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Billet de blog 12 juillet 2023

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Harcèlement moral dans l’Éducation Nationale : une rare condamnation de l’État

La cheffe d'établissement en question, contre qui d'autres recours judiciaires sont en cours d'instruction, exerçait en 2015-2016 au collège Romain Rolland à Tremblay-en-France où j'enseignais. Je publie ci-dessous un tract du SNES 93 au sujet de cette condamnation récente, ainsi qu'un courriel que j'avais moi-même adressé à un Inspecteur d'Académie pour dénoncer des faits similaires.

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Source : http://www.creteil.snes.edu/Harcelement-moral-au-lycee-Aristide-Briand-Le-Blanc-Mesnil-a-quoi-jouent-la.html

À Bobigny, le 16/06/2023

F. S. U. 93

Harcèlement moral de la part d'un personnel de direction au lycée Aristide Briand (Le Blanc-Mesnil)                

À quoi jouent la DSDEN 93 et le rectorat de Créteil ?

Le 10 mars 2022, le CHSCTD 93 se déplace au Lycée Aristide Briand du Blanc-Mesnil pour une visite d'établissement. Derrière le récit flamboyant d'un lycée d'excellence incarné par une cheffe d'établissement au carnet d'adresses bien rempli, il ne fait pas bon interroger les méthodes de management de cette dernière : la vitrine est prestigieuse mais l'arrière-boutique regorge de témoignages poignants témoignant d'une grande souffrance au travail.

Cette visite donne lieu à un rapport de visite. Il est signé par le président du CHSCTD d'alors et voté le 30 juin 2022. L'avis suivant est également voté en séance : « Le CHSCTD demande  d 'assurer la protection  des personnels  qui signalent  des situations  de harcèlement  en prenant des mesures conservatoires vis-à-vis de /'agresseur présumé. »

Suite à une relance de la FSU, ce rapport est diffusé par la cheffe d'établissement à la rentrée, mais de façon partiale et partielle. À quatre reprises durant le mois de septembre 2022, nous demandons à ce que le rapport de visite soit diffusé à TOU·TES les collègues du lycée. Sans succès... C'est alors que nous apprenons que quelques collègues ayant reçu le rapport de visite le contestent, le jugeant trop à charge contre la cheffe d'établissement. Nous apprenons qu'elles et ils ont été reçu·es séance tenante par la DSDEN. Qu'elles et ils ont obtenu que sa diffusion  soit  suspendue  et qu'il soit amendé  par leurs soins ! Une première  d'autant  plus scandaleuse que l'établissement est exsangue et la souffrance des personnels, croissante.

À chaque réunion du CHSCTD 93 puis de la FS-SSCTD 93, depuis maintenant plus d'un an, nous questionnons l'administration et les réponses sont à chaque fois aussi  consternantes que révoltantes :

•   Les principaux·ales adjoint·es qui se succèdent (cinq en trois ans) à la vitesse de l'éclair ? Des choix de carrière.                
•   Pas de principal.e adjoint·e cette année ? Un problème de vivier.
•   La promesse de suspension de la diffusion du rapport ? Ce n'est pas vrai.
•   Le rôle de l'IA-IPR EVS de secteur qui a ignoré et recadré des collègues en souffrance ? Elle fait très bien son travail.
•  Le nombre de collègues en accident de service ? Inconnu.
•  Trois équipes d'AED en trois ans ? C'est la cheffe d'établissement qui recrute.
•   Un signalement de souffrance collective au travail de la médecine de prévention ? Pas au courant.                
•   Des suites judiciaires qui mettent en cause la cheffe d'établissement ? Bien sûr que non !

Or,  nous avons  dernièrement  pris connaissance  d'un jugement  du tribunal  administratif  de Montreuil (audience  publique du  15 décembre  2022, décision  du 5 janvier  2023),  notifié au recteur de l'académie de Créteil. Par cette décision, le tribunal administratif énonce que :

« [. ..] les faits de harcèlement moral dont Mme X soutient avoir fait l'objet par la proviseure  de son établissement doivent être regardés comme établis, à compter du mois de septembre 2020. [. ..]

Ainsi  qu 'il a  été dit, Mme X  a  été  victime d'agissements  répétés de harcèlement moral non détachables du service et peut demander à être indemnisée par l'administration du préjudice direct et certain qui a pu en résulter. En premier lieu, il résulte de l'instruction que les fautes commises par l'administration ont causé à Mme X un syndrome anxio-dépressif réactionnel à son emploi. L'État est condamné à verser à Mme X la somme de 2 000 (deux mille) euros en réparation du préjudice moral subi par cette dernière. L'État versera à Mme X la somme de 1 500 (mille cinq  cents)  euros  au  titre  de  l'article  L. 761-1  du  code  de justice administrative. »

Qui peut croire encore que les autorités académiques protègent les personnels quand elles jouent le pourrissement face à nos alertes sur les multiples situations de brutalisation managériale en cours ? Qui peut croire encore que les autorités académiques protègent les personnels quand elles n'hésitent pas à mentir aux organisations représentatives en séance ?

