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Ecrivain metteur en scène, fonctionnaire, enseignant université Paris 8 Saint-Denis (retraité). auteur de CHAINE roman, édi. Denoel 1974, nominé au Goncourt 1974

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Billet de blog 14 janvier 2013

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Tristes tropiques ou carnet d’un routard 4 : la bêtise et le béton armé ont chassé le sable et la mer

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Dieu est comme la mer, Il se dévoile en se retirant (Hölderlin cité par W. Sassine)

Dix-huit ans en Europe. Dix-huit ans en Afrique. Revenu, comme une greffe rejetée, j’en suis à la treizième année en Europe au moment où je viens de « faire valoir mes droits à la retraite », dans ce dernier virage de ma vie. C’est dire que j’ai répondu, in chââ Allah, à la question :

To be or not to be?

Le problème, c’est où en finir avec “ça” ?

Si j’avais quarante ans, la question ne se poserait pas. Rentrer au pays devenu corps sans organes (Gilles Deleuze, l’Anti-Œdipe ou Mille Plateaux, je ne sais plus) et participer au coup de balai historique de ces abats de bouchers armés de décrets-haches, de lois-kalaches et en finir avec ce demi-siècle qui menace de nous engloutir dans les déchets de l’Histoire et nous faire regretter les 60 ans de règne des « rois de la brousse », les commandants casqués qui se plaisaient à botter les fesses des Nègres, sans jamais oublier le droit de cuissage.

 J’ai fait le tour de Conakry, sans jamais avoir pu mettre le pied sur sa circonférence.

Autrefois, jadis, il y a vraiment longtemps de cela, lycéens, nous réussissions ce tour de force, un bonheur, en marchant une journée, les samedis et les dimanches, sur le sable fin depuis le Lycée Donka, rasant les parages du cinéma Le Club (ou un autre ?) aux abords de l’actuel Centre culturel franco-guinéen Kouyaté Sory Kandia, face à l’actuel – défunt – cinéma Liberté; nous longions ainsi cette infinie plage, contournions le port, l’Hôtel de France, actuel Novotel, « réceptif » décati géré  par un certain « Capi », ce n’est pas un vain jeu de mot, qui n’a pas voulu attendre 80 ans pour avoir « son décret », ensuite nous passions derrière les deux « gratte-ciel » de Boulbinet où l’eau et l’électricité montaient jusqu’au 10ème ou 11ème étage eh oui, ensuite la Plage Péronne.. Ciel ! Les beautés, ces « girls » aujourd’hui on dit  « gos », black and white.. Racisme feutré..  L’essentiel n’est-il pas de se rincer les yeux à cet âge ? Des glaces, de vraies, pas ces yaou’ fo’mé  vendus par des nubiles graciles qui offrent gratis et - innocemment ? – des nichetons, en package où tout est compris, à demi-sourire, chômage déguisé, malicieusement et pauvrement en décolleté, mais quel culot, à cet âge !

Il y a longtemps, c’était au bord des rivières, avec innocence, que nos petites paysannes offraient leurs rondeurs satinées au regard tout aussi innocent aux Réné Caillé qui passaient leur chemin. C’était avant la mondialisation qui vend des yaourts hormonés, en sandwich entre des tétons siliconés dans les cafètes « breastless » des hyper-Molls des mégapoles américaines. A Madina Avaria et sur les rues trouées de nids de poules et de fondrières bourbeuses, nous avons les mêmes offres tropicalisées. Simplement elles ne répondent pas à la formule excitante de

Hollywood lave plus blanc !

Ici seuls les soixante huitards initiés savent de quoi je parle qui se souviennent de :

In this play sexy play

Night and day

Naughty girls say

No pay no play

Coyah yé yao’ fo’mé..

Innocence de l’informel à la limite du charnel

J’en étais où ? De Cobaya, il faut se lever de bon pied, à cinq heures, pas seulement pour la prière de l’aube, mais pour prendre son taxi en renonçant à son délicieux tappa lappa que les nouveaux riches méprisent au profit du « pain libanais ». Le premier, cuit au feu de bois, le second au goût de farine raffinée, surgelée et cramoisie au four électrique. En France le tappa lappa me serait inaccessible; il faut aller le chercher dans les boulangeries huppées de Paul ou chez Fauchon.

 Les prédateurs savent voler tout sauf le bon goût.

Boulbinet, Sandervalia, le petit port aujourd’hui salopé par le Camp Samory et plus loin par les horreurs coréennes du Palais des mamayas. Ensuite on rentrait par Cameroune ou dans Camayenne ou par Coléah, sans oublier de passer par les halles ou les Quatre saisons de Domino, et re-glaces. Comment ne pas penser au Milk Bar d’Alger, aux drugstores de la fameuse Cricket street de San Francisco, in the Bea Area, au Village de New York aujourd’hui réservé aux Noah, Strauss Kahn et autres méga Madone.

Que nous en sommes loin, dans la poussière et la gadoue du conacris-crimes d’aujourd’hui !

Aujourd’hui l’ex Lycée Donka, est un kaléidoscope glauque, mélange d’indigènes dé-formés en polycards, (quelques étudiants rescapés), de squatters, quasi-proxénètes gérant l’hôtel de passe qu’est devenue une résidence pour des chercheurs, « offerte » par la Coopération et les projets Tokten. Oui messieurs-dames, le Lycée Donka est traversé par une sorte de canal drainant des eaux sanieuses qui partent des bureaux de Clamagiran (le redoutable Proviseur toubab des temps colo) vers les rails, quand le Tanka, (qui vient de ressusciter grâce à la  « coopération » chinoise) et la luxueuse Micheline reliaient Kaloum avec la petite banlieue, la capitale au reste du pays aujourd’hui décomposé en dominos sur- dominés – pauvres inconscients ! - qui s’entrechoquent aux cris de

A tcho kèndè a lo kèndè

Mou maninka mèma

On nani dhè koullè bourourè..

I kodi ? Matcha lagui, tu crois que je n’i pas compris, ma femme est peule espèce de foula kounda !

La mienne est Niankoye, mais elle ne touche pas au porc..

Idiam !

Propos de taxis dans l’enfer de la circulation..

Après 6h30, il faut trois à quatre heures pour rallier la capitale, de n’importe quel coin de nos tristes banlieues. Même chemin du Golgotha pour le retour après midi. Il faut voir ces hordes barbares se ruer sur les taxis à la gare-voiture non loin de l’historique cinéma Vox rasé par la Barbarie qui nous fait regretter la chicotte colo depuis plus d’un demi-siècle. Tous les lieux de culture ont été bulldozés et à leur place ont poussé des lieux de culte, le culte de la parole unique et inique vouée aux fassas qui se succèdent par-dessus la tête du pauvre hère. Tous les Guinéens – ou presque -, sont devenus des mendiants errants. Cinémas Rialto, Triomphe, et même le Palace que Conté le troufion formé à Katibougou au Soudan français avait défendu bec et ongles : rien n’y a fait, les marchands de pacotille et leurs complices de la bureaucrassie ont eu gains sans cause..

Il est vrai que le même Conté a concassé le Palais du gouverneur et déposé à la place les contreplaqués de Sékoumachinya. Allez voir cette bâtisse historique à Dakar pour consoler votre mémoire en larmes.

Triste.

(A suivre, si on veut)

Salut de palu !

Wa Salam,

Saïdou Nour Bokoum

www.nrgui.com Nouvelle République de Guinée

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