Par Libby Brooks, notre correspondante en Écosse
Source : The Guardian, 6 juin 2023
Traduction : Salah Lamrani

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Christopher Lee dans le rôle de Dracula. Dans les cas de vampirisme très tenace, il est recommandé de couper la tête et de la replacer dans le cercueil avec la bouche remplie d'ail.
La soif infâme de sang humain, une gousse d'ail pour éloigner les vampires, un pieu dans le cœur comme méthode optimale d'élimination : telles sont les caractéristiques les plus connues du Dracula de Bram Stoker.
Mais ces détails macabres ne sont pas issus de l'imagination de Stoker, mais des travaux factuels d'une auteure écossaise originale, Emily Gerard, qui s'est directement inspirée de ses recherches sur le folklore de Transylvanie.
Aujourd'hui, l'arrière-petit-neveu de l'auteur, Dacre Stoker, s'est lancé dans ce qu'il décrit comme « une grande chasse au puzzle » pour en savoir plus sur l'Écossaise qui a parcouru la campagne des Carpates en interrogeant les gens sur leurs superstitions, en écrivant deux volumes sur le sujet et en introduisant finalement le terme « Nosferatu » chez Stoker.
Il a déclaré : « Le premier document dans lequel j'ai trouvé son nom est une interview que Bram a accordée à Jane Stoddart dans le British Weekly. Elle a demandé à Bram : “Où avez-vous obtenu cette information ?” Il a répondu qu'il y avait plusieurs informations, mais que la plus complète provenait d'un essai d'Emily Gerard paru dans le Nineteenth Century [un magazine littéraire britannique fondé en 1877].
« C'est ce qui a éveillé mon intérêt. Qui était-elle et quelle était sa contribution ? »
En consultant les notes de son ancêtre, conservées au musée Rosenbach de Philadelphie, il a découvert des références significatives aux recherches de Gerard. Il raconte : « Bram a utilisé les traits qu'elle a décrits dans les paroles de Van Helsing, lorsqu'il explique à la bande de héros quels sont les pouvoirs de Dracula et comment ils doivent le tuer. »
« Dans les cas très obstinés de vampirisme, il est recommandé de couper la tête et de la replacer dans le cercueil avec la bouche remplie d'ail, ou d'extraire le cœur et de le brûler, en jetant ses cendres sur la tombe », a-t-il ajouté. Gerard a écrit dans The Land Beyond the Forest, un ouvrage en deux volumes publié en 1888.
Si Dacre Stoker, lui-même auteur, s'est attaché à découvrir ce qui a motivé et influencé son ancêtre, son attention se porte désormais sur Gerard, née en 1849 dans les Scottish Borders au sein d'une riche famille de militaires. « Quel genre de femme grandit dans une famille aisée à Jedburgh et Airdrie et part en Transylvanie pour faire quelque chose d'assez risqué pour l'époque, en s'intéressant aux superstitions ? », demande-t-il.
Lors d'une récente visite en Écosse pour poursuivre ses recherches sur la vie de Gerard, il est tombé sur un buste de sa mère dans un musée d'Airdrie, ainsi que sur l'adresse de la maison familiale dans le Lanarkshire.
Dacre Stoker dit qu'il connaît bien les codes sociaux stricts qui s'appliquaient aux femmes de l'époque victorienne - qu'est-ce qui a poussé Emily à se rebeller ? Il souligne qu'elle et sa sœur étaient écrivaines et qu'elles ont publié au moins quatre romans en collaboration, de sorte que la créativité n'était apparemment pas interdite aux femmes de sa famille.
Il note également que l'Écosse du XIXe siècle - où Stoker a écrit des morceaux de Dracula pendant ses vacances sur la côte de l'Aberdeenshire - était alors une société où la religion et les croyances superstitieuses coexistaient assez confortablement.
Après avoir épousé son mari, un officier de cavalerie polonais, en 1869, Gerard a profité du temps qu'il passait en Transylvanie pour écrire sur la culture et le paysage de la région.
Dacre Stoker se dit convaincu que c'est grâce au travail de Gerard que Stoker a changé le cadre du château de Dracula, passant de l'Autriche à la Transylvanie.
« Il a dû falloir du courage à une jeune femme pour parcourir la campagne et interroger les gens sur ces croyances, puis faire publier un article dans le Nineteenth Century, qui était un formidable magazine londonien, et enfin un livre en deux volumes. »
« Il est certain que cette femme avait un esprit intéressant et je suis impatient d'en savoir plus. »