Au lycée Aristide Briand, n'en déplaise au recteur de l'académie de Créteil qui avait conclu au rejet de la requête de la victime au motif que «  les moyens soulevés [n'étaient] pas fondés », l'État a été condamné.

Cette décision vient conforter  l'action de la FSU 93 qui n'a eu de cesse d'alerter sur la francetélécomisation de !'Éducation nationale, sur le management par  le stress et sur l'extrême souffrance des personnels qui en résulte. Elle doit encourager les personnels victimes à saisir les juridictions administratives voire pénales pour obtenir réparation des préjudices subis. La FSU 93 sera à leurs côtés.

À ce jour, la cheffe d'établissement du lycée Aristide Briand (Le Blanc-Mesnil) est toujours en poste. Jusqu'à quand les autorités académiques vont-elles se rendre coupables de déguiser les faits et de cautionner les pratiques toxiques de certain·es chef·fes d'établissement ? Quand vont-elles prendre leurs responsabilités pour protéger les personnels qui en sont victimes, avant qu'il ne soit trop tard ?

Les élu· es de la FSU 93 à la FS-SSCT départementale

***

Signalement de faits constitutifs de harcèlement moral contre K. B., principale du collège Romain Rolland de Tremblay-en-France

Illustration 1

De : Salah Lamrani
À : "***.***@ac-creteil.fr"
Envoyé le : Mercredi 27 janvier 2016 23h46
Objet : Harcèlement moral

Monsieur l'Inspecteur,

Je me permets de vous faire part de la situation préoccupante dans laquelle je me trouve au sein de mon établissement, le collège Romain Rolland de Tremblay-en-France (Seine-Saint-Denis), où j’ai été affecté à la rentrée 2015 en poste fixe en tant que Professeur de Lettres Modernes (Néo-Titulaire). Un rapport plus détaillé comportant les documents et pièces justificatives, notamment des échanges de courriel et des témoignages de personnels et de parents d'élèves, pourra vous être adressé prochainement. Je vous rappelle que vous m’avez inspecté dans le cadre de mon année de stage l’an passé, au collège ***, où j'ai de très bons états de service.

Depuis la rentrée, mes échanges et relations avec la direction de cet établissement, Mme K. B., principale, et M. A. S., principal adjoint, ont pris une tournure et des proportions de violence invraisemblables, surtout eu égard aux faits qui les ont causés. Je signale dès l'abord que je considère n'avoir commis absolument aucune faute ou manquement, à moins que la qualité de délégué syndical et des actions en ce sens puissent constituer un acte d'insubordination méritant l'hostilité voire les brimades de la direction (diffusion de documents syndicaux, assistance d’un personnel en procédure disciplinaire, prise de parole courtoise mais contradictoire au premier CA où je suis élu, etc., qui seraient étrangers à la « culture » de l'établissement), ou interdiraient de s'investir dans le cadre d'activités autorisées par la hiérarchie et plébiscitées par les élèves. Je signale par ailleurs que les personnels de l'établissement m'ont souvent parlé du caractère particulièrement intrusif des parents du collège, bien que je n'aie pas directement rencontré de tels problèmes, peut-être parce que je suis apprécié de mes élèves. Mais un premier incident le jour même de la rentrée pourrait être révélateur de tels faits et d'usages discutables de la direction : j'avais été accusé de duplicité par celle-ci lors d'un entretien dans son bureau convoqué à cet effet, en présence de la principale et de son adjoint, sur la seule base d'une information fausse et absurde qui aurait été donnée par un parent. Mme B. m'avait ensuite présenté ses excuses et j'ai considéré l'incident clos, sans en avoir informé quiconque au sein de la communauté éducative.

