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Billet de blog 11 octobre 2014

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Le Nobel, petit cocktail entre amis

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

11 octobre 2014, à propos de littérature

J’avais oublié la saison du Nobel. Elle vient de passer. Petits prix entre amis. Une nation occidentale récompense des nations occidentales. Les États-Unis sont lauréats une fois sur deux des prix de physique, de chimie et de médecine, le reste étant pratiquement partagé entre les nations du G8. Le Nobel de littérature appartient à 90 % à ce même G8 et le Nobel de la paix à 80 %.

Ces chiffres sont sans importance puisque je ne fais que commenter un des innombrables cocktails du gotha occidental, et je n’ai rien contre les cocktails ni contre l’occident.

Non, du tout. Ce qui en revanche me paraît une aberration c’est le prix de littérature. Car enfin, on sait ce qu’est le Nobel : un certificat de bonne conduite selon les académiciens suédois. Et là encore, je ne dis rien. Il faut bien des bonnes conduites et même des certificats. Mais pour la littérature, c’est autre chose.

Alfred Nobel, 1833-1896

Que ces admirables académiciens pensent ce qu’ils veulent de ce que doit être la bonne conduite, qu’ils fassent ce qu’ils veulent de la chimie, de la physique, de la médecine et du tralala médiatique de la paix, je m’en désintéresse assez. Seulement la littérature, c’est-à-dire le résultat du travail d’un écrivain, c’est très différent. Le travail d’un écrivain ne peut pas recevoir un prix de bonne conduite, jamais, absolument jamais. Car un écrivain n’écrit pour personne, il n’écrit jamais pour une cause, il n’écrit jamais selon un code de bonne conduite, il écrit selon lui, par lui, pour lui. Ceux qui prétendent le contraire sont des jean-sucre.

On me rappellera que Sartre avait refusé le prix et que pour cette raison je devrais clamer « Vive Sartre ! » Sauf qu’il ne l’avait pas refusé pour la raison que j’invoque mais par idéal égalitaire, pour ne pas recevoir de distinction, pour – littéralement - ne pas être distingué du reste de l’espèce humaine. Ce qui me paraît être un beau jésuitisme.

Et cinquante ans plus tard, ce pauvre Modiano qui bredouille, contraint et forcé, quelques mots de remerciements. Je n’ai pas d’avis sur cet homme, je l’ai lu un peu, les petites bulles qu’il fait avec ses phrases, bulles qui enflent très vite et se déballonnent aussitôt, phrases de la pondération, de la retenue, de l’effacement. Quel embarras pour lui ce prix.

Décidément tout cela n’a aucune importance. Juste un cocktail de rentrée. Et puis, il ne faut pas oublier que le créateur de ce prix de bonne conduite et de bonne conscience est l’inventeur de la dynamite. On le voit bien, la racine n’était pas saine. 

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