SALEM SID AHMED

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Billet de blog 3 juillet 2014

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Liberté, Impunité, Confraternité

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Il y a des jours où je n'ai pas envie de rire des frasques et des turpitudes de cette République, à peine convalescente du vichysme et des drames coloniaux... déjà rongée par le cancer des affaires, de la corruption, mais surtout par la solidarité de classe qui s'affiche de façon outrageante depuis que Nicolas Sarkozy a passé quelques heures en garde à vue. Combien de journalistes se sont fait les relais, depuis, des accusations de machination politique, d'acharnement suspect, qui sont pour l'heure la seule défense de la Sarkozye aux abois ? Ainsi, Jean-Pierre Rosenczveig, président du tribunal pour enfants de Bobigny sur le départ, interrogé par Patrick Cohen le 2 juillet sur France Inter. Ses deux premières questions, sous couvert "d'actualité brûlante", portent sur l'affaire Sarkozy, et sont lourdes d'insinuations.

Evidemment, je ne me suis pas "tapé" toutes les émissions qui s'enchaînent depuis hier sur la question: simple souci d'hygiène mentale, écoeurement devant tant de révérence... Mais ce que j'en ai capté a de quoi faire frémir, bondir, et est indigne d'une république qui se donne si souvent en exemple au reste du monde, sans pour autant se donner la peine d'être exemplaire. Sur la base de ces réactions "spontanées", et devant l'avalanche d'affaires qui menace d'emporter ce qui reste de décence et de retenue au plus haut niveau de nos institutions, il est possible sans attendre de tirer quelques conclusions:

La presse n'est pas le quatrième pouvoir que l'on a décrit, ce qui supposerait naturellement qu'il soit indépendant des trois autres. Elle est, et dans un style qui même flagornerie dégoulinante et cynisme éhonté, un outil de perpétuation de la domination qu'exerce une classe affairiste sur le reste du pays. Que le job, techniquement parlant, soit mieux fait qu'à feu la Pravda est plus un motif d'inquiétude que de satisfaction.

Dans le pays qui a guillotiné Louis XVI, il est choquant d'infliger 15 heures de garde à vue à un ancien chef de l'Etat, quelque soit la gravité des charges qui pèsent sur lui. En dépit de l'obligation d'exemplarité qui s'impose au premier magistrat. Le concert de récriminations indignées, scandalisées qui s'en est suivi est d'autant plus amoral que jamais la pensée qui le sous-tend n'est clairement formulée, à savoir: ça ne se fait pas (de traiter comme un simple citoyen... un simple citoyen)  !

Un pays où un homme politique, mis en examen sur la base de charges aussi graves, profite de la situation et du "buzz" qui en résulte pour promouvoir sa future candidature n'est pas loin de devenir une république de façade. Que la presse, en majorité, néglige le fond de l'affaire pour se faire la caisse de résonnance de cette opération électorale est consternant.

Lorsque, chaque fois qu'un malfaiteur de haut rang est sur le point d'être confondu, le chiffon rouge du Front National est utilisé comme arme de baillonnement massif, cela revient à prendre les citoyens en otage de façon bien plus préoccupante que lorsque c'est le fait de cheminots qui se battent pour leur survie.

Quand, dans une république, la presse en est réduite au rôle de metteur en scène complaisant des ambitions personnelles d'individus à qui la soif de pouvoir fait oublier toute prudence, les citoyens ne sont plus que les spectateurs d'un jeu qui se joue sans eux, et de plus en plus contre eux.

A partir de là, nul besoin d'émissions spéciales où de graves commentateurs s'évertuent à transformer en fait politique ce qui n'est bien souvent qu'affaire de droit commun. Tout un chacun sait bien ce qu'il a sous les yeux, en dépit de la poudre de perlimpimpin dont la classe médiatico-politique unanime et solidaire  nous asperge à longueur de faux débats: l'affairisme, l'ambition personnelle, le carriérisme cynique, le mépris du citoyen supposé n'être qu'un crétin résigné scotché à son écran plat tiennent désormais lieu de sens de l'Etat à ceux pour qui la devise de la République n'est plus qu'un concept marketing éculé.

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