A partir de novembre, après m’avoir donné le feu vert pour deux Clubs que je souhaitais animer, et que j’avais soumis par écrit dès la semaine de la rentrée (la direction m'avait seulement dit, après un certain temps, que je ne pourrais finalement pas être rémunéré pour ces activités du fait d'un manque de moyens, mais j'ai tenu à maintenir bénévolement ces projets et cela a bien sûr été loué et validé), Mme B. les a fermés peu après leur lancement, après le premier CA du 5 novembre, privant ainsi 31 élèves d’activités enrichissantes, sans la moindre raison valable. J'ai demandé des explications mais je n'ai pu en obtenir, cette volonté de comprendre m'étant même reprochée comme un manque de respect pour la hiérarchie. Soucieux de défendre ma crédibilité auprès de la communauté éducative, car je ne pouvais endosser seul cette responsabilité et devais pouvoir me justifier auprès des élèves et personnels, je lui ai demandé, par courriel, une notification écrite et circonstanciée (elle me l’avait catégoriquement refusée suite à ma demande à l’oral), et j’ai finalement été mis en faute par un courriel tendancieux qui m’imputait un manquement potentiellement grave pour la sécurité des élèves dans le lancement de ces Clubs pour lequel je n’aurais pas eu d’autorisation, ce qui constitue une calomnie, d’autant plus grave que ce courriel, dans le contexte de l'après 13-novembre, a ensuite été lu publiquement au CA du 30 novembre : tous les autres élus y ont eu voix au chapitre (le principal adjoint, mon référent car notre établissement est sur deux sites, y a du moins clairement reconnu qu'il m'avait lui-même reconfirmé le feu vert pour lancer mes Clubs après le CA précédent du 5 novembre), mais quand j’ai voulu y donner ma version des faits, je me suis vu intimer le silence, si bien que je n’ai pas pu me faire entendre. C’est cette version qui a été répandue au sein de l’établissement, et d'autres rumeurs calomnieuses de faute grave ont ensuite circulé (non-respect de la laïcité avec mes élèves, etc.). Mme B. a même interdit à Mme M., la documentaliste, de m'accueillir en tant qu'assistant dans son activité lecture avec les élèves, ce que Mme M. avait fait à deux reprises en résistant une première fois à des pressions en ce sens en arguant du vif intérêt des élèves et de ma qualité de collègue, mais après le second CA, la documentaliste a été convoquée par la principale et a dû céder à regret. Comme je concluais un courriel adressé à la direction le 21 novembre, dans lequel je protestais contre la suspension définitive et injustifiée de mes clubs, « Je ne trouve absolument aucune explication satisfaisante à votre décision, qui démentit à la fois votre adjoint et votre propre accord donné oralement en sa présence, sauf à croire qu’il est dû à des considérations d’ordre personnel qui ne sauraient avoir droit de cité dans des relations professionnelles ni primer sur l’intérêt des élèves. » Comme beaucoup d'autres, ce courriel est resté sans réponse.

La violence du CA du 30 novembre et cette atmosphère délétère m’ont conduit à être arrêté dix jours par mon médecin. Lorsque je suis revenu durant la dernière semaine avant les vacances de Noël, j’ai été soumis à des pressions quotidiennes dont je serai en mesure d'apporter rigoureusement le détail. Au point que même après les vacances, je n’étais pas capable de reprendre les cours, et mon médecin m’a arrêté 3 semaines. Pour information, avant cette année, je n’avais jamais été en arrêt de travail, et sauf stages ou jours de grève, en plus de 2 ans dans l’Education Nationale, je n’ai jamais raté une heure de cours (j'ai raté une demie-heure du fait d'un problème de transport, et malgré des trajets quotidiens de 3 heures).

Durant mon absence, j’ai tout de même voulu avancer avec mes élèves, et me faire adresser des copies pour les corriger et leur renvoyer des contrôles. La CPE était d’accord pour le faire et le leur a annoncé, mais ensuite, cela n’a plus été possible et cette information a été démentie. Ma demande écrite de rattrapage de cours avec mes classes adressée à la direction est restée sans suite.

Plus encore, lorsque j’ai repris les cours ce lundi 25 janvier (à la grande surprise de beaucoup d'élèves, et également à leur joie), j’ai appris que la vie scolaire avait affirmé à toute une classe qu’ils ne devaient pas même faire les contrôles que j’avais donnés avant les vacances et que si à mon retour je leur mettais un zéro pour travail non fait, ils devaient se plaindre aux surveillants qui en aviseraient la direction. Ces devoirs étaient du reste des sujets que j'avais imprimés et laissés à la CPE à leur intention durant une absence en décembre pour formation, et qui sont ensuite restés 10 jours dans le tiroir de la salle de permanence où les a déposés la vie scolaire, et où mes classes étaient presque quotidiennement, mais n'ont pas été distribués ; le seul devoir qui a été fait est celui que j'avais donné en mains propres à une déléguée élève durant un conseil de classe. Du reste, toutes sortes de rumeurs circulaient parmi les enfants, notamment que j’aurais été renvoyé pour faute grave.

