j’avais laissée ça et là salpêtreuse, est devenue un vrai bijou, meublé, équipé, avec de nouveaux studios. Et les cadres et techniciens sont devenus plus studieux. On ne peut plus passer aux émissions gratis ou avec un « coutcha » (dessous de table.
« Bokoum, tout est devenu maintenant clair, il faut payer et on te donne une facture », me dit un peu nostalgique, Ricardo Somoune, devenu patron des réalisateurs alors que je l’avais laissé en 1991 simple réalisateur de la messe du 20 heures. Le CAFAC dont j’ai participé à la création et où j’ai avec d’autres assuré la formation de cinq promotions d’acteurs du développement culturel, le CAFAC est devenu l’INSAC qui a avalé l’INA, l’Ecole des Beaux arts, l’Ecole de musique, etc.
Les étudiants du CAFAC sont tous devenus des « patrons » aujourd’hui, me dit un préposé à la santé des voyageurs de l’aéroport qui n’a jamais été un hangar et qui est devenu un aéroport répondant aux standards internationaux. Il voulait à tout prix me faire vacciner pour la deuxième fois de la fièvre jaune en moins de trois ans. Il affirma que je l’avais recalé à l’entretien pour postuler à la candidature au CAFAC ! Et que donc je devais accepter une seringue dans un cagibi des tropiques. Abidjan n’est pas Conakry, mais tout de même !
Tout Abidjan est pratiquement cisaillé de larges artères bitumées. La Riviera en est à ses 4è ou cinquième avortons. Les immeubles Elias, autrefois fleurons des appartements de Côte d’Ivoire, font presque triste mine à côtés des palaces à la nouvelle architecture afro-orientale, comme à Bamako, au Sénégal, etc.
Il reste que matin et soir il y a le cantique de la réconciliation nationale. Ce ne sera pas pour demain. Il y faudra plusieurs « Allocodrames » (1) pour éviter la résurgence des irrédentismes politico-revanchards.
A suivre)
Salut de soleil, salut de fatigue !
Depuis l’Hôtel Sébroko,
Wa Salam,
Saïdou Nour Bokoum
Note (1) : Titre de la dernière pièce de théâtre que j'ai créée en Abidjan en 1990, prémonitoire des drames qui allaient survenir une décennie plus tard, mais je n'étais plus là..