Enfin, j'ai appris par mes élèves que le vendredi 22 janvier, la vie scolaire a distribué à mes classes un document de la FCPE sans enveloppe dans lequel il était dit que tous les parents étaient conviés à une réunion le lundi 25, consacrée au sujet préoccupant de mon absence non remplacée et des solutions qui devaient être trouvées, alors que la direction avait bien reçu mes arrêts maladies et qu'il finissait le 24. Ce qui, dans un tel contexte, ne pouvait manquer de confirmer pour beaucoup les fausses rumeurs qui circulaient, soutenues par cette atmosphère insidieuse.

Lorsque j’ai appris cela, j’ai demandé à mes élèves de dire à leurs parents que je les invitais moi aussi à assister à cette réunion, et que je serais présent dans l’établissement pour parler à qui le souhaiterait après celle-ci. Mais lorsque la réunion a commencé (je n’ai aucunement essayé d’y participer car je n’y étais pas convié ; un représentant FCPE m’a même affirmé mensongèrement qu’elle n’était aucunement consacrée à moi mais à d’autres questions), le principal et son adjoint sont venus me faire sortir de ma propre salle à l'étage supérieur (j’avais dit aux parents que j'y serais présent pour qui le souhaite), au prétexte de l’alarme incendie, et j’ai obtempéré sans mot dire. Ils ont ensuite voulu me faire sortir de l’enceinte même de l’établissement en arguant que c’était une « propriété privée », et face à mon refus d'obtempérer et à mon indifférence placide, voilà un échantillon des menaces et propos injurieux et diffamants qu’ils ont proférés ensuite, en présence d’un parent d'élève, pour me forcer à partir avant la fin de la réunion et m’empêcher de parler aux parents, voire peut-être me pousser à la faute : « pitoyable », « on va appeler la police, vous allez rentrer dans un fourgon », « aucun parent ne veut vous parler », « personne ne va vous soutenir », « danger pour les élèves », « je vais appeler le rectorat et vous interdire l’accès à l’établissement dès demain » (car je serais manifestement incontrôlable et pourrais frapper des élèves dans un accès de colère, qu'ils semblaient s'évertuer à provoquer), « terroriste », etc. Je n’ai pas répondu à ces propos et me suis contenté de les ignorer. Je suis resté debout dehors, dans le parking de l’entrée, pendant plus d’une heure trente, sans perdre mon calme à aucun moment. Et durant tous ces « échanges », je n'ai adressé que quatre mots à la direction : « faites un écrit », et le mot « terroriste » que j'ai répété sur un ton interrogatif.

A la sortie de la réunion, des parents sont massivement venus me voir et m'entendre (une vingtaine pour le moins), et un échange public s'est instauré à l'entrée de l'établissement. Plusieurs parents m’ont fait part de leur vif souhait que je puisse poursuivre à exercer mes fonctions avec leurs enfants, me demandant si j'étais disposé à le faire. Je leur ai affirmé que ma volonté de le faire était absolue, mais quant à ma capacité, je leur ai rapporté les faits ci-dessus sobrement, en rappelant les termes qui avaient été utilisés par la direction pour me faire partir et m’empêcher de leur parler, et en soulignant le caractère extrême et inacceptable de leurs procédés. J’ai fait part de mon souhait de continuer à enseigner à mes élèves, avec qui tout se passait très bien, mais cela nécessiterait que la direction puisse du moins cesser ses manœuvres de déstabilisation personnelle et professionnelle. Un parent a clairement parlé de « harcèlement moral », termes que je n’avais pas utilisés mais qui caractérisent fidèlement la situation, m’invitant à saisir la justice pénale. Lorsque j’ai répété l’accusation de « terroriste » qui m’a été lancée par M. S., et de dangerosité pour les élèves justifiant mon interdiction à l'établissement dès le lendemain prononcée par Mme B., j’ai eu une petite crise de larmes (je précise que certains de mes élèves ont perdu des proches le 13 novembre). Des parents s'étant engagés à agir en ce sens, je me suis engagé auprès de tous, à leur demande et conformément à mon souhait, à être présent jeudi (car gréviste mardi, et n’ayant pas cours mercredi), et à poursuivre ma mission d'enseignement auprès de leurs enfants tant que cela me serait humainement possible. Et tout cela en la présence de la principale et de son adjoint qui sont restés avec moi durant toute la réunion de la FCPE, et étaient maintenant aux tous premiers rangs de l'audience des parents, entendant tout très distinctement.

Je tenais vivement à vous informer de tout cela, en espérant que vous pourrez me soutenir et contribuer à restaurer des conditions qui me permettront d'assurer sereinement ma mission d'enseignement. Je vous informe que je compte également en informer le Rectorat pour faire diligenter une enquête sur ces faits inconcevables.

En vous priant de m’excuser pour ce message, et en vous remerciant par avance de votre attention, je vous prie d’agréer, Monsieur l’Inspecteur, l’expression de ma considération respectueuse.

Salah Lamrani

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